Il se tenait là, debout, face à son lit. Il patientait. Lui, affalé dans son matelas, tentait vainement de l'ignorer. Peut-être s'en ira-t-il, lassé de son mutisme. Ses doigts lançaient ses clefs dans un tintement répétitif et ses yeux fixaient le vide depuis plusieurs secondes. Peut-être comprendrait-il qu'il ne voulait pas de lui. Pourtant, immobile, il ne cilla pas. Sa peau diaphane ne tremblait point, ses cheveux corbeaux tombaient sur son front sans qu'il ne les recoiffe. Il attendait. Mais qu'attendait-il ? Il lâcha de sa voix vide d'émotion : « Tu ne me crois pas. » Malgré sa prise de parole, le garçon blond ne se résigna pas à le regarder. Ses iris restèrent clouées sur ses clefs, volant puis retombant lourdement dans le creux de sa main. Il répondit : « Effectivement, je ne te crois pas.
— Pourquoi ne me crois-tu pas ?
— J'ai toutes mes raisons de ne pas te croire.
— Tu es trop rationnel. »
Newton cessa de jouer avec son instrument métallique et se tourna vers Thomas, s'outrant : « Rationnel ? Tu débarques dans ma vie et déclares être un fantôme qui erre dans ma nouvelle maison depuis plus de cinquante ans ! Sans compter qu'apparemment, je suis le seul de ma famille à pouvoir te voir et t'entendre ! Alors, tu m'excuseras, mais je pense que ma réaction est tout à fait compréhensible !
— Tu penses que je suis une hallucination.
— Exactement.
— Pourquoi ?
— C'est simple, je suis le seul à te voir.
— Ce n'est pas une explication.
— Tu sais quoi ? Tu me fais chier. Va hanter d'autres personnes.
— Je ne te hante pas. Je réside ici.
— Et pourquoi as-tu choisi de te montrer uniquement à moi ?
— Je t'apprécie, contrairement à tes sœurs ainsi qu'à tes parents. Tu es différent.
— Si tu le dis, Tommy. En attendant, je délire complètement et tu n'es pas un fantôme.
— Une âme errante.
— Une quoi ?
— Une âme errante. Je préfère ce terme. »
Newton leva les yeux au ciel, soupirant.
« Peu importe. Tu n'existes pas.
— Je ne suis pas vivant. Mais j'existe.
— Prouve-le.
— Je ne peux pas.
— Une preuve supplémentaire. Je devrais vraiment consulter, moi.
— Inutile, tu n'es pas fou.
— Ah oui ? Si ma mère entrait à l'instant même dans ma chambre, elle me verrait taper la causette avec le vide.
— Tant que tu crois en mon existence, c'est sans importance.
— Il est là le problème, Tommy. Je ne crois pas en ton existence. Tu es faux.
— Tu mens.
— Non, je mens pas non.
— Tu mens.
— Et en quoi saurais-tu mieux mes pensées que moi ?
— Ton comportement te trahit. Tu crois en mon existence mais le cache afin de t'assurer une sécurité rassurante.
— Dis-moi Tommy, t'étais pas en psycho, avant de te faire assassiner par ces tueurs à balles il y a exactement cinquante-six ans ?
— Ne plaisante pas avec ma mort. Je n'avais que dix-neuf ans. J'en rêve encore.