Démasqués

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31 octobre 1973, Chemin de Traverse, Londres.


Les boutiques du Chemin de Traverse étaient décorées aux couleurs d'automne. Les passants allaient joyeusement de l'une à l'autre les bras chargés de leurs courses. Les rues pavées étaient pleines, bien qu'il fût un mercredi après-midi et que les jeunes sorciers soient restés à Poudlard. Le ciel gris londonien était couvert, et un vent froid balayait les environs. La bonne humeur semblait pourtant avoir gagné les cœurs des sorciers qui profitaient de la journée d'Halloween pour prendre un congé. Chez Wiseacres Équipements pour Sorciers, on achetait les dernières collections en vogue, à Gringotts on venait échanger de la monnaie ou consulter les gobelins. Et comme d'habitude, au Chaudron Baveur, on buvait.
Arthur et Molly Weasley avaient, ce jour là, laissé les jeunes William et Charlie à leur oncle Bilius afin de pouvoir sortir juste tout les deux, ce qui devenait de plus en plus rare avec des enfants en bas-âge sur les bras. Attablé autour d'une bièraubeurre, les deux époux discutaient tranquillement quand un mouvement étrange dans le ciel attira leur attention. Comme le reste des clients du pub, Molly et Arthur d'approchèrent des fenêtres pour regarder ce qu'il se passait. L'homme n'en crut pas ses yeux lorsqu'il distingua deux masses de fumée noire fuser à travers les cieux et venant droit vers eux. Il eu tout juste le temps de crier « tous à couvert » avant que les carreaux des vitres n'explosent dans un fracas assourdissant, projetant des éclats de verre un peu partout. Déstabilisé par l'explosion et les cris de terreur qu'elle avait suscité, Arthur regarda autour de lui l'air hagard. Molly, à côté, se relevait en grognant. Les deux avaient saisi leurs baguettes et les tenaient fermement en main, les sens désormais alertes. Le silence gagna peu à peu l'assemblée qui n'osait pas encore bouger. Puis, tout à coup, un rire glacial s'éleva dans les airs. Un rire que le couple Weasley aurait reconnu entre mille.

- Bellatrix, siffla Molly.

Arthur se plaça instinctivement derrière son épouse, mais celle-ci reprit vite sa place à ses côtés, prête à se battre. Soudainement, les deux masses de fumées noires décollèrent de nulle part et fusèrent à nouveau vers le ciel. Pourtant, elles ne s'éloignèrent pas. Au contraire, elles prirent de l'altitude et fondirent à nouveau vers le Chaudron Baveur. Cette fois, les clients s'enfuirent dans toutes les directions. Tous, sauf Molly et Arthur qui tentaient en vain de lancer des sortilèges aux figures volantes qui fondaient les airs à une vitesse fulgurante, faisant exploser les devantures des boutiques autour d'elles. Enfin, celles-ci atterrirent et le couple put découvrir un homme et une femme tout vêtus de noir et portant des masques d'argent. La femme avait une longue tresse brune qui battait ses flancs, et un corset de cuir qui soulignait sa taille fine. Sa main pâle était resserrée comme une serre autour de sa baguette en noyer. En une fraction de seconde, la sorcière avait levé son arme pour lancer un maléfice que Molly eut à peine le temps de contrer.

- Tu vas finir à Azkaban, Lestrange, aboya la rousse. Nous ne te laisserons pas t'enfuir cette fois.

Molly n'eut pour réponse qu'un ricanement sinistre. Elle leva alors sa baguette et lança un sortilège de désarmement que la brune en face d'elle contra avec une aisance impressionnante. Arthur attaqua à son tour, l'homme cette fois. Deux duels séparés commencèrent, et les mangemorts semblaient s'amuser plus qu'autre chose face aux Weasley. Plus encore, ils finirent par s'impatienter. Molly comprit qu'elle n'avait aucune chance face au plus loyal soldat du Seigneur des Ténèbres quand un éclair de lumière verte frôla son visage. Elle s'apprêtait à recevoir le sortilège fatal quand elle fut aveuglée par une lumière blanche, et assourdie par une puissante détonation.

- Baissez vos baguettes ! Baissez vos baguettes, tous ! C'est un ordre ! rugit une voix masculine derrière elle.

Rufus Scrimgeour, suivi de deux aurors, se précipitait à grandes enjambées vers les deux mangemorts, sa baguette tendue devant lui et l'air crispé. Molly et Weasley rangèrent leurs baguettes et reculèrent, laissant le relais aux employés du Ministère.

- Je suis le chef du Bureau des Aurors et je vous ordonne d'enlever vos masques afin que nous puissions procéder à une identification. Vous nous remettrez vos baguettes pour une inspection détaillée. Qui que vous soyez, vous avez été vus en train d'utiliser des Impardonnables êtes officiellement en état d'arrestation. Capitulez, ou nous serons contraints de vous emmener par la force.

À nouveau, le rire perçant de Bellatrix retentit. L'homme à côté d'elle restait silencieux, immobile. Les deux avaient gardé leurs baguettes tendues vers leurs adversaires.

- Je ferais moins la maligne si j'étais toi, Bellatrix. On a assez de preuves pour te faire administrer le baiser du détraqueur, répliqua un des aurors aux cheveux blonds délavés et à la mine renfrognée.

La mangemort n'émit plus aucun bruit. À la place, un jet de lumière rouge fusa en direction de celui qui avait parlé. Le blond répondit en lui lançant un sortilège d'explosion.

- Maugrey ! aboya Scrimgeour.
- Bombarda maxima ! hurla la brune.

Tout s'écroula autour d'eux. Les aurors produisirent juste à temps des boucliers pour se protéger des gravas, mais les mangemorts avaient profité de l'écroulement du plafond pour les assaillir de maléfices. Les éclairs des sortilèges rebondissaient sur les boucliers enchantés qui s'affaiblissaient. Alastor profita d'un instant de pause marquée durant une fraction de seconde pour rompre sa protection et attaquer. Le sortilège qu'il lança à l'homme fit tomber son masque, et ce dernier hurla de rage et hurla « difindo ».
Maugrey put tout de même apercevoir le visage du mangemort avant de ressentir une douleur fulgurante sur le côté droit de sa tête. L'homme en face de lui était jeune, la vingtaine, très pâle, les cheveux châtains et les yeux noirs comme la suie.

- Rosier sale fils de...grommela Alastor avant d'être frappé par un second sortilège.

Son visage était maculé de sang désormais, et sa vision était parsemée de tâches noires. Son œil droit le lançait, il ne voyait que du gauche. Le second sort avait frappé l'une de ses jambes qui le lançait horriblement. Alors qu'il sentait son énergie le quitter peu à peu, il leva sa baguette et lança le même sortilège qu'il avait reçu à Rosier. Autour de lui, les éclairs de lumières fusaient. Ses collègues étaient largement dominés par les deux mangemorts, mais l'un d'eux était touché. Ils avaient peut-être une chance de les avoir. L'auror avisa un bout de plafond encore resté en place au dessus des mangemorts. S'il réussissait à les ensevelir en dessous, ils auraient le temps de les capturer. Il voulu lever sa baguette mais avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, Bellatrix attrapa Rosier par le bras et disparut dans un crac sonore, et la vision d'Alastor bascula pour le plonger dans le noir total.


****


- Dobby ! Essence de Dittany, maintenant ! aboya Bellatrix d'une voix stridente, entrant dans le Manoir Malefoy avec son cousin appuyé sur son épaule.

Une traînée de sang marquait leur passage. Evan avait été touché au visage par un sortilège de découpe lancé par Alastor et saignait abondamment au niveau de la bouche. Bellatrix l'amena jusqu'au salon et l'aida à s'allonger sur un canapé, puis Dobby arriva en courant les bras chargés de flacons. Bellatrix en prit un et ôta le bouchon avec les dents avant d'en verser le contenu sur le visage de Rosier. Narcissa et Lucius arrivèrent derrière elle. La benjamine avait l'air de prendre un malin plaisir à voir le jeune homme dans un tel état, tandis que Lucius restait de marbre alors que la blessure cicatrisait magiquement.

- Quel sien ce Maugrey, réussit plus ou moins à articuler Rosier avec un sourire édenté.

Malefoy ricana en remarquant que Rosier avait perdu plusieurs dents et avait désormais un cheveux sur la langue.

- J'espère que tu lui as rendu la pareille.
- Bien sûr que je lui ai rendu, répondit Rosier en grimaçant. P'u d'œil, p'u de jambe.
- Ils savent. Ils ont vu le visage d'Evan, et ils savent pour moi. Je croyais qu'ils avaient ignoré Dumbledore ! Cette affaire était censée être classée ! hurla Bellatrix en se tournant vers Lucius.
- Le Ministère n'a pas entièrement confiance en lui. Je peux te confirmer qu'ils n'avaient pas écouté le vieux fou quand il a évoqué ton possible lien avec le Seigneur des Ténèbres. S'ils te soupçonnent à nouveau, ce doit être pour une autre raison, siffla le blond. Et je t'interdis de me parler sur ce ton dans ma propre maison.
- Débrouille-toi pour en savoir plus, Malefoy, répondit sèchement la brune avant de tourner les talons et de disparaître de la pièce.


****


2 novembre 1973, Manoir Malefoy, Wiltshire.


- Bellatrix !

La brune leva les yeux vers l'homme qui se dirigeait à grands pas vers elle et lui lança un grand sourire. Rodulphus, lui, ne souriait pas du tout.

- Des aurors sont venus nous rendre visite ce matin. Nous n'avons pas été en mesure de les empêcher, pour ne pas nous faire démasquer. Ils ont embarqué mon père, dit-il furieux. Ils ont embarqué mon père, Bella ! Te rends-tu compte de ce que cela signifie ? Ils vont inspecter sa baguette ! C'est toi qu'ils cherchaient ! toi !
- Et tu leur as dit où j'étais ? demanda la sorcière.
- As-tu perdu la raison ? s'énerva son époux. Non je ne t'ai pas dénoncée, idiote ! Ne comprends-tu pas que ce n'est pas le propos ? À cause de tes imprudences, ils sont à ta recherche ! Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne fassent le lien entre toi et tous les autres !
- Ce n'est pas ma faute ! répliqua Bellatrix qui commençait à sentir la rage monter en elle. J'ai toujours été extrêmement discrète. Je suis sûre qu'ils n'ont aucune preuve contre moi.
- Bella, s'ils mettent la main sur ta baguette...

Rodulphus jeta un coup d'œil à l'arme en question. Il savait très bien tout ce que son épouse avait pu faire avec. Il ferma les yeux.

- S'ils mettent la main sur ta baguette, je ne suis même pas sûr qu'ils t'accordent le luxe d'un séjour à Azkaban.
- Jenkins n'osera jamais avoir recours au baiser du détraqueur, assura la brune. Elle est trop faible pour autoriser de telles procédures. Et puis, mon Maître viendra me sauver. Je le sais. Je suis sa meilleure et plus loyale combattante. Il ne me laissera pas croupir en prison, s'il m'arrivait quelque chose.

Le sorcier n'eut pas l'air convaincu, mais n'osa pas contredire la mangemort. Il se contenta de secouer la tête.

- Tu ne devrais pas rester ici, dit-il enfin. Ils vont certainement aller chez tes parents et ta tante, puis viendront chez ta sœur.
- Je resterai si mon Maître ne me dit pas d'en faire autrement. Je suis ici sous son ordre, tu te rappelles ?
- Je m'en rappelle, oui, répondit amèrement le jeune homme. Est-il au courant ?
- Crois-tu vraiment que je puisse lui cacher quelque chose ? Oui. Il sait. Il ne m'a rien dit pour l'instant.

Rodulphus parut surpris par cette nouvelle, car ses sourcils se haussèrent si haut qu'il eut l'air idiot pendant quelques secondes.

- Et Rosier ?
- Rosier s'en remet. Narcissa jubile dès qu'elle regarde sa cicatrice. Je crois qu'elle ne l'aime pas beaucoup.
- Oh. Cela ne m'étonne pas. Il était dans ma promotion à Poudlard. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi arrogant.
- Tu n'es pas le mieux placé pour dire cela, remarqua Bellatrix en riant.
- Je ne suis pas arrogant. Je connais ma place, et elle est en haut de l'échelle sociale, voilà tout.

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Comme vous le savez certainement, des manifestations ont lieu en ce moment et à travers le monde pour dénoncer les violences policières envers les minorités. Cette vague de protestation légitime a débuté avec le meurtre de Georges Floyd, un citoyen américain. Hier, en France, des milliers de personnes ont manifesté pour réclamer justice pour l'affaire Adama Traoré, lui aussi victime du racisme qui semble bien trop ancré dans les mœurs des forces de « l'ordre ».
S'il vous plaît, si ce n'est pas déjà le cas, relayez l'information, signez les pétitions qui peuvent aider les familles des victimes et faites des dons si vous le pouvez.
Je sais que cette plateforme n'est pas habituellement utilisée de cette façon, mais je profite des vues qu'a cette fiction pour partager cela, d'autant plus qu'elle traite (même si c'est le plus souvent du point de vue des oppresseurs) de la question de l'intolérance et des idéaux suprémacistes entretenus par les élites.

N'oubliez pas : "a riot is the langage of the unheard".

ps : acab

Lien pour une des pétitions évoquées ci-dessus: https://t.co/LbdKMfyXV1

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant