Monsieur Lee ajusta ses lunettes carrées, scrutant ses deux patients d'un air dubitatif. Installé sur une chaise, il leur faisait fièrement face, ces derniers se trouvant assis côte à côte sur un divan de velours. Un toussotement se fit entendre puis monsieur Lee tria un dossier. Froissant légèrement les feuilles, il les rangea correctement dans un tiroir qu'il referma avec une délicatesse agaçante. Pendant ce temps, le couple restait muet. Aucun ne daignait à regarder l'autre. Ils semblait s'ignorer, les bras croisés. Finalement, le psychanalyste battit lentement des cils et s'éclaircit la gorge.
« Pourquoi êtes-vous ici ?
— Pour une partie de pétanque, ça se voit pas ?
— Garde ton agressivité pour ton père, Thomas.
— Ah ? Parce que c'est plus "Tommy", maintenant ?
— Je vois... souffla Lee. Depuis combien de temps êtes-vous ensemble, messieurs ?
— Environ huit ans. répondit Thomas.
— Ça va en faire neuf, abruti. corrigea Newton.
— Déjà ? Comment ai-je fait pour tenir jusque là ?
— Très bien. Pourquoi avoir décidé de contacter un lieu de parole ?
— Personnellement, débuta Newton, j'essaye de sauver mon stupide mariage.
— "Stupide"? C'est toi, qui as demandé ma main !
— Donc tu regrettes d'avoir accepté, c'est ça ?
— J'allais pas rater la nuit de noces ! Au moins ça, ça valait le coup !
— Enfoiré...
— Monsieur Edison, avez-vous quelque chose à rajouter ?
— J'aimerais... retrouver l'harmonie qu'il y avait auparavant dans notre couple.
— Monsieur se la joue romantique ? Quelle nouveauté !
— Que reprochez-vous à votre époux, monsieur Isaac ?
— C'est simple : je fais toujours tout.
— Pouvez-vous développer ?
— Je m'occupe de la baraque pratiquement tout seul, pareil pour l'administration, la bouffe et tout ce qui va avec, et surtout, je l'aime pour nous deux.
— Pourquoi choisissez-vous ces mots ?
— Je les choisis car je suis le seul à témoigner de l'amour au sein de notre relation !
— Monsieur Edison, voyez-vous cette situation de la même façon ?
— Évidemment que non ! Aucun jour ne passe sans que je lui répète que je suis fou de lui !
— C'est ça, après qu'on ait fait l'amour, bien sûr. C'est clair que le reste, tu t'en fous royalement !
— Tu veux que je te le dise quand, au juste ? Et puis... on a rien fait depuis des mois !
— Justement !
— Qu'espérez-vous de ce travail, messieurs ?
— J'espère pouvoir retrouver l'homme que j'ai marié. soupira Newton.
— L'homme que vous avez marié ?
— C'est ça. Je le reconnais plus depuis des années !
— Hein ? J'ai absolument pas changé !
— Bien sûr que si ! Tu te laisses complètement aller !
— En quoi ?
— Tu sors avec tes potes et te bourres la gueule comme si t'avais encore vingt ans, tu te trémousse dans des boites de nuit alors que tu n'y as auparavant jamais mis les pieds ! Tu te laisses beaucoup influencer par tes "potes", aussi !