Chapitre 1

145 15 8
                                    

Ma sœur me regardait, des étoiles dans les yeux.
Elle m'admirait avec son visage doux et innocent, ses yeux marrons reflétaient son admiration. Ses cheveux noirs qui lui arrivaient au milieu du dos lui donnaient un air encore plus docile qu'elle ne l'était déjà.
Je trouvais ma petite soeur magnifique. Du haut de ses dix ans, on pouvait déjà voir qu'elle deviendrait une belle jeune femme.

-Ume, regarde devant toi. Coupa ma mère qui s'occupait de mes cheveux.

Je n'avais pas le choix que de l'écouter.
C'était ma mère, et moi je n'étais que l'enfant.
Je devais obéir, un point c'est tout.
Celle-ci était en train de rassembler ma chevelure noire dans un chignon qui tenait avec deux baguettes dorées. Ma mère avait un air rassurant même si ses traits étaient durcis par la fatigue. C'était le contraire de mon père qui avait un visage froid et dur, faisant transparaître sa vraie personnalité.
Nos kimonos délavés témoignaient de notre pauvreté, pourtant mes parents avaient dépensé une fortune dans le mien.
Était-ce parce que je me mariais ?
Cela importait peu.
L'enfant obéissait aux parents, il ne remettait pas en cause leurs décisions.

-Mère, est-ce qu'Ume reviendra vite vivre avec nous ? Questionna Yuna, ma cadette.

Notre génitrice haussa les épaules. J'eus le temps de voir son regard se durcir, me rappellant le poids de mes responsabilités.

-Tout dépend de sa capacité à accomplir son devoir. Mais je crois que nous l'avons assez entraîné, n'est-ce pas, Ume ?

J'hochai la tête.
Toutes ces années n'avaient pas servies à rien.
Maintenant, je pouvais parfaitement manier un sabre comme l'avaient fait mes arrières grands-parents, qui eux avaient été des samouraïs.
Mon père était leur petit-fils mais cela faisait un long moment que les samouraïs avaient disparu, alors nous devions cacher notre vraie nature.

-Oui, mère. Répondis-je.

Yuna s'approcha, ne faisant aucun bruit à chaque pas.
Elle aussi était entraînée.
Elle s'asseya à côté de moi et posa ses mains sur les miennes.

-Moi aussi, j'aimerais faire pareil ! Avoua-t-elle, pleine d'admiration.

J'avais l'impression qu'elle ne se rendait pas compte de la responsabilité que l'on m'avait donné.
Du poids que je portais.
Je posai ma main sur sa tête en lui souriant d'une manière rassurante.

-Tu auras un bien meilleur avenir, je n'en doute pas.

Ma mère se releva après avoir fini ma coiffure, alors je me levai à mon tour pour me regarder dans le miroir.
Mes cheveux étaient parfaitement coiffés dans un chignon. Mon shiromuku* blanc et rouge était en accord avec le rouge à lèvres que je portais.
Je vis dans le reflet de la vitre mon père faire coulisser la porte.
Je me tournai vers lui et me mis à genoux, ma tête gracieusement baissée vers le sol.
Je vis du coin de l'œil ma sœur et ma mère faire de même, j'étais celle la plus en avant.
Ma famille était comme une hiérarchie.
Il y avait d'abord mon père, le fondateur des Shinobozu, qui avait épousé Akinori dans l'unique but d'enfanter.
Ensuite il y avait moi, leur première fille et enfin, il y avait Yuna.
Nous étions toutes sous les ordres de mon paternel. Il nous avait toutes initié à devenir des samouraïs, malgré que l'on soit des femmes.
Celui-ci s'avança vers moi.

-Es-tu prête ? Questionna-t-il.

-Oui, père. Répondis-je calmement.

-Rappelle-moi ton devoir.

-Nous devons ramener les samouraïs au pouvoir. Pour cela, je vais me marier avec le garde le plus proche de l'empereur pour l'assassiner, lui et sa famille, afin de diminuer sa garde et nous permettre d'effectuer un coup d'état.

En réalité, tout cela tenait d'un coup de chance.
Ma famille et moi étions pauvres, nous vivions au milieu des champs de notre ferme et nous ne connaissions personne du gouvernement.
Alors comment avait-on pu avoir connaissance de mon existence ?
Peu importe, le vœu de mes parents était clair, tout autant que ma mission.
Mon père releva ma tête d'un mouvement brusque mais je ne fis rien paraître.
Il était supérieur à moi, je ne pouvais pas me défendre.
Je vis son regard froid, son visage dur qui me réprimandait à chaque seconde.

-L'avenir de notre famille va reposer sur toi dès que tu vas être déclarée femme de cet homme, rappela-t-il, si tu en viens à échouer pour une quelconque raison, je te renierai et te dénigrerai sans aucun regret. As-tu bien compris, Ume ?

-Oui, père.

-Je n'ai rien entendu, parle plus fort.

-Oui, père ! M'exclamai-je.

Il me regarda dans les yeux durant de longues secondes.
Je ne devais pas le prendre à la légère, ses menaces étaient sincères.
De toute façon, je n'allai pas le décevoir.
J'allai achever mon devoir.
Il finit par lâcher mon visage et je redirigeai immédiatement mon regard vers le sol.

-Ton futur mari nous a envoyé une calèche pour se rendre au sanctuaire, allons-y. Informa l'homme.

-Oui, père.

Je me relevai, de même pour ma mère et ma sœur.
Mon père quitta la pièce en premier, moi sur ses talons.
Je ne connaissais pas mon futur mari.
J'imaginai qu'il était fortuné et assez vieux, il était le garde de l'empereur, après-tout.
Et moi, je n'avais que seize ans.
Sauf que je ne me préoccupais pas de ces détails.
Peu importe son âge, son physique, son caractère, je le tuerai.
Afin de ramener les samouraïs au pouvoir, afin d'avoir la fierté de mon père, j'accomplirai, même si le prix à payer était de ma vie, j'accomplirai mon devoir.
J'assassinerai mon mari.
















*Le shiromuku est la tenue traditionnelle pour la mariée. Elle est constituée d'un kakeshista (kimono de mariage) et d'un uchikake (un sur-kimono)

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant