Ça y est. Elle venait de glisser de ces lèvres, cette question. Cette question que les deux pères redoutaient tant mais se devaient affronter. Cette question que leur garçon de six ans devait forcément poser un jour. Les adultes frémissaient. Ils s'y étaient préparés, pourtant, à cette question. Certainement n'avaient-ils pas pris en compte le regard jugeur et honteux de l'enfant, ni sa petite voix blessée par les outrages de ses camarades de classe. Thomas aurait tout donné pour effacer cette ombre sur le visage incliné de son fils qui demandait encore et encore : « Elle est où, ma maman ? Pourquoi je n'en n'ai pas ? » Les parents échangeaient un regard inquiet. Newton prit une voix douce : « Pourquoi te poses-tu cette question, mon ange ?
— Gally. Il dit que tout le monde a une maman. Il dit que ce n'est pas normal de n'avoir que des papas. »
L'homme blond réfléchit un instant.
« Eh bien... Gally a tort et tout en ayant raison. Oui, tout le monde a une maman. Mais non, tout le monde n'a pas qu'une maman et qu'un papa.
— Elle est où, alors, ma maman ?
— Elle... Elle est... »
Voyant l'embarras de son époux, Thomas reprit : « Elle n'est pas en Angleterre, mon cœur.
— Elle est où, alors ?
— Elle vit en Amérique ; elle est californienne. C'est beau, la Californie. Il y a de belles températures, de belles plages... Tu tiens aussi de cet endroit.
— À quoi ressemble-t-elle ?
— Eh bien... elle est plutôt grande, elle est blonde et ses yeux sont bleus, comme les tiens. Elle est très belle.
— Pourquoi n'est-elle pas avec moi, si c'est ma maman ?
— Car elle t'a eu très jeune et qu'elle ne se sentait pas capable d'avoir un enfant aussi tôt. Alors, elle a préféré te faire adopter par des personnes prêtes à être parents, pour que tu aies une vie meilleure.
— Et vous m'avez adopté. répéta-t-il. Ça veut dire que vous n'êtes pas mes vrais parents ?
— Biologiquement, non. Mais les liens du sang n'ont aucune importance. Une famille, c'est avant tout de l'amour, peu importe si nous sommes tous biologiquement reliés ou non.
— Pourquoi je n'ai pas été adopté par un papa et une maman ? »
Les adultes partagèrent un regard blessé. Newton bredouilla : « Parce... Parce que... Tommy et moi voulions adopter un enfant.
— Pourquoi vous n'en n'avez pas fait un vous-même ? »
La situation ne pouvait pas s'empirer. Les joues du blond rougirent un peu.
« Pa... Parce que, um... pour faire un enfant, il faut un papa et une maman. Deux papas ne peuvent pas en faire.
— Alors pourquoi vous êtes ensemble ? »
Les sourcils de Thomas se haussèrent face à cette franchise d'esprit.
« Parce que nous sommes amoureux. sourit doucement Newton.
— Mais vous êtes tous les deux des garçons, pas une fille et un garçon. Alors Gally a raison. Ce n'est pas normal.
— Gally ne le sait peut-être pas, darling.
— Il ne sait pas quoi ?
— Que deux garçons comme deux filles peuvent tomber amoureux.
— Pourquoi ?
— C'est compliqué... Tout ce qu'il faut retenir, c'est que ce n'est pas grave ni anormal. C'est la diversité de l'amour, tout simplement.
— Tu n'as jamais été amoureux d'une fille ?
— Non. J'ai toujours été amoureux de garçons. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Comme ton père, par exemple.
— Effectivement... intervint Thomas. J'ai déjà été amoureux de plusieurs filles. Le seul garçon dont je suis tombé amoureux dans ma vie, c'est Newt. Et je n'ai jamais été aussi amoureux de quelqu'un. »
Ils s'embrassèrent dans un sourire. Gaeten conclut : « Je devrais lui expliquer.
— À qui donc ?
— À Gally. Je devrais lui expliquer, que l'amour est divers. Comme ça, il comprendra et il le saura.
— C'est une sage idée, mon ange. Nous sommes très, très fiers de toi. »
L'enfant sourit, satisfait, et s'enfuit jouer dans sa chambre.
