Les garçons se débattaient et riaient aux éclats. Le bras tendu, perché au-dessus du corps de son meilleur ami, Newton tentait vainement de récupérer son portable. Thomas, qui profitait de ses centimètres en plus, se moquait du plus petit d'un sourire attendri.
« Tommy ! Rends-le moi ! Sérieusement ! s'esclaffa-t-il.
— Quoi ? Tu caches des choses ? Monsieur Isaac aurait-il une petite amie ?
— Arrête ! rougit-il.
— Est-ce des aveux ?
— Tommy ! S'il te plaît !
— Viens le chercher ! »
Il se jeta sur son matelas, suivit par son ami qui s'étouffait dans ses rires. Leur précipitation les fit dégringoler jusqu'à la bordure du lit ; ils s'écrasèrent au sol dans un cri commun. L'un au-dessus de l'autre, ils s'observèrent un moment, les joues empourprées par l'embarras et un sourire sincère pendu aux lèvres.
« Tu es un imbécile, Thomas Edison. souffla-t-il. »
Des étincelles électriques jaillirent dans l'expression de leurs yeux, ces étincelles éblouissantes qui trouaient la noirceur de l'iris et faisaient palpiter les cœurs. Newton détacha subitement : « Je suis gay. » Sa déclaration eut l'effet d'une bombe. Peu chamboulé par les paroles crues de son ami, Thomas n'était qu'envoûté par le regard d'ébène, doux mais perçant, devenu nécessaire à son existence, que le garçon lançait sur lui. Ce regard avide, mêlé de timidité et de tendresse, qui brûlait les entrailles et rougissait les joues.
« Je me pense hétéro, mais... quand je te regarde... je me dis... que je ne le suis peut-être pas... pas autant... Je suis peut-être gay pour toi, qui sait ?... »
Leurs songes se déroulèrent dans un silence prudent. Thomas balbutia gauchement des mots qu'il dut répéter pour se faire entendre.
« Pour... Pourquoi on parle de notre sexualité, au juste ? questionna-t-il, avec cet étonnement qui nous submerge lorsque l'on se réveille d'un drôle de rêve.
— Je disais... Je disais simplement que j'étais gay.
— Pourquoi ?
— Tu parlais... d'une potentielle... petite amie. Je suis gay. reformula-t-il.
— Gay... Gay, genre... gay, gay, gay ? s'assura-t-il. »
La tête de Newton s'hocha avec une gravité pudique.
« Et toi ? reprit-il. Pourquoi m'as-tu parlé de la tienne ?
— Je croyais que l'on s'avouait nos sentiments. bredouilla-t-il. Enfin... il y a... ces signes... ces signes révélateurs... entre nous... je pensais... qu'on pourrait peut-être... enfin... marmonna-t-il.
— Tu es en train de me proposer de sortir avec toi ? coupa le blond d'un ton rendu plus ferme par la soif de réponses.
— Oui... Oui, oui... enchaîna-t-il, les yeux fuyants. Tu m'intéresses... beaucoup... vraiment, beaucoup.
— Toi aussi, Tommy, toi aussi, mais... objecta-t-il, murmurant. Es-tu certain de m'aimer ? Enfin... tu es déjà sorti avec des femmes. Uniquement des femmes. Je ne t'ai jamais encore entendu désirer un homme...!
— J'ai l'impression que... tu es l'exception. Je pense toujours à toi, j'ai tellement envie de t'embrasser... Je crois bien que je suis amoureux... amoureux de toi. »
La porte s'ouvrit à la volée et les garçons se séparèrent.
« Les enfants, le dîner est prêt ! »
Ils répondirent à la mère de Thomas avec un embarras visible.