Une affaire de famille.

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2 janvier 1977, Château Lestrange.


- Au retour à la normale ! scanda Rabastan en levant son verre, suivit de sa mère, de son frère et de sa belle sœur.

Bellatrix avala d'un trait son shoot de vodka en grimaçant.

- Par Merlin, je n'ai jamais bu d'alcool aussi fort, dit-elle.
- Elle vient tout droit de Russie, précisa Rabastan avec un sourire. Le père de notre hôtesse nous l'a offert.

La brune resta silencieuse, et se resservit un verre.

- Je suis contente de vous revoir enfin, dit Mérida. Le Château était terriblement vide ces derniers mois... Lucretia et Druella me rendait visible parfois, mais rien ne vaut votre présence.
- Le plaisir est partagé, mère, répondit Rodulphus.
- Nous discuterons davantage demain, chers enfants, je suis incroyablement fatiguée, déclara madame Lestrange. Je vous souhaite une bonne nuit, tâchez de ne pas abuser de la boisson.
- Bonne nuit, mère, répondit Rabastan.

Mérida Lestrange partit se coucher, laissant seuls les trois jeunes sorciers.

- Tu ne nous as pas dit où tu avais logé tout ce temps, dit soudain Rabastan en s'adressant à Bellatrix.
- Hein ? Ah, oui. Euh, dans une petite ville. Je n'en connais même pas le nom, mentit la mangemort.
- Amusant, répliqua le jeune Lestrange. J'ai remarqué que le Seigneur des Ténèbres faisait tes louanges lors des réunions. Comme la dernière fois, précisa-t-il en imitant ensuite la voix de Lord Voldemort, « Si vous avez des questions sur la manière de procéder, demandez à madame Lestrange ».

Rodulphus se raidit d'un coup, mais Rabastan continua de rire. Le Seigneur des Ténèbres avait en effet, lors de la dernière réunion, dit quelque chose de semblable à un groupe de mangemorts. Bellatrix lui adressa un sourire à la fois gêné et fier.

- Et bien ? Tu es si étonné que ça ? Je suis son meilleur soldat.
- Mouais. Rosier est très bon, et Malefoy est en bonne voix pour devenir le nouveau bras droit du Maître.
- N'importe quoi, siffla Bellatrix soudain sur la défensive. Le Maître sait très bien que je vaux bien plus que ces sorciers de pacotilles. Je suis sa meilleure et plus loyale servante, il le sait très bien.
- Je dis juste que t'as de la compétition, c'est un fait, répondit Rabastan en riant.
- J'appelle pas ça de la compétition, le contredit Bellatrix en se servant un énième shoot.

Rodulphus, qui était resté silencieux, se leva alors et alluma un tourne disque d'un coup de baguette. Un air de jazz s'éleva alors dans les airs, et il revint vers son épouse à qui il tendit une main. Bellatrix hésita un instant, soupira, puis se leva pour danser avec Rodulphus. Ils firent un slow, sans prendre la peine de caler leur rythme sur la musique, tandis que Rabastan les avait rejoints et dansait désormais avec une cavalière imaginaire.

- Tu es très belle ce soir, Bella, dit Rodulphus au creux de l'oreille de son épouse.
- Oh pitié, soupira la brune.
- Je tiens à te présenter mes excuses une nouvelle fois, continua le sorcier à voix basse. Mon comportement était inapproprié.
- J'ai déjà oublié, dit Bellatrix en haussant les épaules.
- Tu as de la chance, tu sais.
- De la chance ? répéta la brune en s'écartant un peu de Rodulphus pour le regarder dans les yeux.
- De ne pas être amoureuse de moi, répondit l'homme avec un sourire triste.
- Oh... pourquoi donc ?
- Tu aurais souffert de mon écart sans cela.
- Hmm. Oui peut-être.

Le couple continua de danser sur l'air calme, et Rabastan ne tarda pas à les laisser seuls.

- Souffres-tu de mes écarts ? demanda soudainement Bellatrix.
- Tu sais très bien que je ne peux rien dire sur cette situation, répondit Rodulphus avec amertume.
- Tu n'as pas ton mot à dire dessus, oui, mais tu ressens bien quelque chose par rapport à cela, non ?
- Oui.
- Et bien, dis-moi ce que c'est.

Rodulphus laissa Bellatrix pour aller se servir un verre qu'il avala d'un trait.

- Dolph, dit Bellatrix d'une voix douce en enlaçant son époux par derrière.
- Je ne sais pas trop. De la jalousie, de la tristesse ? Je n'en ai aucune idée. Mais je me suis fait à l'idée maintenant, Bella. C'était difficile au début, mais plus maintenant. Ça me fait toujours quelque chose quand je te vois le dévorer des yeux, mais je ne suis plus un jeune garçon qui découvre les joies et les malheurs du couple. Notre mariage n'était rien de plus qu'un mariage arrangé après tout.
- Oui.

Rodulphus secoua la tête et émit un rire triste.

- Oui, Dolph, c'était un mariage arrangé. Et à vrai dire, tu me déplaisais plus qu'autre chose.
- Merci, Bella. Toujours les mots qu'il faut.
- Laisse-moi finir, veux-tu ? dit la sorcière. Bien. J'ai trouvé en toi le meilleur partenaire que j'avais pu espérer. Tu es un combattant redoutable, tu es loyal et dévoué à notre cause. J'ai été idiote de m'énerver pour une histoire d'adultère. Ce serait hypocrite de ma part que de juger que tu n'as pas le droit de désirer autrui alors que... enfin.
- J'aurais dû t'en parler directement au lieu de t'éviter.
- Certes. Mais c'est passé. D'accord ? Donc... on oublie tout ça.
- On oublie tout ça.

Bellatrix déposa un baiser sur la joue de Rodulphus.

- Mon lit m'appelle. Bonne nuit, Dolph.
- Bonne nuit, Bella.


****


26 avril 1977, Manoir Malefoy, Wiltshire.


- Lucius, dépêche-toi, on va être en retard, appela Narcissa pour la cinquième fois.

Son époux apparut en haut des escaliers et semblait profondément contrarié.

- Et bien qu'y-a-t-il ? demanda Narcissa en haussant les sourcils.
- J'ai reçu une lettre du Conseil d'Administration, répondit froidement Lucius. Ils organisent une réunion demain matin et j'ai déjà mille choses de prévues.
- D'accord, dit calmement la blonde. Si ça ne te dérange pas, on va devoir partir maintenant à l'enterrement de ma grand-tante. Tu pourras te plaindre une fois qu'elle sera sous terre, si ça ne te dérange pas.

Les funérailles de Dorea Potter née Black furent, comme toutes funérailles dignes de ce nom, d'un ennui mortel. Narcissa n'avait aucune envie d'être là, non seulement car les cimetières ne comptaient pas parmi ses lieux favoris, mais aussi parce que les Potter n'étaient pas des gens fréquentables. Ils avaient beau faire partie des Vingt-Huit Sacrés, ils étaient surtout connus pour être en grande partie des traitres à leur sang. Charlus, le mari de Dorea, semblait profondément touché par la disparition de la femme et reniflait bruyamment. À côté de lui, Fleamont et Eugenia Potter discutaient avec leur fils James. Et à côté de James, il y avait Sirius.
Aucun membre de la famille Black ne lui avait adressé la parole. Narcissa pensa que c'était une bonne chose que Bellatrix n'ait pas été présente ce jour là ; sans ça, elle aurait abattu leur cousin sous les yeux de tous les invités.
Bellatrix Lestrange, en effet, brillait pas son absence. Bien qu'elle n'ait jamais été proche de sa grand-tante Dorea, il avait été attendu d'elle qu'elle se montre au moins à ses funérailles. Mais il n'en était rien. Il était impossible pour une mangemort notoire de se présenter à un événement aussi public, et tout le monde avait remarqué son manège. Elle était devenue le principal sujet de conversation, éclipsant de loin la défunte. En passant à côté des groupes de sorcières et de sorciers, Narcissa pouvait entendre des choses telles que « il paraît que la Lestrange a exterminé dix familles moldues en une seule nuit » ou encore « j'ai entendu dire qu'elle est sous l'emprise d'amortentia et qu'elle est prête à tout pour Tu-Sais-Qui », sans oublier les « d'après Sorcière Hebdo, Bellatrix Lestrange boit du sang de nouveau-né pour le petit déjeuner ».
Narcissa ne savait pas si elle devait rire ou pleurer face à ces rumeurs folles. De tout ce qu'elle avait pu entendre, celle concernant le philtre d'amour était la plus crédible. Il est vrai que Bellatrix était entièrement dévouée à son Maître. Mais le reste ? Le reste était complètement absurde. La benjamine Black se demandait ce que penserait son aînée quand elle lui raconterait tout cela.

- Narcissa.

La blonde se retourna d'un coup et toisa son cousin de toute sa hauteur.

- Sirius.
- Je t'avoue que j'aurais préféré voir Andromeda.
- Tu n'as rien à faire ici, c'est une réunion de famille, répondit sèchement Narcissa.
- Mon nom est toujours Sirius Black, à ce que je sache, répondit le sorcier d'un ton arrogant. D'ailleurs, si je ne faisais pas partie de la famille, oncle Alphard ne m'aurait pas légué sa fortune.
- Alphard t'a..., répéta Narcissa avec incrédulité avant de se reprendre. Bien sûr qu'il t'a légué ce qui lui restait. Les traitres se soutiennent, à ce que je vois.
- J'espère que tu ouvriras un jour les yeux, répondit Sirius en haussant les épaules. Tu tolères ta meurtrière de sœur, et renie l'autre parce qu'elle pense différemment. C'est triste.
- Je n'ai qu'une sœur, je ne vois pas de quoi tu parles.

Sirius secoua la tête.

- Elle a eu quatre ans le 9 mars dernier, d'ailleurs.
- De qui parles-tu ? demanda la sorcière sur un ton dédaigneux.
- Ta nièce Nymphadora.
- Je n'ai pas de...
- Et elle est en bonne santé, et Andromeda lui parle de toi, et elle espère toujours que tu lui rendras visite un jour. Ta sœur a besoin de toi, Narcissa, il n'est pas trop tard.

Narcissa se rapprocha alors dangereusement de Sirius, si bien que leurs visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre lorsqu'elle lui répondit à voix basse.

- Ceux qui partent ne reviennent pas, et Andromeda Tonks a fait son choix en sachant ce qui l'attendait. Maintenant, Sirius, tu ferais mieux de ne plus traîner autour des membres de la noble et très ancienne famille Black, car la présence de traitres à leur sang ici alors même que nous veillons nos morts est une insulte.

Sirius fit un pas en arrière et fixa Narcissa qui se tenait droite comme un pique devant lui, le visage fermé. Un sourire moqueur se dessina sur les lèvres du garçon, et il disparut parmi la foule.


****


1 juillet 1977, Manoir Malefoy, Wiltshire.


- Suis-moi, siffla la brune en se pressant à travers les couloirs du Manoir Malefoy, suivie d'un jeune sorcier. Et rappelle-toi : ne parle que s'Il t'a invité à prendre la parole, ne t'assois pas s'il est debout, enfin bref tu connais. Tu as été élevé par Walburga. Et surtout, surtout, ne t'avise pas de changer d'avis. Une fois que tu en es, c'est pour toujours.

Les deux arrivèrent devant une imposante porte qui s'ouvrit en grinçant au moment où Bellatrix s'apprêtait à toquer. Elle fit aussitôt une révérence, et le jeune homme qui l'accompagnait fit de même. À l'intérieur du bureau, un autre sorcier faisait face au Seigneur des Ténèbres. Il avait les cheveux noirs et gras coupés en carré, un visage pâle et des traits grossiers.

- Merci, Severus, pour ces précieuses informations, dit Lord Voldemort en s'adressant au jeune sorcier. Tu peux disposer.

Severus abaissa respectueusement la tête et sortit du bureau, passant devant Bellatrix sans même la saluer. Celle-ci le toisa et fit une grimace lorsqu'il fut hors de vue.

- Bella, Regulus, entrez.

Les deux firent ce que le mage noir ordonnait. Bellatrix s'assit nonchalamment sur le fauteuil dans lequel elle avait l'habitude de prendre place, mais son cousin resta debout, intimidé.

- Un autre Black s'apprête à rejoindre mes rangs... commença le Seigneur des Ténèbres d'une voix douce. J'espère qu'il sera aussi efficace que le premier.
- Il le sera, mon Maître, susurra Bellatrix.

Lord Voldemort garda son regard braqué sur Regulus qui était devenu livide.

- Regulus Black, pourquoi veux-tu rejoindre nos rangs ?
- Parce que je crois en la suprématie du sang pur et en la nécessité de protéger les véritables sorciers en empêchant les moldus et les nés moldus d'avoir accès à notre monde. Je crois également que le Ministère de la Magie est une institution incompétente à gérer notre société.
- Je vois que tu l'as bien entrainé, Bella. Fort heureusement, Regulus, je sais très exactement ce que tu penses.

Tous les muscles du visage du garçon se tendirent alors. Son souffle s'accéléra et ses mains moites s'agrippèrent au tissu de ses manches.

- Et je vois que tu penses ce que tu dis, mon garçon. Ces convictions sont importantes, très importantes. Es-tu prêt à servir tes idéaux en devenant mon soldat, Regulus ?
- Je le suis, mon Seigneur.
- Hmm. Ton bras, mon garçon.

D'un geste mal assuré, Regulus tendit son avant bras nu au Seigneur des Ténèbres. Bellatrix se leva, pour mieux observer la scène qui s'offrait à elle. Elle avait réussi à offrir son cousin à son Maître, et ce dernier approchait désormais le bout de sa baguette vers le bras de Regulus. Le garçon soudain se mit à grimacer, et la Marque des Ténèbres incandescente se grava peu à peu dans sa peau laiteuse. Quand elle fut complète, Voldemort s'éloigna, et Bellatrix prit le bras de son cousin entre ses mains, fascinée. Du bout des doigts, elle caressa le crâne vomissant un serpent, et un sourire béat orna son visage.

- C'est fait, murmura-t-elle. Tu es des nôtres, Regulus Black.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant