Le vide.

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4 septembre 1973, White Chapel, London.


Andromeda était très heureuse ce matin là. Elle avait passé la soirée dernière autour d'un verre avec ses amis et avait promis à Arya et Jane qu'elle passerait les voir le lendemain matin pour prendre un café. Aussi, c'est d'un pas guilleret qu'elle se dirigeait vers l'appartement que partageaient les futures mariées. Alors qu'elle s'en approchait, son attention fut retenue par un attroupement une dizaine de mètres plus loin, près du fleuve. Elle décida alors d'aller voir ce qui se passait, et comprit peu à peu le triste spectacle qui s'offrait à elle. Les gens autours d'elle chuchotaient d'un air inquiet et curieux, devant un gros camion de police et un autre de pompier. Deux officiers venaient de pêcher un corps dans la Tamise, et l'avaient placé sur un brancard, sous un drap blanc. Soudain, un mauvais pressentiment envahit le corps de la sorcière. Prise de panique, elle se fraya un chemin jusqu'aux policiers qui étaient séparés de la foule par une rubalise.

- Excusez-moi, monsieur ? Qui est cette personne ?
- Désolée mademoiselle, nous ne pouvons rien communiquer pour l'instant, répondit l'officier.
- Écoutez, j'ai une amie qui habite dans le quartier. J'aimerai juste savoir que ce n'est pas elle.
- Vous, écoutez. Je ne peux rien vous dire, répliqua sèchement le moldu.

Andromeda serra les dents et porta instinctivement sa main à sa baguette. Elle hésita un instant, consciente des enjeux. Quiconque utilisait un Impardonnable pouvait être envoyé à Azkaban. Néanmoins, le sortilège de l'Imperium lui donnerait les réponses qu'elle voulait.
La sorcière relâcha sa baguette et recula, puis courut le plus vite possible chez ses amies. Elle monta les escaliers quatre à quatre et tambourina comme une folle contre la porte de leur appartement. Elle n'obtint aucune réponse.

- Bordel ! pesta-t-elle. Alohomora.

La porte s'ouvrit, et Andromeda s'engouffrât à l'intérieur. Les filles n'étaient ni dans leur salon, ni dans leur cuisine.

- Arya ? Jane ?

La sorcière se dirigea vers la chambre. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle tomba à genoux sous le choc. Les draps mauves étaient tachés de sang. La quantité était impressionnante. Andromeda ouvrit la bouche pour hurler, mais aucun son n'en sortit. Tout devint flou, sa vision bascula, puis elle ne vit que du noir.

Lorsqu'elle se réveilla, elle était allongée sur un sofa, dans une pièce qu'elle ne connaissait pas. Elle se redressa et cligna des yeux pour voir Teddy assit en face d'un homme brun aux cheveux longs qui se tenait derrière bureau noir.

- Madame Tonks, dit l'homme en se levant.

D'un mouvement de baguette, il fit apparaître un verre d'eau qui flotta vers Andromeda et lui conjura une chaise sur laquelle elle prit place.

- Permettez-moi de me présenter ; Rufus Scrimgeour, chef du Bureau des Aurors. Madame Tonks, vous avez été retrouvée à 11 :34 précises au domicile de mademoiselle McAdam. Vous n'êtes pas sans savoir que vous étiez sur les lieux d'une scène de crime, comme en témoignaient les tâches de sang retrouvées sur le lit de mademoiselle McAdam et son amie, Jane Haywood. Votre époux nous a expliqué que les deux femmes comptaient parmi vos amis proches. Vous avez été vus en compagnie des deux victimes la veille, au Chaudron Baveur, que vous avez quitté aux alentours de vingt-trois heures. Ce matin, à 11h, le corps d'Arya McAdam a été retrouvé par la police moldue. La nature du meurtre pourrait laisser croire qu'il ne s'agit pas d'un meurtre commis pas un sorcier, puisque nous n'avons retrouvé aucune trace de magie. De plus, Jane Haywood a mystérieusement disparu dans la même soirée. Selon les experts, le décès de mademoiselle McAdam est survenu aux alentours de minuit, bien qu'il soit difficile d'estimer une heure exacte à cause de l'état du corps qui est resté de longues heures au fond du fleuve. Madame Tonks, je suis obligé de vous demander la raison de votre présence sur les lieux du crime le matin même qui a suivi le meurtre d'Arya McAdam.

Andromeda se sentait nauséeuse désormais. Elle reposa le verre d'eau d'une main tremblante et déglutit. Teddy posa une main réconfortante sur sa cuisse.

- Je devais prendre un café avec elles...nous...nous en avions convenu la veille.
- Madame Tonks, avez-vous remarqué un comportement inhabituel ces dernières semaines chez Jane Haywood ou Arya McAdam ?
- N...non...pas du tout. Elles avaient l'air parfaitement heureuses...elles devaient se marier en décembre...
- Est-ce que Jane Haywood a déjà menacé Arya de quelque façon ? S'est-elle déjà montrée violente envers autrui ?
- Jane...non elle...vous ne pensez tout de même pas ? Enfin c'est ridicule ! Jane est la plus gentille sorcière qui existe ! Jamais elle ne pourrait faire de mal à quiconque, et surtout pas Arya ! Nous savons très bien qui est derrière tout ça ! s'écria Andromeda.
- Le savons-nous, madame Tonks ? demanda Scrimgeour d'un air suspicieux.

Teddy resserra sa main autour de la cuisse de son épouse, comme pour la dissuader de continuer sur cette piste. Mais Andromeda était bien trop en colère pour entendre raison.

- C'est Lord Voldemort ! hurla la sorcière. Il a envoyé ses saletés de mangemorts pour voler des âmes innocentes ! Vous voulez des noms et bien j'en ai, et ouvrez bien grand vos oreilles !
- Madame Tonks, s'il vous plait...commença Scrimgeour d'un ton agacé.
- Bellatrix Lestrange ! martela Andromeda qui s'était redressée et toisait le chef du Bureau des Aurors.
- Je vous demande pardon ? dit-il en clignant des yeux. N'est-elle pas votre propre sœur ?
- Ignorez mes propos si vous le voulez, je n'en ai que faire. Vous êtes des incapables. Incapables de voir ce qui est sous votre nez depuis trop d'années déjà. Je n'ai rien dit pour Thelma, et bien maintenant je le crie à plein poumon, à quiconque voudra l'entendre : Bellatrix Lestrange est au service de Lord Voldemort !

Furieuse, Andromeda tourna les talons et sortit de la pièce en claquant la porte. Elle ignorait complètement si ses accusations allaient être entendues, mais cela lui importait peu désormais. Plus que jamais, elle devait protéger sa famille. Si elle devait utiliser des Impardonnables et vivre loin de tout, soit. Elle était prête à tout.


Octobre 1973, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Narcissa était vide. Jamais elle ne s'était sentie aussi vide. Tout était trop bruyant. Tout était trop silencieux. Tout était trop sombre, et trop lumineux. Depuis un mois, tout était lent. C'était comme si la Terre s'était arrêtée de tourner et que son corps gravitait en apesanteur désormais.
Son lit était si confortable, pourquoi le quitterait-elle ? Elle ne sortait pas de la chambre. Trop d'énergie à dépenser pour pas grand chose. De toute façon, elle n'avait pas la force de bouger ses bras, ni ses jambes. Quand Dobby lui apportait ses repas, elle les regardait l'air absent sans y toucher. Pourquoi devrait-elle continuer à se nourrir ? Elle n'avait aucun enfant à protéger désormais. Son corps n'était plus la forteresse qui abritait une vie innocente. Son corps était une ruine, un fantôme. Il n'était plus habité. Narcissa était vide.

Sa vessie la brûlait, ses reins la lançaient. Elle ne s'était pas soulagée depuis deux jours entiers. Elle regarda la porte de sa salle de bain, à cinq mètres d'elle. Trop loin. Narcissa rabattit son édredon sur son visage. Elle était bien ici, dans le noir, dans la chaleur de son lit. Elle était bien, quand elle était seule. Lucius et Bellatrix étaient occupés, mais quand ils revenaient, leur attitude était insupportable. Ils lui parlaient comme si elle était une petite fille, comme si elle était une chose fragile. Surtout Lucius. Lucius était le pire. Bellatrix en vérité lui parlait le moins possible mais lui...lui était bien trop présent. Il voulait qu'elle mange, qu'elle sorte, qu'elle réponde aux lettres de Druella qui s'accumulaient sur son petit bureau d'acajou. Narcissa ne voulait rien de tout cela. Elle ne voulait pas autre chose non plus pourtant.

Sa gorge lui faisait mal. Elle avait l'impression que quelque chose bloquait sa respiration. Parfois, elle se réveillait en sueur et avait l'impression d'étouffer. Peut-être que, si elle arrêtait de respirer, tout irait mieux. Inspirer, expirer, tout cela lui demandait un effort considérable.
Les aiguilles de l'horloge sur le mur en face de son lit de déplaçaient avec une lenteur inimaginable, mais les jours passaient à une vitesse fulgurante. Elle avait fermé les yeux le soir où elle avait perdu l'enfant, et c'était comme si elle ne les avait rouverts qu'en plein mois d'octobre. Narcissa n'avait aucune idée de la date de cette journée, car toutes se ressemblaient. Elle ouvrait les yeux et fixait le plafond de sa chambre, Dobby lui apportait un repas auquel elle ne touchait pas, elle fixait le plafond, Lucius revenait et lavait son corps et les draps avec des sortilèges, lui racontait sa journée sans qu'elle ne l'entende vraiment, et s'endormait à côté d'elle sans oser la toucher.

Narcissa avait l'impression d'amener la mort partout où elle passait. Dahlia. L'enfant. Qui serait le prochain ? Bellatrix ? Lucius ?
Tout était sa faute. Elle devait disparaître. Narcissa ferma les yeux et laissa les ténèbres l'envahir, quand tout à coup, la porte de sa chambre s'ouvrit et claqua contre le mur. Quelqu'un arracha le drap qui recouvrait son corps, et la blonde dût plisser les yeux pour voir la personne qui s'afférait à la tirer hors de son lit désormais. Narcissa voulut protester, mais seul un râle inquiétant sortit de sa bouche.

- Tu vas aller te doucher, et tu vas manger ta putain de nourriture maintenant, Cissy, dit Bellatrix en portant sa sœur jusqu'à la salle de bain. J'ai pas que ça à foutre d'écouter Lucius se plaindre de la façon dont sa femme dépérit à longueur de journées.

Impuissante, Narcissa laissa Bellatrix la déshabiller et lui faire couler un bain. Elle vit la façon dont son aîné regardait son corps amaigri d'un air horrifié. Elle était consciente de la façon dont ses côtes ressortaient, dont ses articulations semblaient bien plus épaisses que le reste de ses membres, dont ses bras étaient recouverts d'un épais duvet que son corps avait produit pour lutter contre le froid puisqu'il était dépourvu de graisse.

- Monte dans la baignoire, lui ordonna sèchement Bellatrix.

Narcissa obéit avec difficulté. Une fois dans l'eau chaude, elle sentit qu'elle n'était plus capable du moindre mouvement. Pendant qu'elle fixait un point dans le vide, Bellatrix s'était décidée à laver elle-même le corps de sa petite sœur. Narcissa avait l'impression de ne pas être dans son propre corps. C'était comme si elle flottait. Elle était consciente de ce qui se passait autour d'elle, mais c'était comme si elle assistait à la scène de loin. Elle n'était pas vraiment là.

- Sors de la baignoire, dit Bellatrix. Accio robe de Narcissa.

Sa sœur lui tendit une serviette de bain et posa la robe sur une chaise.

- Je te laisse t'habiller. Je veux que tu me retrouves dans la cuisine dans dix minutes et pas une de plus.

Narcissa la regarda partir et se pencha pour revêtir sa robe. C'était une sensation étrange, d'être propre dans des vêtements propres. Machinalement, elle sortit de sa chambre et descendit les escaliers qui menaient aux cuisines au rez-de-chaussée. Bellatrix l'y attendait. La brune poussa une chaise et invita Narcissa à s'y asseoir.

- Dobby ! Déjeuner pour Narcissa, maintenant !
- Bella...voulu protester la blonde.
- Tais-toi, répliqua froidement Bellatrix. Ton cirque a assez duré. Je ne veux pas voir ma petite sœur se laisser mourir à cause d'un fœtus à la con. Tu es jeune et en bonne santé, ce n'est pas le cas de tout le monde et tu devrais savoir la chance que tu as. Regarde-toi, tu es squelettique. Tu trouves ça beau ? C'est immonde, Cissy. Tu fais peur. Ton corps fait peur.
- Je t'interdis de me parler ainsi, siffla Narcissa.

Enfin, elle ressentait quelque chose. Bellatrix avait réussi à la ramener à la vie en quelques minutes. Narcissa était furieuse.

- Qu'est ce que tu comptes faire ? Me frapper ? Tu as à peine la force de marcher, sois raisonnable. Tiens, mange ça, dit la brune en lui tendant une assiette de légumes.

Narcissa ne bougea pas d'un cil.

- Ne m'oblige pas à utiliser le sortilège de l'Imperium, Cissy. Je fais déjà assez d'efforts en jouant les baby-sitter.
- Lâche-moi, siffla la blonde.
- Très bien, rétorqua la mangemort. Impe...
- Confringo !

Le maléfice explosif détonna, envoyant Bellatrix droit contre le mur dans un fracas rettentissant. Étourdie, Narcissa dut s'aggriper à sa chaise pour ne pas en tomber, et lorsqu'elle leva les yeux vers sa sœur, cette dernière grimaçait en se tenant le bras. Dobby accourut immédiatement et voulut aider Bellatrix mais celle-ci le repoussa en grognant. Narcissa tenta de se lever, mais elle était comme drainée de son énergie. Bellatrix rampa pour récupérer sa baguette dans les débris et la pointa sur son bras en murmurant « episkey », puis un craquement sinistre se fit entendre. Elle se releva, remis tout en ordre d'un coup de baguette puis, sans prévenir, pointa celle-ci sur sa sœur.

- Impero, siffla la sorcière. Narcissa Malefoy, tu as envie de te nourrir et de prendre soin de toi.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant