Chapitre 63 : Au jour le jour.

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ANTOINE.

Nous sommes dans un hôtel tout près de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Didier nous avait proposé de résider à Clairefontaine pendant qu'Estéban soit hospitalisé, mais c'était bien trop loin pour Léandre et Camilo. Ce dernier était dévasté quand il a appris la nouvelle, ce que je comprends parfaitement. C'était déjà compliqué pour moi d'apprendre ça. Estéban et moi sommes plutôt bien proches, l'année passée il était très présent pour Léandre et pour moi. Je dirai que le plus dur, c'est quand même de voir dans l'état que ça met celui que j'aime.

Il a déjà une ration conflictuelle avec tout ce qui est lié à la mort. Il a beaucoup perdu dans sa vie, beaucoup vécu de tragédies. Et c'est encore pire quand je me dis que lui aussi a pensé au suicide récemment. Quand je suis là, dans cette chambre d'hôpital, que je vois Léandre au chevet de son frère, je ne peux m'empêcher de me dire que ça pourrait être moi à sa place. J'aurais pu être celui assis sur la chaise, tenant la main de celui qu'il aime, allongé dans ce foutu lit d'hôpital.

La vie est étrange. Et, si je suis tout à fait honnête avec moi-même, j'aurais plutôt pensé que ce soit cette version qui advienne et pas ce que l'on vit maintenant. Au grand jamais j'aurais pensé un jour devoir visiter Estéban en hôpital à cause d'une tentative de suicide. Jamais. Au contraire, j'aurais plutôt, à mon plus grand dam, pensé que je vive ça avec Léandre. J'ai toujours eu peur que ça arrive, et, par je ne sais quel miracle ou quelle protection divine, ça ne s'est jamais produit — bien que ça ait failli.

J'ai beaucoup discuté avec Léandre, il en avait besoin. Il m'a expliqué de nombreuses fois comment il l'a découvert, et à chaque récit, il tentait de trouver des points différents qui aurait pu l'aider à savoir plus tôt. Il a relu des dizaines de fois leurs conversations, il a regardé des photos, il a ressassé des moments dans sa tête. Rien ne s'y prêtait. Rien ne s'y prêtait car les personnes suicidaires ne se voient pas toujours. La plupart du temps, ce sont des personnes que nous connaissons, qui cachent leur malheur derrière des sourires et des faux-semblants. Léandre n'était pas ce genre de personne. Bien qu'il réussissait à camoufler une grande partie de sa dépression, les personnes qui le connaissaient bien pouvaient le déceler en lui.

Et si ces nombreuses discussions n'ont peut-être pas servies à grands choses, ça nous a permis de trouver une solution pour aider Estéban. Il a besoin d'être entouré. Il a besoin d'être avec sa famille et de ne pas se retrouver seuls. Ainsi, nous avons invité les autres frères et soeurs et la mère d'Estéban à venir passer quelques semaines à la maison, à Madrid. Dès qu'il sortira de l'hôpital, ce sera direction la capitale espagnol.

Je suis sur la terrasse de l'hôtel, un verre de Chardonnay à la main. La nuit commence à prendre le dessus sur le jour, bien qu'il faudra encore une bonne dizaine de minutes je suppose. J'entends la baie-vitrée s'ouvrir derrière moi. Une tête vient se poser sur mon dos, suivie par deux mains venant entourer mon abdomen. Un soupir s'échappe de sa bouche.

— Coucou, mon coeur... murmure-t-il contre moi.

— Coucou. Je suppose que ça ne s'est pas trop bien passé avec ta mère ? Demandé-je.

Il fait un mouvement de tête négatif contre moi. Je me redresse de la rambarde et me tourne vers lui. Il se redresse lui aussi. Il a le visage fatigué, quoi qu'un minimum caché par ses lunettes. Cependant, il sourit dès que nos regards se croisent enfin.

Je me penche vers lui et mes lèvres viennent délicatement se poser sur les siennes. On finit par se décaler. Je viens poser ma main sur sa joue, la caressant tendrement. Il est vraiment magnifique.

Avec un air de flirt, je le regard, sourire en coin.

— Un verre de Chardonnay, Monsieur Geneau ? Demandé-je d'une voix joueuse.

Amour Refoulé - Antoine Griezmann (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant