La nuit où je te tuerai

Chapitre 55

La soirée avait très mal débuté, mais je n'avais d'autres choix que de la continuer.
Depuis l'insinuation qu'avait faite l'empereur, je me sentais bien moins à l'aise qu'auparavant, déjà que ce n'était pas fameux.
Je ne voulais pas croire à la possibilité qu'en réalité, Ryuu soit indifférent quant à cette séparation.
Au plus grand malheur de mon père et de ma mère, je n'y étais pas indifférente.
Loin de là.
Or, je ne tenais pas à m'étaler de nouveau sur mes sentiments, je me sentais déjà assez coupable pour m'être lamentée d'hier jusqu'à ce matin. Ce n'était pas en agissant ainsi que je tuerai Ryuu.
Je devais continuer ma mission, et pour cela je devais m'intégrer aux autres courtisans. Pourtant, même en sachant cela, je m'étais réfugiée prés d'un buffet afin d'éviter le plus possible une quelconque conversation.
Je ne tenais pas à faire une erreur, pouvant déshonorer ma belle-famille, mais j'avais également conscience que je n'étais pas la bienvenue, et pour beaucoup de monde.
J'avais beau être innocente et n'avoir rien fait, leur haine et leur rancœur envers mon mari déteignaient sur moi.
Je pris d'abord le temps d'admirer la quantité de nourriture qu'il y avait à disposition. Il y avait des amuses-bouches jusqu'au poulet entier.
Allaient-ils consommer l'intégralité ?
Et si jamais il y avait des restes, qu'en feraient-ils ?
La nourriture était précieuse, et la pensée d'un gaspillage éventuel me faisait bouillir de rage. Mon esprit me montra ma sœur ne pouvant manger à sa faim, tandis qu'ici...
Or, je fus extirpée de mes pensées par Hiro qui s'était placé à mes côtés, gardant tout de même une certaine distance.

-Que faîtes-vous ? Questionna-t-il.

J'haussai les épaules et désignai la table sous nos yeux d'un air indifférent.

-J'admire. Répondis-je sur un ton légèrement humoristique.

J'essayais seulement d'extérioriser mon angoisse, à vrai dire beaucoup de choses me rendaient anxieuse et je ne demandais qu'une chose : partir.
Le garde à ma droite ne répondit pas immédiatement, mais il reprit après une petite hésitation :

-Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable que la toute nouvelle Hara soit perçue comme quelqu'un d'aimable ? Questionna-t-il.

Si, cela était bien mieux et c'était justement ce que je me devais de faire.
Je devais conserver les apparences, faire bonne impression, mais ce n'était pas facile lorsque nous n'étions pas aimé dès le début.
Leur avis à mon sujet était déjà fait, et je ne savais comment les changer, sachant que leur colère envers Ryuu dépassait la limite du raisonnable.

-Bien sûr, mais je doute que ce soit chose aisée. Avouai-je.

Je levai ensuite la tête devant nous après avoir entendu un murmure.
Je remarquai alors un petit groupe mixte de courtisans, certains nous observant silencieusement et d'autres s'échangeant des mots à voix basse tout en nous fixant.
Malgré mon faible temps passé à la cour comparé à eux, je compris ce qu'ils se disaient sous nos yeux.

-Vous devriez vous éloigner davantage. Conseillai-je.

Hiro s'exécuta sans hésiter.
Lui aussi avait conscience de comment fonctionnait cet endroit et surtout, les risques énormes qu'il encourait si une rumeur naissait.
D'autant plus si cette rumeur nous concernait tous les deux.
Nous n'en avions pas besoin, il était préférable de les éviter.
Les invités qui, auparavant chuchotaient, s'en allèrent rapidement après avoir vu Hiro reculer. Les autres firent semblant de regarder plus loin derrière nous.
J'avais vraiment du mal avec la cour, personne n'était bon.
Comment Ryuu avait-il fait pour grandir dans un tel endroit ?
Un lieu si répugnant ?

-Je comprends votre réticence, mais vous gardez éloignée des invités ne vous aidera en rien. Poursuivit le second de mon mari.

Je tournai la tête vers lui.
Oui, je l'avais bien compris, mais à qui pouvais-je adresser la parole alors qu'ils m'évitaient tous comme la peste ?
Qu'ils me regardaient tous de travers ?