Vingt ans.

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Manoir Malefoy.


Lorsqu'elle entra dans le bureau de son Maître, Bellatrix avait un grand sourire aux lèvres. Le mage noir lui fit signe de s'asseoir, sans mot, le visage impassible. Il l'examina un moment avant de parler.

- La jeune voyante est morte. Un malheureux accident.
- Comment l'avez-vous retrouvée, Maître ? demanda Bellatrix avec de grands yeux étonnés.
- Française, très jeune, blonde, aveugle et diseuse de bonne aventure ? Allons Bella, c'était un jeu d'enfant.
- Bien sûr, mon Seigneur. J'ai été stupide d'être étonnée par cette information.
- Hmm.

Le Seigneur des Ténèbres ferma les yeux et prit une profonde inspiration.

- Vingt ans.

Bellatrix le fixa l'air incrédule.

- Vingt ans et femme mangemort...

Il avait toujours les yeux fermés mais un léger sourire s'était formé au coin de sa bouche.

- À combien de personne as-tu ôté la vie, Bellatrix ?
- Une quinzaine, Maître, mais je ne saurais pas être précise, répondit fièrement la sorcière.
- Tu as déjà perdu le compte, hmm, répondit Voldemort d'une voix douce avant de répéter : vingt ans...

À son âge, il travaillait chez Barjow et Beurk pour qui il escroquait de riches clients. Bien entendu, il ne s'était pas contenté de cela et avait profité de cette expérience professionnelle pour en apprendre plus sur la magie noire et collecter des objets d'une grande valeur. Puis un jour, il n'était pas retourné à la boutique, et personne ne l'avait vu durant de longues années. Tous ignoraient que le jeune Tom Jedusor avait effectué un long voyage initiatique en Europe, durant lequel il avait approfondit ses connaissances en matière de magie noire et acquis des aptitudes que certains n'oseraient même pas imaginer. Il avait étudié les différentes formes de magie qui existaient dans de nombreuses cultures : en Grèce, en France, en Croatie, en Italie, en Roumanie et dans bien d'autres pays. Il avait créé de nombreux horcruxes, sacrifiant chaque fois un peu plus sa grande beauté pour devenir ce qu'il était aujourd'hui. Mais grâce à ses nombreuses expériences, il était aussi devenu le puissant mage noir que tous connaissaient désormais. Alors, son apparence lui importait peu. Ce qui importait, c'était le pouvoir et la vie éternelle qu'il s'était assuré. Il avait assez profité de ses charmes d'antan sur le Vieux Continent. Il avait connu les plaisirs de la chair aux côtés des Vélanes bulgares et apprécié la compagnie de sorcières aux mœurs légères sur les côtes amalfitaines. Mais la compagnie des femmes ne l'avait jamais réellement intéressé. Il les voyait comme des corps qui pouvaient, parfois, être l'espace d'un instant une source de plaisir, mais pas plus. Elles étaient une distraction inutile. Elles n'avaient aucune utilité.
Bellatrix était utile. Elle combattait férocement les ennemis de Lord Voldemort. Bellatrix était d'une grande beauté. Elle avait la fraicheur de la jeunesse et l'expérience des combats qui sculptait son corps. Elle avait des boucles brunes sauvages qui lui donnaient l'air d'une guerrière, et de grands yeux noirs qui lui donnaient l'air innocent. Ses pommettes étaient hautes, ses lèvres étaient remplies et d'une couleur rose qui tranchait avec la pâleur de sa peau.
Bellatrix était mariée. Mais il était le Seigneur des Ténèbres. Bellatrix était sa mangemort. Sa propriété. Elle ferait tout ce qu'il lui ordonnerait de faire, il ne le savait que trop bien.

Son regard parcouru la pièce de façon circulaire. La belle brune continuait de le fixer. Elle était vraiment belle. Jeune, mais assez âgée pour être une femme. Il était son Maître. Elle serait toujours sa servante, peu importe ce qui pouvait arriver.

- Maître ? fit la voix de Bellatrix, tirant Voldemort de ses pensées. Y a-t-il quelque chose que vous vouliez me demander ?
- Bella... répondit Voldemort les yeux perdus dans le vide.

La sorcière resta silencieuse, perplexe.

- Enlève ta robe, ordonna le Seigneur des Ténèbres d'une voix glaciale.

Bellatrix se figea, le souffle court. Elle devint écarlate et déglutit bruyamment avant de lentement porter ses mains tremblantes à son corset. Voldemort la regardait faire sans ciller. Elle défit l'accessoire étroit, puis s'attaqua au laçage compliqué de son vêtement. Ses doigts tremblaient tellement qu'elle avait du mal à s'en débarrasser, mais le mage noir se contenta de l'observer en silence, sans aucune expression sur son visage. Au bout de quelques minutes, elle se retrouva en sous-vêtement devant son Maître et Seigneur, tentant en vain de cacher sa peau nue de ses bras minces, assise au fond de son fauteuil de velours vert.

- Debout.

Elle obéit à l'ordre, livide. Même sans entrer dans son esprit, Voldemort pouvait sentir la peur qui émanait de la jeune sorcière. Elle était persuadée qu'il allait la tuer. Comment pouvait-elle ne pas avoir deviné ? Voldemort ne put retenir un léger sourire moqueur en se dirigeant vers elle. Il leva la main vers le bas-ventre de Bellatrix et n'eut pas besoin de baguette pour lancer le sortilège.

- Contra pragneas.


****


Allongée dans son lit, les yeux rivés sur le plafond de sa chambre, Bellatrix était incapable de trouver le sommeil. Elle le sentait encore, lui, son Maître, contre elle. Elle sentait son souffle saccadé, son odeur musquée, sa poigne. Elle ne pouvait pas croire ce qui venait de se passer. Ça ne pouvait pas être réel. Même ses rêves les plus fous n'étaient pas allés aussi loin. Ça ne pouvait pas être réel.

Ça l'était pourtant. Le Seigneur des Ténèbres lui avait fait l'honneur de bien vouloir prendre son corps d'une façon que même Rodulphus n'avait jamais osé faire. Cela n'arriverai plus jamais, il le lui avait dit avant qu'elle ne quitte son bureau. Elle n'avait pas besoin que cela se reproduise, même si elle en mourrait d'envie. Cette unique fois avait été magique, au-delà même de ses plus grandes espérances.

Qu'allait-il se passer maintenant ? Comment réagirait-il lorsqu'il la croiserait pendant les réunions ? Elle n'oserait plus jamais le regarder dans les yeux. Il l'avait vu dans sa forme la plus vulnérable. De son côté, elle n'avait pas vu grand chose puisque lui avait gardé sa robe de sorcier. Elle aurait voulu, pourtant.

Jamais elle ne pourrait en parler à quiconque. L'idée que ce qui s'était passé cette nuit était un secret dont seuls elle et son Maître avaient connaissance la rendait fière. Il l'avait jugé digne de ses faveurs. Il avait assez confiance en elle pour savoir que jamais elle ne raconterait cela à qui que ce soit. Elle était spéciale, d'une certaine manière. Elle se demandait si cela lui arrivait souvent de fréquenter des sorcières de cette façon. Elle ne l'avait jamais vu en compagnie de femmes.

Bellatrix soupira. La nuit allait être blanche.

****

- Tu es revenue tard, hier soir, dit Rodulphus en faisant signe à leur elfe de maison de lui servir une tasse de thé.
- Mission. Top secret, répondit Bellatrix en baillant.

Elle n'avait pas dormi de la nuit. Il était huit heure du matin et le sommeil commençait à gagner son corps encore gorgé des sensations de la veille.

- En pleine nuit ?
- Serais-tu en train de questionner les plans du Seigneur des Ténèbres, Dolph ? siffla la brune.
- Non, non, bien-sûr que non. Peu importe. As-tu une idée de cadeau pour Noël ?
- Noël ? Nous ne sommes qu'en novembre. Il est un peu tôt, tu ne trouves pas ?
- Décembre approche à grands pas. Je préfère m'y prendre à l'avance, avant que les boutiques soient prises d'assaut par la populace.
- Oh. Je vois. Je sais pas, je m'en fiche un peu. Tu n'es pas obligé de m'offrir quelque chose.
- J'en ai envie.
- Comme tu veux, répondit Bellatrix en levant les yeux au ciel. Ça ne change rien au fait que je n'ai aucune idée.
- Tâche d'y réfléchir alors. Je dois y aller, j'ai une réunion. Je serai de retour en début d'après-midi.
- Ok. Bonne journée, Dolph.
- Bonne journée, Bella.

Rodulphus se leva et déposa un baiser sur le front de son épouse qui grimaça. Le contact semblait, pour quelque raison, inapproprié. Peu de temps après le départ du jeune sorcier, Bellatrix alla dans l'immense bibliothèque des Lestrange pour faire un peu de lecture, mais ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond, un guide de potion à la main.
Elle fut réveillée de longues heures plus tard par des secousses. Rodulphus se tenait devant elle, l'air grave.

- Dolph ? Combien de temps ai-je dormi ?
- Je l'ignore, mais je pense qu'il y a un spectacle que tu aimerais voir dehors.

Il l'attrapa par la main et l'amena vers la fenêtre la plus proche. Bellatrix regarda à travers la vitre qui donnait sur l'allée conduisant à la façade principale du Château.

- Bordel, laissa échapper Bellatrix dans un soupir.

Andromeda se tenait devant l'immense demeure et semblait crier quelque chose. La brune ouvrit grand la fenêtre pour pouvoir l'entendre.

- Bellatrix ! Bellatrix Lestrange je sais que tu es ici ! Sors, ose sortir ! hurlait la jeune Tonks qui était rouge de colère.

Bellatrix pouffa de rire. Rodulphus sembla alors se détendre à côté d'elle.

- Je lui ai envoyé un cadeau de mariage. Visiblement, il n'était pas à son goût.
- Tu vas aller la voir ?

La sorcière hésita un instant, puis haussa les épaules.

- Oui. On va s'amuser un peu, viens.

Le couple descendit les longs escaliers de marbre qui menaient à l'entrée principale, et les portes du Château Lestrange s'ouvrirent de façon théâtrale sur leur passage. Quand Andromeda aperçu Bellatrix, elle se rua en sa direction.

- Toi ! Espèce de monstre, tu vas le payer !

Bellatrix envoya sa sœur au sol d'un coup de baguette, sans même prononcer d'incantation.

- Allons, allons, madame Tonks, puis-je connaître la raison de cette pathétique petite scène que tu t'amuses à présenter devant mon foyer ?
- Je sais que c'est toi qui m'a envoyé le pendentif de Thelma ! Je sais ce que tu as fait, Bellatrix ! Je sais ce que tu es !
- Je n'ai aucune idée de ce dont tu parles, Andromeda.
- Tu l'as tuée ! Tu travailles pour ce salaud, ce faux Lord Vol...
- Incarcerem ! hurla Bellatrix d'une voix suraigüe.

Des cordes enchantées vinrent aussitôt immobiliser violemment Andromeda.

- Ne t'avises pas de prononcer son nom avec tes lèvres souillées espace de sale traîtresse immonde !

Bellatrix prit une profonde inspiration et imagina l'océan noir et silencieux.

- Je ne sais vraiment pas de quoi tu parles, reprit-elle plus calmement. Mais ces accusations sont gravissimes... as-tu une quelconque preuve pouvant confirmer tes propos ? demanda la brune avec une voix d'enfant.
- Je le sais, Bellatrix. Je le sens dans mes tripes, c'est une évidence.
- Une évidence, hein ? ce qui est évident, c'est que tu es sur une propriété privée et que ta présence n'est absolument pas désirée ici. Nous ne tolérons pas d'individus comme toi au sein de nos résidences. Finite Incantatem, dit Bellatrix en faisant disparaître les cordes qui retenaient sa sœur prisonnière. Maintenant, pars et ne reviens jamais. Si tu es encore là dans cinq seconde, je vais être obligée d'appeler tes amis les aurors ou de m'occuper de ton cas moi-même, si je perds patience. Et je ne suis pas patiente du tout. Cinq... quatre...trois...

Andromeda lança un regard plein de haine à son aînée.

- Tu paieras un jour pour tes crimes, Bellatrix.

La cadette cracha en sa direction avant de disparaître. Bellatrix sentit un fou rire lui prendre le ventre et bientôt elle explosa à gorge déployée. Quand elle eut repris son souffle, après une longue minute, elle se tourna vers Rodulphus qui la regardait en souriant.

- Je savais qu'elle avait le sens du spectacle. Pauvre Dromeda qui a perdu sa pauvre Thelma, dit-elle en faisant une fausse moue triste.

Puis elle rit de plus belle, jusqu'à ce que son ventre lui fasse mal. Elle avait gagné. Elle avait tout gagné.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant