Je ne vous hais point

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« Jojen Reed ? Qui est-ce, ce baladin ? »

Le chef de la tribu, Janson d'Ortens, toisait son fils en poussant quelques brefs soupirs.

« Il est la fierté de notre armée, son sens de l'orientation est divin. contesta-t-il. A l'inverse des autres Holdors, il ne craint ni le froid des montagnes, ni leur solitude. Il s'y aventure seul, même en plein hiver, des mois entiers. Toi, en revanche, tu ne sais rien encore de tout cela ; tu es inexpérimenté. Il serait dangereux de te laisser vagabonder jusqu'au village voisin, à plus de deux cents quarante kilomètres à pied, sans ressource, ni aide. Je ne prendrai pas ce risque inconscient.

— Quelle incommensurable confiance, père.

— Thomas...

— Je n'ai pas besoin d'un gardien pour signer de vulgaires papiers.

— Ces papiers ne sont pas de vulgaires. rétorqua-t-il. Ils décideront du sort du quart de nos terres.

— Pourquoi ne les signes-tu pas toi-même ?

— Thomas, tu le sais... Je dois assister à cette réunion, dans le nord de notre patrie. Je ne peux me défiler, cela a trop d'importance. En tant qu'héritier du trône, il est dans ton devoir de me seconder. Cela favorisa ton image auprès du peuple d'Arènes.

— Un hériter qui se fait accompagné par un baladin ? intimidant, je dirai glorifiant.

— Jojen est loin de tes préjugés. Bien que jeune, il fait preuve d'une témérité rare.

— Quel âge a-t-il, ce benjamin qui t'es si cher ?

— Tout juste dix-sept ans.

— Mon âge ? Est-ce une plaisanterie ?

— Il est au-dessus de son âge, cesse donc tes lamentations. Ce jeune homme te séduira.

— Ce n'est pas parce que j'aime les hommes que tous les hommes d'Hermélas me plaisent.

— Jojen n'est pas comme tous les hommes d'Hermélas. Il est un homme à part.

— Un homme à part, tiens donc.

— Sincèrement. Il est hors du commun.

— Et moi, suis-je du commun des mortels ?

— Thomas, tous deux possédez des traits semblables. J'en suis convaincu.

— A l'exception qu'il a battu seul l'ennemi avec une épée et que je ne sais tenir correctement une arme.

— Il n'est pas question de pratique, mais d'originalité. Tout comme toi, Jojen ne pense pas comme les autres, mais comme lui-même. Il crée sa propre doctrine, ses propres règles, qu'il applique avec une intelligence et un respect remarquables. Voilà ce qui fait de lui un être honorable et surprenant. De surcroît il rougit dès que je lui mentionne ton nom !

— Tu n'as qu'à lui succéder le trône. A ses côtés, j'ai la valeur d'un forgeron.

— Ne sois pas offensé ! Ta valeur est infinie à mes yeux et tu le sais !

— Ah, c'est aimable. Merci.

— Tu es mon enfant, écervelé !

— On croirait que tu rêves de le mettre aux commandes.

— Thomas, tu hériteras assurément du trône, ne te fais aucun souci au sujet de Jojen ! Il sera de toute façon roi, et ce peu importe mes états d'âme.

— Ah ?

— Lorsque tu le prendras pour époux, il gouvernera avec toi. Il sera roi.

— Lorsque j... ? rougit-il. Qu'organises-tu ? Un mariage arrangé ?

OS Newtmas & DylmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant