Chapitre 8 : La lettre.

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LÉANDRE.

Jeudi 08 juin, 17h45.

On est dans le bus en direction du Stade de France à Saint-Denis pour le dernier match avant l'Euro, contre la Bulgarie. L'équipe a l'air plutôt confiante, bien que les joueurs se méfient tout de même : ne jamais sous-estimer l'ennemi.

Je suis assis deux rangés derrière mon oncle — soit au milieu du bus. Les joueurs sont tous dans le fond en train de discuter ou de s'enjailler sur de la musique.

Écouteurs dans les oreilles, j'ai la tête contre la vitre, admirant le paysage parisien défiler sous mes yeux. Je suis seul. Seul mais apaisé. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je le suis.

Alors que je me sentais partir dans les bras de Morphée, je sens une main sur mon épaule. Je sursaute légèrement en retirant un écouteur.

Je le vois et l'entends en train de rire. Il est là, assis à mes côtés. Ses dents blanches apparentes pour afficher un magnifique sourire.

— C'est pas que tu dormais, Léandranou ? demande-t-il.

— Non. Je mens en me redressant.

— Tu sais que tu mens vraiment mal ?

— Qu'est-ce que tu me veux, Griezmann ? Je demande en allant droit au but.

Il feint d'être offusqué de la façon dont je l'appelle. Je souris.

— Ah ouais.. t'es comme ça toi maintenant ? Il dit en faisant semblant de partir.

Je ris et l'attrape par le poignet pour qu'il reste. Je sens mon corps frissonner. Je retire immédiatement ma main. Ses yeux rencontrent les miens. Je ne peux tenir cette tension alors je détourne le regard.

— Tu voulais quelque chose ? Je demande pour tenter de briser cette atmosphère.

Il se racle la gorge et me tend une enveloppe blanche. Je fronce les sourcils.

— Tiens. Dit-il.

Je la prends avec hésitation.

— Qu..

— Lis-la seul, on en reparle ce soir si tu veux. Il dit.

Il passe sa main dans mes cheveux pour me décoiffer. Il me lance un dernier regard avant de retourner à sa place à l'arrière du bus. Je déglutis.

L'enveloppe entre mes mains, je ne sais pas quoi en faire. J'ai peur. Je ne sais pas trop pourquoi.. ça pourrait être n'importe quoi.

Je prends mon courage à deux mains et décide de l'ouvrir. Je sors une feuille.. c'est une lettre. Je l'ouvre avec hésitation et reconnais l'écriture de ma mère.

Mon chéri,

Il y a quelque chose dont j'avais envie de te parler depuis longtemps mais que je n'ai jamais osé faire. J'espère que tu sais que je tiens énormément à toi et que c'est pour ça que j'ai fait certains choix. Des choix, qui je le sais, ont pu te sembler durs et inimaginables. Le choix de te placer sous tutelle.. sous ma tutelle n'était pas une partie de plaisir pendant ces cinq années. Si je l'ai fait, c'est pour pouvoir te permettre de te reconstruire dans un environnement protégé.

Un environnement que je pensais sain.. que je pensais prometteur pour ton rétablissement psychologique, pour ne pas blesser tes sentiments..

Tes sentiments.. Mon Dieu, que je suis désolé de ne pas y avoir assez pensé. La vérité c'est que pendant très longtemps, depuis mon divorce avec ton père pour être précise, j'ai complètement négligé l'existence de sentiments. J'avais oublié ce à quoi ça ressemblait..

J'étais piégée dans une sorte de prison que je m'étais forgée après le départ de ton père. Et, un jour, je suis partie en voyage d'affaire au Canada et je l'ai rencontré. Il m'a sauvé la vie. Et, grâce à lui, c'était la première fois depuis très longtemps que je me suis mise à ressentir des choses. À me sentir heureuse..

Je sais que je me suis beaucoup éloignée de toi ces derniers moi et ce n'est pas de ta faute.. j'ai juste voulu profiter et te lâcher du lest par la même occasion. Et j'ai aussi commencé à ressentir que tu t'éloignais toi aussi de moi.. comme si.. je sais pas.

Mon chéri, je sais que ces cinq dernières années ont été dures. Je sais qu'on a passé beaucoup de temps ensemble.. à regarder des séries, des films.. cuisiner, jouer à des jeux de société. Passer du temps ensemble en général.. Mais je me suis rendue compte que tu grandissais et que je prenais de l'âge.

Tu grandis.. tu changes.. et si je suis vraiment honnête avec moi-même, ça me fait peur. Une partie de moi l'accepte mais une autre ne veut pas que les choses changent. Je sais que c'est naïf de ma part, que c'est le cycle de la vie.

La vie, c'est quelque chose qui bouge. Ça bouge tout le temps, qu'on le veuille ou non. Et, d'autres fois, c'est douloureux. Parfois c'est triste aussi. Mais c'est aussi surprenant, jubilant, joyeux..

Donc, grâce à ces illuminations — et la participation d'un de tes amis —, j'ai pris une décision. La décision de te laisser grandir par toi même. Ne me laisse pas t'empêcher de grandir.

Commets des erreurs, tires-en des leçons.. et lorsque la vie te blessera, parce qu'elle te blessera de nouveau malheureusement, souviens-toi de cette douleur. La douleur, c'est pas que néfaste, c'est bien aussi puisque ça t'indique que tu n'es pas enfermé dans une prison émotionnelle.

Mais, s'il te plaît, si ça ne te dérange pas.. pour le bien de ta petite maman.. n'oublie pas de rester fidèle à toi-même.

Ta maman chérie.

Je sens une larme couler le long de ma joue. Mon coeur bat la chamade. Un sourire est plaqué contre mes lèvres. Je sors le deuxième papier de l'enveloppe. C'est un papier du tribunal qui met fin à la tutelle. 

Je sens un poids se libérer de mes épaules. Je range les papiers dans l'enveloppe et les met dans ma veste. Elle a vraiment fait ça.. ma mère a retiré la tutelle.. ma mère a trouvé quelqu'un ? Ça vient tout juste de me percuter. Je suis content. Elle m'a libéré — pas qu'elle m'emprisonnait non plus mais le fait de savoir que j'étais sous tutelle était insupportable à vivre.

Il a parlé à ma mère. Antoine.. Antoine a parlé à ma mère. L'ami dont elle parlait dans la lettre, c'était lui, non ?

Le bus s'arrête. Tout le monde commence à descendre. Je me lève et le cherche dans la foule qui est debout. Je ne le vois pas. Je descends donc du bus, je rejoins mon oncle.

— Ça va, Léandre ? Me demande-t-il en voyant que je cherche à tout prix quelqu'un.

Je me tourne vers lui, un sourire aux lèvres. Je sors l'enveloppe de ma poche.

— Maman.. je dis. Elle.. elle a retiré la tutelle.

Il me prend dans ses bras. Je réponds, à ma plus grande surprise, à son étreinte. Je suis heureux. Je profite de ce bref instant avant qu'on ne se détache l'un de l'autre.

— Je suis content pour toi, Léandre. Vraiment. Il dit. Ça veut dire que tu ne viendras pas avec nous pour la compétition ?

Mon corps se fige. Je n'y avais même pas pensé. Je ne suis plus obligé de rester avec mon oncle. Je peux aller où je veux, quand je veux et avec qui je veux. Je suis libre.

— Je.. je sais pas. Je dis.

Mon oncle pose sa main sur mon épaule, gardant son sourire.

— Tu n'es pas obligé de me répondre maintenant. Mais une réponse avant demain soir serait préférable, d'accord ?

— Oui.. pas de soucis, t'inquiète.

Il part. Je reste planté là. Mon regard croise celui d'Antoine pendant un instant. Il affiche un grand sourire et me fait un clin d'œil.

Que suis-je sensé faire maintenant que je suis libre ? 

🌟🌟

Amour Refoulé - Antoine Griezmann (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant