Thomas, s'étant hissant dans sa voiture, se précipitait de conduire jusqu'à l'appartement de Newton. Voilà dix ans que tous deux partageaient une amitié fidèle et solidaire qui remuait son inquiétude, quoiqu'elle ne fut encore plus envenimée par l'amour passionnel qu'il s'était mis à éprouver à son égard. Aucun soir ne le privait de son image, de sa voix et de ses conversations ; malgré ses vingt-huit ans, Thomas ne désirait plus que lui. Mais voici que Newton lui avait fait parvenir une urgence par message : « J'ai besoin de toi, Tommy. Viens vite, s'il te plaît. » Il sauta les étages de l'immeuble, ouvrit la porte d'entrée dont il possédait les clefs et se rua à sa chambre sans même prendre la peine de se déchausser. Newton y était, déchu sur son lit, sur les vagues d'une mer de mouchoirs usés, sanglotant douloureusement. Thomas se jeta à ses pieds, attrapant ses mains dans les siennes comme une mère l'aurait fait avec son enfant : « Newt, chéri, tu vas bien ? Qu'y a-t-il ?
— Tommy... »
Il le prit d'une étreinte forte, son ami disant contre son cou : « Il m'a quitté...
— Steve ? s'étonna-t-il. Pourquoi donc ?
— Il pense que notre amour s'est perdu...
— Newt... Je suis tellement désolé... Je sais que vous vous connaissiez depuis longtemps.
— Nous sortons ensemble depuis la cinquième... Je... Je ne comprends pas ce qu'il lui prend...
— Et... il ne t'a rien dit d'autre ?
— Il m'a dit que j'étais égocentrique, que j'avais tout empiré...
— Balivernes ! tu as toujours été là pour lui, dans n'importe quelle situation !
— Il faut croire que je ne le satisfaisais pas ; il m'a apparemment trompé...
— Q... Quoi ? Avec qui ?
— Un collègue... Merde, Tommy... suis-je aussi pathétique ?
— Je t'interdis de penser une telle chose !
— Tommy, je n'arrive jamais à rien... Je me serais tout autant lassé que lui...
— Arrête donc ! Tu es la plus belle des personnes que j'ai rencontrées ! tu es brillant, doux, aimable, beau...! tu as tout ! Ce n'est pas un connard qui doit t'en faire douter !
— Steve n'est pas un...
— Newt, qui voudrait te perdre ? Mais au fond, je suis heureux qu'il soit parti. Tu mérites tellement plus juste, tellement plus sincère et dévoué... Je me suis toujours demander comme un type comme lui avait pu charmer quelqu'un comme toi.
— Tu n'es pas obligé de me mentir, Tommy...
— Newton, arrête, je t'en prie ! Tu sais bien que je ne mens jamais, encore moins à toi ! Regarde-toi ; tu es parfait !
— T-Tommy...
— Newton... Je te jure que tu trouveras mieux que lui.
— Tu sais, j'ai tout fait, avec lui... mon premier baiser, mes premiers rendez-vous galants, mes premiers mots doux, ma... ma première fois... Comment pourrais-je même me croire capable de l'oublier ?
— Il n'est pas question de l'oublier... plutôt de tourner la page.
— Si seulement c'était aussi simple...
— Tu ne perds rien, Newt. C'est lui qui a tout perdu.
— Si je suis si bien, pourquoi m'a-t-il largué ?
— Certains ont été élevé pour devenir des idiots.
— Steve est intéressant, beau, et tendre...
— Nous ne le voyons pas de la même manière... Newt, mon chéri, fais-moi confiance. Tu y arriveras, je serai là pour toi si tu en ressens le besoin.
— Pourquoi n'étais-tu pas lui, Tommy ? tu es compréhensif, attentionné et attachant... Tu es tout ce que j'ai toujours aimé et voulu avoir... J'aurais su être véritablement heureux avec toi, je n'aurais pas été humilié de la sorte... Seulement tu trouveras quelqu'un que je ne vaudrai jamais, vous vous aimerez à en crever, pendant que je retomberai dans la manipulation d'un autre...
— Newton...
— Pourquoi n'es-tu pas entré dans ma vie plus tôt ? Où étais-tu, durant toutes ces années ?
— Peu importe, chéri. Je suis là, maintenant.
— "Chéri"... Tu arrives à me montrer plus d'affection en un mot que lui en millions...
— Parce que... Parce que je t'aime, Newt... Tu disais que je trouverai quelqu'un à aimer à en crever, mais... c'est déjà le cas. Je t'aime à en crever. Je ressens ça depuis... si longtemps. J'ai tant d'admiration pour toi, tant d'amour que je veux t'offrir... Tu me fascines comme au premier jour. Personne ne te vaudra à mes yeux, encore moins un adulte s'appelant Steve.
— Te mérite-je ?
— Tu es un idiot. rit-il doucement. Je ne suis rien, à côté de toi. Tu es rare, tandis que je suis... simplement moi.
— Je t'aime...
— Co... Comment...?
— Je t'aurais tant aimé, jusqu'ici. Pourquoi a-t-il fallu que je ne m'en rende compte qu'à présent ? Pourquoi n'es-tu pas Steve ?
— Je... Je suis...
— Ne te fatigue pas, je sais que tu ne me considères que comme un ami...
— J'ai rassemblé le peu de courage que j'ai en moi pour te déclarer ma flamme, et voilà que tu ne l'as même pas compris...
— Tu... Tu es... amoureux... de moi ?
— Cela fait quatre ans... Tu étais avec Steve, vous sembliez heureux... je n'ai jamais osé t'en parler.
— Tu m'honores, Tommy...
— Que vas-tu donc raconter...
— Thomas, tout le monde te voulait, au lycée. Tu passionnais tout le monde, tout le monde se retournait dès que tu entrais dans une pièce, moi le premier. C'est toujours le cas. Tu es l'horrible cliché de l'homme parfait, j'en venais à te haïr pour être aussi beau, aussi juste, aussi patient... Je n'aurais jamais pensé t'intéresser...
— Je ne pensais qu'à toi, à cette époque. Encore aujourd'hui.
— Pourquoi fallait-il que je sois avec Steve ?
— Peu importe... Tu ne l'es plus, à présent. Nous le pouvons.
— Nous le pouvons-nous ?
— Je suis toujours aussi amoureux de toi... Nous le pouvons si tu le veux.
— Je le veux. Mais le veux-tu réellement ? Accepterais-tu de me laisser t'aimer ?
— Et toi, es-tu prêt à te lancer dans une nouvelle relation aussi tôt ?
— Rien n'est nouveau à mes yeux... Nous nous connaissons depuis si longtemps, et je ressens cela depuis ce qui me paraît être des siècles... Ce serait simplement... le partager avec toi.
— Je n'attends que ça.
— Tommy, ce serait à mes yeux si beau...
— Qu'attendons-nous, dans ce cas ?
— Rien. Rien du tout. »
Les lèvres de Newton s'écrasèrent doucement sur les siennes.