Le garçon froissa le papier entre ses doigts crispés et le cacha rageusement dans sa poche. Une de ses mains plaqua brusquement son casier, l'autre enfila son sac d'école sur son épaule. Son plus grand confident, Minho, observa la scène avec amusement.
« Thomas a encore frappé, je me trompe ? devina-t-il.
— C'est plutôt évident, non ?
— Oula, calme. Je suis pas Thomas, moi. Et puis sérieux, tu devrais être plus cool avec lui, Newt.
— Plus cool ? Il me force la main ! Je lui ai déjà dit des centaines de fois que je ne pouvais pas !
— N'empêche que t'en trouveras pas beaucoup, des gars qui t'écrivent des p'tits mots.
— C'est vrai qu'il est pas mal adorable...
— Et beau. Et intelligent. Et bienveillant. Et sportif. Et sexy.
— Minho...
— Quoi ? Visiblement, t'arrives pas à prendre en compte ses centaines de qualités !
— Bien sûr que si, j'adore Tommy... Je ne peux juste... pas.
— Alors pourquoi tu le mattes chaque aprèm à son entraînement de basket, hein ?
— Ça n'a rien à voir...
— Si, ça a à voir. En faisant ça, tu ne te rinces pas que l'œil, tu le fais aussi espérer ! Ce type est fou de toi !
— Ah bon ?
— Évidemment ! Il t'écrit des mots tous les jours avec une écriture super soignée, il t'apporte un croissant pratiquement chaque matin, il te fait des compliments trop chou, il te passe toujours son pull quand t'as fr... Attends, t'étais sarcastique ?
— À ton avis ?
— Eh ! T'aurais pu me le dire ! Et déjà, fais voir notre mot du jour ! »
Sans recevoir la moindre autorisation, il glissa ses doigts dans la poche de manteau de son ami et agrippa le morceau de papier froissé. Lorsqu'il l'extirpa de sa cachette, il le lut à voix haute : « Jour soixante-dix : La patience est presque l'amour. Effectivement, il est patient.
— Et lourd.
— Newt ! Fais pas ton bg !
— Je ne fais pas mon bg !
— Si, la preuve ! Tu l'ignores !
— Je ne l'ignore pas, je me protège ! Si mes parents apprennent que je sors avec un homme, je suis fichu !
— C'est pas une raison pour ne pas lui répondre ! Tu pourrais au moins lui dire d'arrêter parce que ça sert à rien ! Oh... Oh mais... Oh, Oh... D'accord, j'ai compris...
— Quoi ? Qu'est-ce que tu sous-entends, là ?
— Tu lui dis rien parce que t'as pas envie que ça s'arrête ! Tu les veux encore, tes p'tits mots ! Et tu sais pourquoi tu les veux encore ? Parce que t'es fou de lui aussi !
— N'importe quoi...
— C'est ça, t'es aussi rouge que le pif de mon oncle alcoolo ! T'es amoureuux !
— Et qu'est-ce que ça change, au juste ?
— Oh my God ! Il l'a avoué ! Il l'a dit ! Il l'a dit et il est toujours en vie !
— J'avais jamais prétendu le contraire...
— C'est ça ! Tu m'assures depuis le début que ce gars te tape sur les nerfs, mais tu gardes ses mots dans une boîte !
— Comment tu le sais ?!
— Laisse-moi deviner, c'est la boîte en velours noir sous ton lit ?
— T'es un devin, je vois pas d'autres explications.
— Surtout que tu caches cette boîte comme un con !
— Alors en prime tu fouilles dans mes affaires ?
— Eh, on parle de toi là, jeune homme ! Ne change pas de sujet. N'empêche que t'es amoureux de Thomas !
— Oui, je suis amoureux de lui. T'es content ?
— Oh que oui ! On ne peut plus satisfait !
— T'es au courant que je lui ai déjà dit ? C'est pour ça, qu'il persiste. Tout comme je lui ai aussi déjà dit que je ne pouvais pas !
— Tes parents ne sauront rien ! Ils savent même pas que tu te tapes un gars alors que ça fait un bail que tu le ramènes en secret chez toi ! Relax !
— Comment tu sais que...
— Les cols remontés, les boitements douteux, les clins d'œil de Thomas, tes rougeurs quand tu le vois, les heures de remis que tu m'as foutu jusqu'ici à moi, ton seul pote, ta bonne humeur parfois un peu trop soudaine... J'suis pas une chèvre !
— Deviens inspecteur, j'ai pas d'autres réponses.
— Les flatteries ne mâcheront pas, très cher !
— Tu ne lâcheras pas le morceau ?
— Aucunement, tu peux me croire !
— Et tu vas essayer de me coacher ?
— Affirmatif !
— Bien sûr, ce ne serait pas drôle, sinon... Et qu'est-ce tu me conseilles de faire ?
— Ce que je te conseille de faire, c'est de bouger ton p'tit cul que Thomas ne connaît que trop bien, le déplacer jusqu'à lui et tout lui dire pour la énième fois !
— Mais... pourquoi ?
— Pour que vous puissiez vous aimer, idiot !
— Et s'il dit non ?
— Il ne te dira jamais non ! Il est aussi fou de toi que toi de lui !
— J'ose pas...
— Voilà qu'il fait son timide...
— Vraiment ! Je veux dire... et si avoir attendu aussi longtemps l'avait lassé ?
— Tu viens tout juste de retrouver un nouveau mot dans ton casier, tu te fous de la gueule de qui ?
— J'ai mes chances, tu penses ?
— T'as la bénédiction de l'Amour ! Vas-y même les yeux fermés, tu verras, ça changera rien !
— Mais... quand est-ce que je devrais le lui dire ?
— Bah ! Maintenant ! Allez, allez !
— Ok ! Merci, Min ! Merci ! Je te revaudrai ça !
— C'est ça, cours Forest ! »
Son ami leva un pouce en l'air et s'enfuit dans les couloirs, bousculant certains lycéens dans un murmure désolé. Minho scruta la silhouette de Newton disparaître avec un sourire au coin des lèvres. Secouant la tête d'un air moqueur, sa poitrine se gonfla dans un soupir alors qu'il rêvassait : « Ah, les ados... »