Une rentrée particulière.

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1er septembre 1970, Manoir Black, Wiltshire.


« Alors qu'une nouvelle attaque est survenue le lundi 31 août à Cambridge, de plus en plus de sorciers craignent une ascension de celui que l'on surnomme désormais le Seigneur des Ténèbres. Les disparitions répétées de né-moldus créent une atmosphère de terreur dans la communauté magique de Grande Bretagne et certains parents avouent hésiter à laisser leurs enfants se rendre à l'école de sorcellerie Poudlard alors que deux de ses élèves, Thelma Jenkins et Emily Davies, ont perdu la vie suite à l'utilisation d'un sortilège impardonnable. Nous vous rappelons que le ou les coupables sont toujours en liberté et... »

- Oh, c'est insupportable, déclara Druella en éteignant la radio d'un coup de baguette. Ils n'avaient qu'à faire plus attention, voilà tout. Les filles dépêchez-vous, vous allez manquer votre train à force de traîner ainsi.

Narcissa enfourna une dernière cuillère de porridge dans sa bouche avant de filer à l'étage récupérer sa valise. Andromeda s'apprêtait à faire de même lorsque sa mère l'arrêta.

- Andromeda.

La jeune sorcière se tourna lentement vers madame Black.

- Rappelez-vous bien de ce que votre père vous a dit. Un seul faux pas et...
- ...et je ne remettrai pas les pieds ici. Je sais. Puis-je aller prendre mes affaires ?
- Faites.

Andromeda soupira et monta dans sa chambre. Depuis sa fête d'anniversaire, ses parents ne lui avaient presque pas accordé la parole, et Narcissa trouvait toujours une excuse pour couper de court leurs conversations. Elle savait que sa petite sœur n'avait pas vraiment le choix, car elle avait surpris son père lui défendant de rester avec sa sœur tant que cette dernière n'avait pas retrouvé « la raison ». Elle se sentait rejetée, plus seule que jamais. Désormais, toute sa famille lui avait tourné le dos. Ils la regardaient comme une étrangère, comme une bête sauvage, comme une intruse. Elle se languissait de partir de cet abominable endroit pour les quatre prochains mois, et s'impatientait à l'idée de retrouver ses amis. Surtout Ted. Elle lui avait écrit suite à la catastrophe que fut son anniversaire. Il avait été son seul soutien cette dernière semaine. Néanmoins, elle savait qu'il ne serait pas tâche aisée de le voir désormais : Cygnus avait très certainement demandé à tous ses camarades de Serpentard de surveiller ses moindres faits et gestes. Ted étant un né-moldu, si son père apprenait qu'elle le fréquentait, elle serait bannie de la famille à tout jamais. Elle se rappela alors des mots de Bellatrix, qui prenaient désormais tout leur sens « Quand tu te retrouveras seule, parce que tu auras fait le choix de nous abandonner Narcissa et moi, il n'y aura pas de retour en arrière. Je ne pourrais jamais prendre ta défense si tu décides de trahir ta propre famille ». Elle pensa alors à Narcissa qui se retrouverait effectivement seule avec leurs parents si elle venait à être expulsée du foyer. Elle ne pouvait pas lui faire ça. Bellatrix avait raison, ce serait trop égoïste. Narcissa souffrait déjà du départ de leur aînée, elle ne supporterait pas d'être abandonnée à nouveau ; d'autant plus que Bellatrix n'avait pas daigné leur rendre visite du mois d'août, à l'exception de sa terrible apparition une semaine auparavant. Sûrement avait-elle mieux à faire que de prendre des nouvelles de sa famille maintenant qu'elle en avait une nouvelle. Quoi qu'il en soit, c'était désormais à Andromeda d'endosser le rôle de l'aînée, d'être la plus sage. Une fois à Poudlard, elle devrait rester plus vigilante que jamais, pour le bien de Cissy.

Lorsque les deux filles descendirent avec leur valise, Cygnus et Druella les attendaient dans le hall d'entrée.

- Prêtes ? demanda la mère.

Les sœurs acquiescèrent et saisirent chacune le bras tendu d'un parent. La famille Black disparut alors dans un crac sonore. Quelques secondes plus tard, ils apparaissaient devant le mur qui donnait sur la voie 9¾. Narcissa et Druella passèrent à travers les premières, rapidement suivies d'Andromeda et de Cygnus. Arrivée devant le Poudlard Express qui crachait déjà un épais nuage de vapeur blanche, la cadette regarda autour d'elle. Elle ne tarda pas à trouver ce qu'elle cherchait. Ted embrassait ses parents pour leur dire au revoir, la cage qui contenait son hibou brun, Lennon, à la main. Cygnus jeta un regard sévère à sa fille qui baissa immédiatement les yeux et s'attela à monter ses bagages à bord du train pendant que Narcissa recevait des conseils de dernière minute de la part de leur mère. Après un au revoir courtois à ses parents, elle prit définitivement place à bord du Poudlard Express, dans un compartiment éloigné de ceux remplis de Serpentard. Elle n'avait pas cherché à rester près de sa jeune sœur, sachant pertinemment que cette dernière ne lui aurait pas adressé la parole du trajet, étant déjà très certainement occupée à glousser aux blagues du fils Malefoy.
Le compartiment dans lequel elle s'était installée était vide. Rapidement, trois élèves, des premières années, vinrent timidement la rejoindre. Elle ne leur prêta pas attention alors qu'ils entamèrent une conversation animée, tout excités à l'idée d'entamer leur scolarité à Poudlard. Elle ne put s'empêcher cependant de tendre l'oreille lorsqu'elle les entendit parler des évènements sinistres qui avaient eu lieu au court de l'été.

- J'ai même entendu dire que la nièce de la Ministre avait été torturée et séquestrée durant des jours avant qu'on ne dépose son cadavre dans son appartement juste avant qu'elle ne fête son anniversaire, dit un jeune garçon aux cheveux bruns crépus.
- Moi on m'a dit qu'elle s'était suicidée avant qu'on ne puisse l'approcher, rétorqua une fillette aux yeux gris.
- N'importe quoi, vous n'écoutez pas la radio ? Elle a été tuée par un soldat de Vous-Savez-Qui, assura le dernière, une rousse aux cheveux d'une longueur interminable. Ma mère dit que ce sont des fanatiques assoiffés de sang. Elle ne voulait pas me laisser partir, j'ai dû insister durant des semaines pour qu'elle cède. Une horreur. Mais je suis sûre que nous sommes en sécurité à Poudlard. Après tout, Dumbledore est le plus grand sorcier de tous les temps.
- C'est pas ce que dit mon père. Tu savais qu'il y avait déjà eu un meurtre à Poudlard ? Une élève, dans les années quarante, répliqua le jeune aux cheveux crépus.
- Quoi ? N'importe quoi, je le saurais sinon, dit la rousse.

C'est à ce moment que la porte du compartiment s'ouvrit pour dévoiler une élève plus âgée, aux cheveux bruns courts et aux yeux dorés. Quand elle aperçu Andromeda, son visage s'illumina.

- Andromeda, t'es là ! On t'a cherchée partout. Les gars, elle est là !

Le cœur de la jeune sorcière s'emballa lorsqu'elle entendit la voix de son amie Arya, et elle cru qu'il allait exploser quand la tête de Teddy Tonks apparu dans l'entrebâillement de la portière.

- Mademoiselle Black. Ravi de vous revoir.
- Teddy ! Arya !

Andromeda se leva précipitamment mais se figea net lorsqu'elle aperçu Dahlia Greengrass qui passait derrière ses amis, lui lançant au passage un regard significatif. Elle se rassit alors sans un mot craignant que la Serpentard n'aille rapporter cela à ses parents. Ted sembla alors comprendre la situation et invita Arya à le suivre, laissant son amie seule avec les premières années qui observaient la scène d'un air curieux.

- Black ? fit une petite voix.

Andromeda leva les yeux vers le jeune garçon qui la regardait avec des yeux émerveillés. C'est reparti pour un tour, pensa-t-elle.

- T'es de la famille Black ? demanda-t-il.
- Il faut le croire, grommela-t-elle.
- Comme Phineas Nigellus Black, l'ancien directeur de Poudlard ?
- Hmm.
- Wow ! Je...euh...je m'appelle Nemrod Thomas, dit-il en lui présentant sa main.

La sorcière se contenta de fixer la main tendue vers elle et d'adresser un hochement de tête au jeune garçon. Elle entendit les filles pouffer à côté d'elle. Le trajet s'annonçait long.


Quand le Poudlard Express arriva enfin en gare de Pré-au-Lard, Andromeda se précipita sur sa valise et s'empressa de sortir du train. Elle savoura l'air frais de la nuit qui était déjà tombée alors que la grosse voix d'Hagrid sommait les premières années de le suivre. Très vite, elle fut entourée par une foule d'élève qui se pressaient autour d'elle. Elle se dirigea vite vers les calèches qui les conduisaient à Poudlard. Du coin de l'œil, elle aperçu Narcissa entourée de sa bande d'amis. Elle était bras-dessus bras-dessous avec Lucius, et gloussait avec Dahlia Greengrass et Maisie Parkinson. Les trois filles se moquaient ouvertement d'une sorcière du même âge qu'elles qui venait de faire tomber sa pile de livres et les ramassait la tête baissée, sans oser se défendre face à la bande de Cissy. Andromeda devina alors qu'il s'agissait d'Alecto Carrow, pour avoir déjà entendu sa sœur médire de longues heures à son égard. « La pauvre fille est aussi laide que simple d'esprit, elle n'a que sa cruauté comme trait de personnalité » avait dit la blonde. Andromeda haussa les sourcils et détourna son attention du triste spectacle. Après tout, ce n'était pas ses affaires.
Elle prit place à bord d'une calèche. À sa grande surprise, sa sœur vint la rejoindre et lui adressa un discret sourire. Reconnaissante, Andromeda le lui rendit timidement et un silence confortable s'installa avant que Dahlia et Maisie n'arrivent à leur tour, s'accaparant alors toute l'attention de Narcissa.

- Vous ne devinerez jamais qui vient de faire un clin d'œil à Dahlia ! dit Maisie.
- Mais non ! s'exclama Narcissa en lançant un regard stupéfait à son amie. Ne me dis pas que...
- Si, si ! Je vous l'avais dit moi, qu'il était totalement amoureux d'elle.
- Arrêtez, cela ne veut absolument rien dire, rétorqua la ravissante Dahlia dont le visage virait au rouge écarlate. Rabastan n'est qu'un ami...
- C'est ce que Cissy disait pour Lucius, regarde les maintenant... répliqua Maisie.
- Maisie ! s'indigna la blonde en jetant un coup d'oeil furtif à Andromeda qui détourna aussitôt le regard, faisant mine ne pas pas avoir entendu.

Elle ne comprenait pas pourquoi sa sœur se donnait tant de mal à cacher son amourette avec le jeune Malefoy. Après tout, ils ne faisaient de mal à personne. Deux parfaits petits sangs purs, quel problème leur relation pouvait-elle poser ? Andromeda sentit un pique de jalousie lui pincer la poitrine lorsqu'elle compara l'idylle de Narcissa et Lucius à celle naissante entre Teddy et elle-même. Ses parents la méprisaient déjà parce qu'elle montrait un intérêt pour la culture moldue, comment réagiraient-ils lorsqu'ils apprendraient que son cœur appartenait à ce qu'ils appelaient avec dédain un « sang de bourbe » ? Après la jalousie, ce fut la colère qui gagna son esprit. Quels droits avaient Druella et Cygnus de dicter sa vie ? Ses choix n'appartenaient qu'à elle, elle ne devait de compte à personne. Après tout, si sa propre famille n'était pas prête à l'accepter comme elle était, pourquoi ferait-elle l'effort de se plier à leurs règles stupides, d'une vanité absolue ?
Andromeda regarda à nouveau sa sœur qui était entourée de ses amies. En y réfléchissant, la blonde n'allait pas se retrouver seule. Lucius habitait non loin du manoir, il pourrait toujours lui rendre visite si la solitude gagnait la benjamine Black. Et à Poudlard, elle faisait partie des élèves les plus populaires de sa génération. Que connaissait-elle de la solitude ? Puis, Cissy n'avait rien fait pour la défendre lorsque les foudres de leurs parents lui étaient tombées dessus. Elle s'était contentée d'obéir, docile, aux directives que lui avait imposées Cygnus : reste loin de ta sœur, mais assez près pour la surveiller. Narcissa était lâche, et égoïste.
D'autre part, les amis qu'elle s'était faits à Poudlard s'étaient montrés bien plus fidèles que tous les membres de sa famille. Ils l'avaient toujours aimée pour ce qu'elle était, n'avaient jamais posé de jugement sur ses goûts et décisions. Ils l'avaient toujours encouragée. Elle n'avait jamais ressenti le besoin de cacher sa vraie personnalité lorsqu'elle était à leurs côtés. Elle savait pertinemment qu'ils l'accepteraient toujours. Puis il y avait Teddy. Ce jeune garçon qu'elle avait apprécié, aimé et adoré tout au long de sa scolarité. Ils s'étaient jurés qu'ils seraient toujours là l'un pour l'autre. Teddy, elle le savait, lui apporterait toujours son soutient. Si elle décidait de vivre sa vie comme elle l'entendait, au risque de perdre ceux auxquels elle était unie par le lien du sang, il deviendrait sa seule famille. À son plus grand étonnement, cette idée ne la dérangea guère.
Aussi, lorsque les calèches s'arrêtèrent devant l'immense château qu'était Poudlard, elle se dirigea immédiatement vers Pablo, Arya et Ted d'un pas déterminé. Elle avait pris sa décision et celle-ci était irrévocable. Andromeda Black allait enfin vivre sa vie.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant