La rosée du matin faisait frémir Thomas, qui regrettait la chaleur réconfortante de son bus et pressait son pas jusqu'à son établissement. Les couloirs n'accueillaient pas encore grand monde, il était pratiquement seul. Alors qu'il chargeait son casier de livres scolaires, une main agrippa son épaule. Son cœur lâcha aussitôt, une voix lui murmurant : « Newton » au creux de l'oreille. Mais il ne croisa pas les iris perçantes et dédaigneuses de son aîné. Non, il s'agissait de deux billes ambrées, celles qui transformaient les regards sévères et tendus en sourires et soulageaient l'esprit. Il souffla : « Ah c'est toi, Chuck... Tu m'as foutu une de ces trouilles !
— Oh, excuse-moi ! Ce n'était pas intentionnel ! fit-il. Tu m'as l'air préoccupé. Quelque chose ne va pas ?
— Comment dire... C'est que... »
Thomas se répéta mentalement : « Si jamais j'apprends que t'as cafter le moindre truc, t'es mort, Edison. » Il répondit au hasard : « Le coup que Newton m'a filé me rend un peu honteux...
— Aïe, c'est compréhensible... Ta blessure va mieux, d'ailleurs ? Je t'ai vu sortir de l'infirmerie hier, mais je n'ai pas osé te déranger.
— Ouais, ça... ça va, je te remercie. Même si ça me fait encore mal.
— Qu'est-ce qui te fait le plus mal ?
— Entre quoi et quoi ?
— Entre ta mâchoire et ton cœur, Thomas.
— Wow, c'est profond...
— Reste concentré, je veux t'aider.
— Eh bah... Ma mâchoire me brûle et mon cœur saigne. Je me suis fait recaler par un mec que j'admire depuis la quatrième et qui m'a uniquement remarqué hier pour me foutre son poing dans la gueule. C'est dur.
— Tu as le droit d'être en colère, Thomas. L'amour, ça peut faire très mal. Mais ça peut être très bien aussi ! Si ce n'est pas Newton, ce sera un autre. Et un garçon bien plus aimable, droit, stable et poli que lui, certainement !
— Newt n'est pas un connard, Chucky... Il est juste... coincé.
— Coincé ? Tout le lycée est à ses pieds !
— Ce n'est pas une raison... Il est perdu et lui aussi, doit avoir mal, comme tu dis. Il le cache très bien, c'est tout.
— Tu as réussi à analyser tout ça avec un seul coup de poing ?
— J'observe, rien de plus...
— Mmh mmh... »
Une sonnerie stridente annonça le commencement des classes. Les deux amis échangèrent un regard et se rendirent tous deux à leur premier cours de la matinée.
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Newton ne s'était pas montré de la journée. Affreusement inquiet de son état, Thomas le chercha minutieusement une fois dix-sept heures passées. Il faisait sombre et glacial, une nuit sans lune, une nuit silencieuse. Thomas questionna les élèves encore présents, mais aucun ne sut lui répondre. Une dizaines de minutes plus tard, le lycéen entrait dans les toilettes recluses du campus. Il y trouva Newton par miracle, allongé sur le carrelage frais, une bouteille d'alcool partiellement vide serrée dans la main.
« Newton ? Qu'est-ce que tu fais là ? »
Dans la gorge du blond résonna un rire grave et cynique. Thomas l'approcha prudemment et examina le verre, surpris : « Pourquoi as-tu bu tout ça ? Et comment as-tu fait pour en avoir ? Tu es mineur !
— C'est pas ton business, Edison. Sois sympa et casse toi, tu veux ?
— Quoi ? Mais... je ne peux pas te laisser tout seul ici, il fait nuit et le lycée va fermer !