Adieux.

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31 août 1973, Hôpital Sainte Mangouste, Purge & Pionce Ltd, Londres.

Deux jeunes filles avançaient à pas incertains à travers les couloirs blancs de l'Hôpital Ste Mangouste pour les maladies et blessures magiques. L'une d'entre elles tenait un bouquet de dahlias serré contre sa poitrine. Toutes deux avaient un visage crispé, et ne s'était pas adressées la parole depuis leur entrée dans le magasin de vêtement qui gardait le passage secret vers l'hôpital.
Alors que les filles arrivaient vers la chambre 101, une femme en sortit et les salua. Ses yeux étaient rouges et gonflés, creusés de cernes bleuâtres.

- Narcissa...Maisie...merci, merci de venir voir Dahlia...
- Comment va-t-elle, madame Greengrass ? demanda Maisie d'une voix nouée par l'appréhension.

Madame Greengrass ferma les yeux, et une unique larme coula le long de sa joue droite. Elle se râcla la gorge, puis sortit un mouchoir en tissu pour s'y moucher bruyamment. Elle désigna le banc qui trônait devant la chambre 101.

- Asseyez-vous...

Narcissa et Maisie échangèrent un regard inquiet, puis prirent place en silence sur le banc froid et inconfortable. Madame Greengrass resta une longue minute sans pouvoir parler, reniflant de temps à autre et essuyant ses larmes du bout de son mouchoir.

- J'ai toujours crains que cela n'arrive à mon enfant...peut-être était-ce égoïste de ma part de procréer en sachant que...cette malédiction...elle est incurable voyez-vous...je n'ai rien pu faire...je me sens si impuissante...regarder son enfant souffrir ainsi...aucune mère ne devrait avoir à connaître cela.
- Madame Greengrass, ce n'est pas votre faute. Vous êtes une mère formidable, Dahlia vous tient haut dans son estime, tenta de la rassurer Narcissa.
- Merci, Narcissa...répondit la femme en fermant à nouveau les yeux.

Elle prit une profonde inspiration avant de continuer, d'une voix légèrement plus forte.

- Dahlia est endormie, déclara-t-elle. Bien entendu, vous pouvez aller la voir...je tiens néanmoins à vous prévenir que...que...enfin son état... Dahlia ne ressemble plus à la jeune fille que vous avez connue. Je suis désolée que vous ayez à la voir ainsi...
- Nous serons toujours là pour elle, madame Greengrass, assura Maisie. Dans les meilleurs comme dans les jours les plus sombres.
- Comme c'est gentil de votre part mademoiselle Parkinson...et vous Narcissa...vous et Dahlia êtes amies depuis si longtemps...vous avez ramené ses fleurs préférées... Les filles je... il faut que vous sachiez...

Là, elle fondit en sanglots. Narcissa s'empressa de la prendre dans ses bras, et elle la garda contre elle un long moment, sentant le corps de la femme secoué par les spasmes de douleur. Quand madame Greengrass se releva enfin, la blonde eut peur que la mère ne s'évanouisse devant elle.

- Il est très probable que Dahlia ne passe pas la nuit, dit-elle d'une voix tremblante. Elle...elle vous a écrit une lettre hier. Elle voulait que je vous la donne quand...enfin...tenez.

Elle leur tendit une enveloppe scellée du sceau des Greengrass qui représentait un chêne majestueux entouré de deux baguettes magiques. Narcissa la rangea dans sa poche et, suivie de Maisie, elle entra dans la chambre 101.
Une odeur putride flottait dans l'air. Il y faisait frais, et la lumière du soleil filtrait à travers les rideaux blancs de la fenêtre. Il n'y avait presque aucun meuble, seulement une armoire blanche et un lit de la même couleur. Sur ce lit froid comme la mort, il y avait Dahlia. Ses longs cheveux bruns autrefois brillants étaient désormais ternes, et ondulaient autour de son visage. Sa peau hâlée était maintenant grisâtre, cireuse. Ses lèvres étaient blanches, sèches. Ses yeux clos étaient marqués par des cernes violettes. Ses joues étaient creusées, chacun de ses os étaient visibles à travers sa peau quasiment translucide.

- Oh Dahlia, gémit Narcissa à voix basse en prenant délicatement la main de son amie endormie.

À côté d'elle, Maisie pleurait en silence. Elles restèrent ainsi sans rien dire de longs instants. Aucune des deux ne parvenait à réaliser qu'il s'agissait réellement de leur amie devant elles. Cela ne pouvait pas être Dahlia. Dahlia devrait être avec elles aux Etats-Unis, dans les bras de Rabastan Lestrange, fraîchement fiancée, et non sur son lit de mort à l'âge de dix-huit ans.
Des heures passèrent. La chambre 101 accueillit peu à peu de nouveaux visiteurs. Rabastan fut l'un d'entre eux. Les muscles de son visage étaient tendus, on pouvait lire sur ses traits à la fois la colère et une tristesse infinie. Le temps et la maladie lui avaient volé, comme à Narcissa et Maisie, la promesse d'un avenir radieux en compagnie de la plus délicate sorcière qui soit. Ce sentiment d'injustice était lisible sur tous les visages.
Ce fut le petit frère de Dahlia, Lisianthus, qui était en troisième année à Serdaigle, qui tira l'assemblée de ses pensées mélancoliques et brisa le silence morbide qui s'était imposé en poussant un cri déchirant.

- Dahlia ! Dahlia respire ! Mère, Dahlia ne respire plus ! Dahlia !

Une infirmière accourut et ordonna à tout le monde de sortir de la chambre. Monsieur Greengrass dût trainer son fils de force dans le couloir alors que celui-ci hurlait à pleins poumons et se débattait avec rage. Maisie éclata en sanglot, et Narcissa dût se faire violence pour ne pas s'écrouler de la même façon. Ophélia Greengrass, la mère des enfants, s'était évanouie, et plusieurs visiteurs s'étaient précipités pour tenter de la réanimer.
De l'autre côté de la porte, trois médecins s'occupaient de Dahlia. L'intervention ne fut pas longue, et bientôt, les sorciers en blouse blanche ressortirent de la chambre 101 l'air grave.

- Nous sommes sincèrement désolés, dit-l'un d'entre eux en s'adressant au père. Peut-être pourriez-vous me suivre dans mon bureau, pour en parler en privé ?

Monsieur Greengrass resta figé le regard viré au sol, comme paralysé, avant d'acquiescer et de suivre le médecin. Narcissa s'approcha d'une infirmière d'un pas chancelant.

- Est-ce que...est-ce qu'on peut retourner la voir ? demanda la blonde d'une voix presque inaudible.
- Oui, bien sûr.

Narcissa retourna alors auprès de son amie. Elle passa une main dans ses longs cheveux bruns, caressa sa joue froide. Dahlia avait l'air paisible, comme si elle s'était endormie.

- Je t'aime pour toujours, ma Dahlia adorée, chuchota-t-elle avant de déposer un baiser sur le front de son amie et de quitter les lieux le cœur serré.

****

Mes tendres amies,

Si vous lisez ces mots, c'est que je suis morte. Je vous en prie, ne vous noyez pas dans le chagrin. Gardez la tête haute, soyez fières comme l'avez toujours été. Rien ne change. Je serai toujours là, dans vos souvenirs, quelque part, toute proche. Gardez en mémoire les jours heureux que nous avons partagés ensemble. Continuez de rire aux choses qui nous faisaient rire. Ne vous forcez pas à aborder un air solennel, ou un air attristé. Vivez, car vous avez la chance de pouvoir vivre encore bien des années je l'espère.
Sachez que je vous aime du plus profond de mon cœur, et que je vous aurais aimées jusqu'à mon dernier souffle. L'avenir vous appartient, mes précieuses amies. Ainsi, je vous en conjure, regardez vers les jours à venir. Oubliez si vous le voulez, ou souvenez-vous, si tel est votre souhait, mais ne vivez pas dans la douleur de la perte.
Vous avez été la lumière la plus brillante de ma vie, et pour cela je vous en suis infiniment reconnaissante. Je vous aime, je vous aime si fort.
Soyez heureuses,

Dahlia.

A Black Tale : Sisters of House BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant