La grotte.

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Le soleil brillait sur le Chemin de Traverse. Comme à chaque fin de mois d'août, les rues étaient pleines de jeunes sorciers venus compléter leurs listes de fournitures scolaires pour entamer une nouvelle année à l'école de sorcellerie Poudlard. Un jeune garçon aux cheveux bouclés trottinait devant ses parents et un autre garçon un peu plus jeune.

- Père, je vais chez Fleury et Bott, les Potter y sont ! dit le premier, qui s'engouffra dans la librairie sans attendre la réponse de son père.

Le frère regarda son aîné partir, et suivit sans un mot ses parents dans une autre boutique, plus sombre. Une clochette annonça leur entrée dans le magasin de Garrick Olivander quand les trois individus entrèrent. Un vieil homme apparut alors, un grand sourire aux lèvres et des yeux brillants derrière ses lunettes.

- Ah ! La famille Black, je vous attendais.
- Olivander, dit Orion en saluant le vendeur d'un geste de la tête.
- Comment vous portez vous ? demanda l'homme.
- Bien, nous sommes ici pour...
- Le jeune Regulus, bien sûr... j'avais mis quelques baguettes de côté... voyons voir...

Regulus jeta un regard préoccupé à sa mère, mais Walburga ne lui accorda aucune attention. Elle observait Olivander qui était allé chercher trois boites rectangulaires. Il revint et sortit une baguette de l'une d'entre elle. Elle était fine, noire, avec des runes argentées gravées le long du manche. Le bout ondulait comme un serpent, et la pointe était plus fine que le reste.

- C'est une baguette en bois de vigne, expliqua Olivander en tendant l'objet au jeune Regulus. Un cœur en corne de basilic... 31, 7 et relativement souple. Tenez, essayez. Faites un léger mouvement avec.

Regulus suivit les instructions d'Olivander, et une chaleur apaisante l'envahit tout d'un coup, enveloppant son corps d'une sorte d'auréole dorée.

- Je dois dire, monsieur et madame Black, que je suis assez surpris... il est rare qu'un sorcier tombe du premier coup sur la bonne baguette. Les baguettes en vigne ont tendance à choisir des sorciers ayant des objectifs élevés, qui étonnent ceux qui pensent le connaître. J'ai hâte de voir ce que l'avenir vous réserve, monsieur Regulus, dit Olivander avec un sourire.

La famille Black sortit de la boutique. Regulus était partagé entre l'euphorie d'avoir enfin sa première baguette et l'appréhension de commencer une nouvelle vie à Poudlard. Alors que ses parents continuaient leur chemin, il s'arrêta, le visage sombre. Walburga remarqua l'absence de son fils quelques mètres plus loin, et fit signe à Orion qu'elle le rejoignait dans un instant avant de revenir vers Regulus.

- Allons, allons, Regulus. Nous devons rejoindre votre frère, dit-elle d'un ton sec.

Le garçon ne bougea pas d'un cil, les yeux rivés au sol, les sourcils froncés. Le visage de Walburga se décontracta, et elle s'avança un peu plus vers son plus jeune fils avant de se mettre à sa hauteur.

- Qu'y a-t-il, Regulus ?
- Mère... et si j'allais à Gryffondor, comme Sirius ? Si je n'étais pas aussi fort que père et vous à Poudlard ?
- Vous irez à Serpentard, mon enfant, comme tous vos ancêtres. La répartition de Sirius à Gryffondor était une erreur. Le Choixpeau verra qui vous êtes, et vous êtes un Serpentard.
- Et si je ne réussissais pas à égaler vos talents, ou ceux de Bellatrix, Narcissa et Andromeda ?

Walburga se redressa.

- Vous êtes le fils d'Orion et de Walburga Black. Bien sûr que vous égalerez les meilleurs sorciers de Poudlard. Vous êtes rusé, ambitieux, noble. Si vous voulez être le meilleur, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour atteindre ce que vous visez. Un Black mérite d'obtenir tout ce qu'il désire et bien plus encore. Vous parviendrez toujours à vos fins, coûte que coûte.

Regulus hocha la tête, pensif.

- Il est grand temps de retrouver votre père et votre frère. Il reste votre manuel de potion à acheter.

Rassuré, le jeune sorcier qui s'apprêtait à entrer en première année suivit sa mère, le cœur léger.


Regulus se réveilla en sursaut. Il dormait mal ces derniers temps, et ses nuits étaient ponctuées de rêves étranges, dans lesquels il retournait en enfance. Cette fois, il s'était endormi dans la bibliothèque, un livre à la main, et ne s'était réveillé qu'une fois la nuit tombée. Il entendit des voix dans le salon et décida d'aller voir ce que c'était, en prenant soin avant de dissimuler le livre qu'il avait volé à Poudlard.
Quand il arriva dans le salon, il fut surpris de découvrir sa mère qui discutait avec sa cousine Bellatrix.

- Ah ! Tu es là ! dit la mangemort. Je te cherchais. Si on montait dans ta chambre ?

Le sang de Regulus ne fit qu'un tour dans ses veines. Malgré le sourire rayonnant que lui adressait sa cousine, il savait pertinemment la raison pour laquelle elle souhaitait lui parler.

- Alors...par où commencer... dit Bellatrix en s'asseyant nonchalamment sur le lit de Regulus. Ah, voilà. Peux-tu expliquer ton absence aux dernières réunions ?
- J'étais à Poudlard ? répondit machinalement Regulus.
- Hmm... pas durant la dernière réunion, qui s'est tenue ce jour même. Ni pendant celle que nous avons eu pendant les vacances de Pâques, et celles d'avant.
- Pour être honnête, c'est juste que je ne me sens pas très bien en ce moment, et tu pourrais le comprendre. Mon père est mourant, Bella.
- Oui, oui, bon, arrête un peu le registre pathétique, répondit Bellatrix en levant les yeux au ciel. On n'arrête pas de travailler pour le Seigneur des Ténèbres juste parce qu'on perd un proche.

Regulus regarda nerveusement le bout de ses chaussures. Bellatrix se leva lentement et l'observa avec suspicion.

- Aurais-tu changé d'avis, cousin ? demanda-t-elle dans un murmure inquiétant. As-tu tourné le dos à notre Maître et Seigneur ?
- Non, répondit Regulus les dents serrées.
- S'il venait à regarder dans ton esprit, trouverait-il quelque motif suffisant à t'ôter la vie ? chuchota la brune à l'oreille du jeune sorcier.
- Non, répondit Regulus plus fermement.

Bellatrix caressa doucement la joue de son cousin, et déposa un baiser sur sa pommette avant de reculer d'un pas.

- Bon garçon, dit-elle dans un souffle. Nous nous reverrons demain.
- À demain.

Bellatrix lui lança un sourire sombre, et disparut de la chambre. Regulus sentit toute son énergie le quitter d'un seul coup, et il s'effondra genoux à terre. Son cœur pulsait dans sa poitrine, sa gorge était nouée, sa bouche était sèche. Il resta ainsi, immobile, de longues minutes, tandis que des larmes coulaient le long de ses joues. Regulus le savait, sa fin était proche.

Le jeune sorcier se leva, essuya ses larmes et se dirigea vers la chambre de son père. Orion Black était alité depuis plusieurs mois, et perdait chaque jour un peu plus de ses couleurs. L'odeur qui émanait de la pièce était répugnante. Elle était froide, elle était sale, c'était l'odeur de la mort.
Regulus s'assit au bord du lit et regarda son père un instant.

- Je suis honoré d'être votre fils, Orion. Vous êtes un grand sorcier, et vous et mère m'avez tant appris, dit Regulus à voix basse. Merci.

Il se leva, et s'apprêtait à descendre les escaliers pour se rendre à la cuisine quand une voix au bout du couloir l'arrêta.

- Regulus ? Que faites-vous ?

Le sorcier se figea, et se tourna ensuite lentement vers Walburga qui le regardait d'un air étrange.

- Je voulais juste aller prendre l'air, mère. Juste devant la maison, quelques minutes.

Walburga s'approcha de son fils et lui lança un regard sérieux.

- Qu'y a-t-il, Regulus ?

Pour la première fois de sa vie, le jeune Black fit ce qu'il n'avait jamais osé faire, et prit sa mère dans ses bras. Walburga ouvrit la bouche pour protester, mais aucun son n'en sortit. Finalement, elle posa une main hésitante sur le dos de son fils, et ferma les yeux. Les deux restèrent ainsi quelques secondes, et rompirent en même temps leur étreinte. Walburga était toujours sous le choc quand Regulus lui tourna le dos et descendit les escaliers, la laissant seule dans la nuit.


Des ombres inquiétantes étaient projetées à travers les fenêtres sur les meubles anciens de la cuisine. Regulus alla jusqu'au placard où se cachait régulièrement son elfe de maison, et toqua gentillement sur la petite porte. Kreattur en sortit, et salua son maître.

- Kreattur... dit Regulus d'une voix grave. Je dois te demander un service.
- Kreattur ferait n'importe quoi pour son maître Regulus, croassa l'elfe.
- Il faut que tu m'emmènes à la grotte où se trouve le médaillon, dit sérieusement le sorcier.

Kreattur secoua la tête, et se cacha le visage dans ses mains osseuses.

- Kreattur, ajouta fermement Regulus. Tu dois m'obéir, aujourd'hui plus que jamais.

La pauvre créature était prise de violents tremblements, et des larmes commençaient à se former au coin de ses yeux.

- J'ai compris ce que faisait le Seigneur des Ténèbres, et je dois à tout prix l'empêcher d'atteindre son but. Personne d'autre ne doit savoir, mais j'ai besoin de ton aide. Seul un elfe de maison peut transplaner en ce lieu. Kreattur, j'ai besoin de toi.
- Monsieur Regulus ignore à quel point cette cave est dangereuse, Kreattur doit veiller sur ses maîtres...
- Je t'en prie. Si tu es réellement mon ami et mon elfe, il faut que tu m'accompagnes. Je te promets qu'aucun mal ne t'arrivera.
- Ce n'est pas pour Kreattur que Kreattur s'inquiète ! Kreattur craint qu'il n'arrive quelque chose de terrible à son bon maître Regulus Black... dit l'elfe en sanglotant.

Regulus se releva, et tendit sa main à l'elfe de maison.

- Il faut y aller.

Kreattur prit la main de son maître à contrecoeur, et les deux disparurent en silence.


****


L'obscurité entre les murs froids de la grotte était totale, et le silence était lourd. Kreattur, derrière son maître, jetait des regards inquiets autour d'eux. Regulus, lui, avait le regard braqué sur le bassin devant lui. Il s'en approcha, et regarda à l'intérieur. La potion était opaque, et il ne parvenait pas à voir le médaillon qu'il savait être dissimulé à l'intérieur.
Regulus avait peur.

- Kreattur, es-tu capable de reproduire le médaillon que tu as vu ?

L'elfe de maison lança un regard d'une profonde tristesse à son maître, et acquiésça lentement. Puis, il leva une main et traça un cercle dans les airs, et fit apparaître un médaillon identique à celui qu'il avait vu. Regulus le prit et le contempla, l'air grave. Puis, il mit un genoux à terre devant son elfe, et plongea son regard dans le sien.

- Merci beaucoup, Kreattur. Tu as été un formidable elfe de maison pour la famille Black, mais ton travail n'est pas terminé. Kreattur, ce que je vais te dire est très important et il est primordial que tu m'écoutes attentivement et que tu suives mes instructions à la lettre.

Kreattur tremblait de peur devant lui. Il craignait pour la vie de son maître, et s'apprêtait à voir surgir du lac noir des dizaines d'inféris à tout moment. Mais, contraint d'obéir à Regulus, il hocha la tête en silence.

- Bien. Je vais boire la potion, et...
- Non ! s'écria Kreattur avant de plaquer immédiatement les mains sur sa bouche, l'air effaré par son propre affront.
- Je vais boire la potion. Quand cela serait fait, et uniquement quand il n'y aura plus une goutte dans le bassin, tu échangeras le vrai médaillon et sa réplique. Quand tu auras le véritable médaillon entre les mains, tu dois me promettre de retourner immédiatement à la maison et de le détruire. Kreattur, je sais ce qui m'attends et je te demande de ne pas me venir en aide. Ma vie est insignifiante par rapport aux dommages que pourrait causer le Seigneur des Ténèbres s'il venait à vivre pour toujours. Dès que tu auras le vrai médaillon entre les mains, transplane au 12, square Grimmaurd. Quand tu seras là-bas, ne parle à personne de ce qu'il se sera passé. Personne ne doit savoir. Si mes parents apprennent, ils seront en danger. Si Bellatrix te pose des questions, ce qu'elle fera sans aucun doute, dis que tu ignores où je me trouve. Ils penseront que j'ai quitté les rangs des mangemorts et que je me suis sauvé. Ne dis rien à Bella, ni à Cissy. Je veux qu'ils soient en sureté, et ils ne le seront que s'ils restent ignorants. Kreattur, as-tu compris ce que je viens de te dire ?

Les larmes coulaient en torrent sur les joues creuses de l'elfe de maison de la famille Black.

- Oui, monsieur Regulus, répondit-il en baissant la tête.

Le sorcier sortir alors un papier et une plume de sa poche, et écrivit les mots suivants :

« Au Seigneur des Ténèbres.
Je sais que je ne serai plus de ce monde
bien avant que vous ne lisiez ceci
mais je veux que vous sachiez que c'est moi
qui ai découvert votre secret.
J'ai volé le véritable Horcruxe
et j'ai l'intention de le détruire dès que je le pourrai.
J'affronte la mort dans l'espoir
que lorsque vous rencontrerez un adversaire de votre taille,
vous serez redevenu mortel.
R.A.B. »

Il glissa la note à l'intérieur du faux médaillon, et le confia à Kreattur.

- Adieu, mon ami.

Le corps secoué de violents sanglots, Kreattur regarda impuissant son maître boire les premières gorgées de poison. Rapidement, Regulus commença à se tordre de douleur, et à hurler tant la souffrance était grande. Il se tenait fermement au bassin, les doigts crispés sur le rebord tranchant, tentant de se maintenir debout afin de continuer à boire. Autour d'eux, les eaux du lac commençaient doucement à s'agiter, et Kreattur continuait à pleurer, le visage tordu par la peur et la peine. Au bout de ce qui sembla être une éternité, Regulus s'écroula à terre dans un râle lugubre, à demi inconscient. Kreattur se précipita sur le bassin et saisit le médaillon, puis le remplaça immédiatement par la réplique.

Soudain, des cadavres d'hommes sortirent de l'eau sombre, leurs mains pâles et effrayantes tendues vers les deux individus. Ils escaladaient sans peine les roches, s'approchant dangereusement de Kreattur et de son maître. Kreattur poussa un hurlement de terreur, et appela de toutes ses forces le jeune Regulus qui ne fit aucun mouvement. Puis, alors que son cœur lui criait de venir au secour de son maître, de son meilleur ami, Kreattur transplana ; et les mains fourchues des inféris entrainèrent Regulus Black dans les profondeurs du lac noir.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant