Son nom était Thomas. Un jeune rebelle à la gueule d'ange, d'abord antipathique, qui en était en réalité le strict contraire. Le genre de personne que tout le monde remarque, celui qui engendre une danse enflammée durant les fêtes, celui qui répond aux professeurs et crée des blagues toujours hilarantes. Thomas était le genre de personne à alimenter ses réseaux sociaux de photos de ses amis, de photos de tous les trophées sportifs qu'il remportait chaque week-end. Il était splendide, le genre de personne qui faisait succomber n'importe qui, qui avait tout le monde à ses pieds. Thomas était parfait.
Newton était son oxymore. Il était timide, craignait de déranger, se sentait en trop. Le genre de personne à s'isoler dans un coin, à s'effacer dans le mutisme, celui que personne ne remarque, dont personne ne s'intéresse. Le bon élève de la classe, obéissant à ses parents, la figure parfaite que tout le monde pense barbante. Il était si timide, si réservé, si discret. Thomas, lui, était si ouvert, et si aimé. Il en était si amoureux, il l'avait submergé dès les premiers instants, c'était l'unique point commun qu'il partageait avec ses camarades de lycée.
Tout de lui avait fait chavirer son cœur, de son beau regard ambré à son corps athlétique, de son intelligence à sa douceur. Quand il avait miraculeusement intégré Newton dans son cercle d'amis, il avait manqué de s'évanouir de surprise. Personne ne prêtait attention à lui, on l'ignorait, on se moquait de son existence. Tous le faisait. A l'exception de Thomas. Il le protégeait, lui montrait l'importance qu'il détenait à son cœur, il le soutenait, l'écoutait, et l'aimait. Il l'écartait d'une société perfide pour les plus petits comme lui, il veillait sur lui comme un frère. Il était si bienveillant, si tendre, si passionné. Il était pour lui son ange gardien. Newton l'aimait tant, le désirait tant, depuis tant.
Un soir, alors qu'il débattait encore sur la vigueur de sa volonté, il força sa bravoure et composa enfin le numéro de Thomas. Une longue sonnerie répondit au silence méditatif avalant sa chambre. Quelques sons diaboliques tintèrent à son oreille, son cœur gonflé d'espoir palpitait toujours plus fort sous son plexus. La voix suave de Thomas résonna finalement : « Allô ?— Hey, Tommy... murmura-il, rougissant déjà, triturant son t-shirt.
— Mon Newt ! Quoi de neuf, depuis deux heures ?
— Rien de bien spécial, je... je voulais simplement... J, je voulais te dire... Je voulais te parler de quelque chose, avant que je ne perde le courage de le faire...
— Ça me semble important... dit-il. Je t'écoute attentivement. »
L'anxiété s'encastrait dans sa poitrine. Et Thomas l'interprétait mal ? s'il l'abandonnait ? que deviendrait-il ? Ses yeux grossissaient d'une terreur anticipante, ses lèvres redoutaient bruyamment les aveux si vulnérables qu'elles s'apprêtaient à révéler. Sois brave.
« Tu sais, j'aime beaucoup être avec toi...
— Moi aussi, j'adore passer du temps à tes côtés. Tu es tellement... spécial. répondit Thomas, souriant timidement. C'est gentil de me le dire... Ça me fait très, très plaisir, tu sais...
— Non, non, je veux dire... Je t'apprécie beaucoup, beaucoup...
— Moi aussi, blondie. Tu le sais déjà, je te le dis souvent. admit-il en riant légèrement. Tu es exceptionnel. Je suis tellement content de t'avoir dans ma vie. Ne le dis à personne, mais tu es clairement mon chouchou de la bande.
— Merci beaucoup, Tommy, seulement...
— Seulement ?
— C, Ce n'est pas pareil du tout...
— Que veux-tu dire ?
— Je veux dire... que ce n'est pas pareil... que moi. J, Je crois, non... J'hésite à t'en parler, en réalité...
— Tu peux tout me dire, Newton. Je ne te jugerai jamais. Je te le promets.
— Je... Je crois que j'ai vraiment envie de t'embrasser. »
La gorge du blond se noua. Il se sentait devenir nauséeux face au pesant silence, qui les écrasaient douloureusement.
« Attends... vraiment ?
— Je sais, ça peut être terriblement embarrassant pour toi, et... je ne veux pas t'effrayer...
— Sérieusement ? Tu es amoureux de moi ?
— Je crois, oui... Non, non... je le suis...
— Ah... Ah oui ? Tu veux vraiment m'embrasser ?
— Je suis désolé, Tommy... Je ne voulais pas te gêner, je n'aurais pas dû t'en parler...
— Du calme, Newt, c'est bon pour moi. Tout va bien.
— Tu... me pardonnes...?
— Te pardonner ? De quoi donc ?
— De ne pas... être... normal, je suppose...
— Ô non, non, tu ne l'es pas... sourit-il tendrement. Tu es spécial, c'est ce que j'admire le plus chez toi... Et... il est vrai que je ne peux pas te pardonner de m'avoir appelé au lieu de m'avoir dit tout ça en face à face. J'ai tellement envie de te prendre dans mes bras et de te serrer fort, pourtant le téléphone m'en empêche dans la mesure du physique. C'est extrêmement frustrant.
— Tommy, excuse-moi...
— Non, ne t'excuse pas. Tu ne comprends pas ce que j'essaye de te dire... sourit-il avec attendrissement.
— A... Ah...?
— Je vais essayer d'être plus explicite... dit-il alors. Je t'apprécie beaucoup, beaucoup, moi aussi.
— Ah ? répéta-il, stupéfait et rougissant.
— Je crois bien que j'en ai aussi envie. Enfin, j'en suis plutôt certain.
— En... Envie ?
— De t'embrasser. »
Et ils connurent un amour impérissable.