Newton claqua son casier, lançant un regard furieux au garçon l'observant innocemment. Il s'enfuit dans le couloir du lycée en roulant des yeux, ignorant derrière lui les bégaiements de son ami, qui força enfin son attention en attrapant son épaule.
« Newt, qu'est-ce qu'il ne va pas ? balbutia-t-il, et Newton rougit de colère.
- Ce qui ne va pas ? dit-il. Tu te fous de moi ?
— Comment ça ?
— Tout est normal, selon toi ?
— Ça ne l'est pas ?
— Tommy. Tu me fatigues.
— Quoi ? Qu'ai-je fait ?
— Ce que tu as fait ?! Tu t'adresses à moi comme si j'étais ton ami ! Voilà, ce que tu fais ! Si tu n'assumes pas notre relation, autant l'arrêter !
— Hein ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— À ton avis ? Tu ne me prends jamais la main en public, tu ne m'embrasses jamais, tu évites toujours d'être trop tactile avec moi et tu me présentes comme un simple pote à tes amis ! La liste est longue !
— Ah... je vois...
— Ça me gave, Tommy ! Je refuse de jouer ce rôle plus longtemps !
— Newt, tu sais très bien --
— Ta réputation serait en danger, je sais !
— Alors pourquoi ne me comprends-tu pas ?
— Je ne veux pas être une honte pour toi, ni un fardeau !
— Comment peux-tu dire ça ? Je t'aime tellement !
— Dans ce cas, assume !
— Je l'assume pleinement ! Je t'ai déjà présenté à mes parents !
— Tes autres fréquentations, c'est une toute autre chose ! C'est comme si je n'existais pas à tes yeux !
— Je ne vais pas t'annoncer sans raison !
— Gally t'a demandé si on sortait ensemble, la dernière fois. Devine ta réponse ?
— Avec lui, c'est entièrement différent...
— En quoi, au juste ?
— C'est le plus populaire du lycée !
— Et ?
— Et j'ai peur ! J'ai peur qu'il le répète à toute sa bande et que l'on me pointe du doigt ! J'ai peur d'être jugé parce que tu n'es pas une fille !
— J'en étais informé, merci.
— Newton, chéri... C'est loin d'être contre toi...
— Ah ?
— Tu es ma plus grande fierté, Newt ! Tu imagines que je ne suis pas fier d'avoir gagné le cœur d'un homme comme toi ? J'ai simplement peur d'assumer ce que je suis ! Tu peux l'entendre, n'est-ce pas ?
— Pourquoi donc, Tommy ? La sœur de Gally est lesbienne, et toute sa bande n'en n'a strictement rien à faire. Aucun de tes amis ne s'est déjà opposé aux gens comme nous !
— Parce qu'ils ne connaissent personne comme nous ! S'il venait à l'apprendre, le Thomas populaire perdrait toutes ses images !
— Tu choisis ta popularité à moi... rassurant.
— Ce n'est pas ce que j'ai dit...
— Tu l'as sous-entendu. Et je le comprends. Mieux vaut être connu et jalousé de tous qu'être gay.
— Newt... Tu m'as mal compris ! Je n'ai pas honte de toi, ni même de ma sexualité, au contraire ! C'est ce que je suis, je t'aime et je m'aime, je ne regrette rien du tout !
— Mais ?
— Mais j'ai peur du regard que l'on pourrait poser sur moi...
— Tommy... Je sers aussi à t'aider à ce sujet. Tout ça est notre combat. Sais-tu le nombre de remarques méprisantes que je me suis prises depuis mes six ans ? Je me suis toujours battu contre ces discriminations, tu n'es pas seul ! Ce n'est pas facile non plus de mon côté, d'accepter cette différence auprès des autres.
— Alors pourquoi veux-tu que l'on se montre ?
— Parce que je t'aime et que je n'ai pas envie d'attendre que tu me fasses secrètement l'amour pour te le dire !
— Parle moins fort... »
Newton roula des yeux, et Thomas reprit avec souci : « Écoute... je t'aime comme un fou, je sais que tu le sais. Mais il me faut du temps.
— Tu me répètes ça depuis presque deux ans...
— Je sais, je sais... Commençons tout doucement ! pas par s'embrasser devant tout le monde.
— J'aimerais simplement que tu arrêtes de te comporter comme un bon vieil ami avec moi... Ce n'est pas toi, ni nous.
— Je m'en doute bien, Newt... Je vais essayer, d'accord ? Je vais prendre mon courage à deux mains, et... assumer.
— Tu serais prêt à le faire maintenant ?
— Je vois bien que ça te blesse... évidemment. Mais doucement, s'il te plaît. Je ne savais pas que j'aimais les hommes avant de te rencontrer. Il me faut du temps.
— Je comprends tes inquiétudes, mon Tommy... Je t'aime simplement trop pour le cacher chaque jour.
— Je t'aime aussi, Newt... Je vais faire le plus d'efforts possible, je te le promets.
— Je te remercie de vouloir essayer, Tommy... soupira-t-il. C'est quelque chose qui me démangeait depuis...
— Presque deux ans, je le sais... sourit-il tendrement. Les choses vont changer, dans ce cas. Et le plus rapidement possible.
— Merci, Tommy. Tu es incroyable. »
Si le couloir n'était pas aussi populeux, Thomas l'aurait immédiatement embrassé. Il aiguisa plutôt son sourire, se délectant des rougeurs naissantes sur les joues de son amant : « Allez, donne-moi ta main. » Newton s'exécuta avec plaisir. Des regards indiscrets se posèrent sur eux, et Thomas se crispa aussitôt en grinçant des dents. Il se sentait vulnérable, c'était nouveau et effrayant, quoiqu'agréable. Enfin ils se sourirent, allant dans les couloirs du lycée avec les mains enlacées.