Hiro essayait d'éviter de trop le regarder.
À vrai dire, même après plusieurs années, la douleur était encore là.
Elle faisait encore mal.
Et elle ne partait pas.
Il avait tant essayé d'oublier, de passer à autre chose, de s'en remettre et enfin d'en être libéré...
Mais comment se remettre d'une trahison restée sans réponse ?..
Comment se remettre, ou ne serait-ce que de pardonner quelqu'un après une telle chose ?
Après une telle souffrance ?
D'autres diront qu'ils n'étaient que des enfants, que ce n'était rien, qu'ils avaient encore toute la vie devant eux pour avancer...
Mais quand cette amitié se rapprochait de la fraternité, comment oublier ?
Comment ?!
Oui, ils n'étaient pas du même rang !
Oui, ils n'auraient jamais dû s'adresser la parole, ce jour-là !
Oui, Hiro aurait dû savoir qu'il ne tirerait rien de bon d'un descendant d'une telle famille !
Oui, il le savait !
Mais comme d'autres le disaient tant, ce n'était que des enfants... Alors comment auraient-ils pu avoir pleinement conscience que cette amitié n'était, en réalité et depuis le départ, vouée qu'à l'échec et à la souffrance ?
Hiro ne s'en remettait pas.
Il n'y arrivait pas.
Avec tous les efforts qu'il fournissait chaque jour durant, il n'y pouvait rien.
Il le voyait très souvent malgré lui et il ne pouvait faire quoi que ce soit. Il ne pouvait pas en parler non plus, alors il se retrouvait seul.
Dans ce secret.
Dans cette douleur persistante.
Et si seulement il n'y avait que cela !
Malgré le fait que le jeune soldat savait que son ancien ami était le seul et vrai coupable, il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui.
Depuis toujours.
Depuis leur rencontre, il y a bientôt neuf ans.
Il ne cessait de se soucier de lui, et cela l'achevait encore plus.
Pourquoi se souciait-il d'un homme qui n'était capable d'être un ami véritable ?!
Pourquoi se souciait-il d'un homme tel que lui ?!
Pourquoi le considérait-il encore comme une sorte de petit frère ?..
Pourquoi rien n'avait cessé ?..
D'autant plus qu'aujourd'hui, il devait vivre avec le poids d'avoir osé lui avoir adressé la parole durant autant de temps.
D'être maintenant un de ceux l'ayant longuement côtoyé et par conséquent, le connaître.
Et c'était peut-être pour cela qu'il n'arrivait pas à tourner la page.
Il connaissait un homme, un petit garçon, si gentil, si doux, si attentionné et si drôle,...
Que s'était-il passé, au juste ?
Que s'était-il passé, loin des regards de ceux n'appartenant pas à cette famille ?
Que s'était-il passé, au point de changer drastiquement le caractère et le cœur d'un humain ?
C'était aussi cela qu'Hiro se demandait en permanence. Il n'avait aucun répit, à part lorsqu'il était en compagnie de sa bien-aimée, Chinatsu.
Elle lui amenait tant de bonheur, au point de lui faire oublier le passé qu'il avait du mal à effacer. Il aimerait se confier à elle, il aimerait tout lui dire...
Mais il ne pouvait pas.
Hiro se revoyait encore, avec lui, lorsqu'ils étaient si jeunes, innocents et insouciants...
Il le revoyait.
Ce sourire qui illuminait son visage faisant disparaître ses yeux.
Ce sourire si sincère et si pur.
Ce sourire qu'il ne voyait plus.
Le jeune soldat serra sa main autour du manche de son katana qui était accroché à sa ceinture.
C'était si dur !
Si frustrant !
Que s'était-il passé, bon sang ?!
Celui-ci ne pût se retenir de lever les yeux vers lui de manière discrète.
Ryuu se tenait à quelques mètres de lui, de dos, face à un miroir, en train d'enlever des épines qui s'étaient très récemment logées dans la plaie de sa main gauche.
Et d'ailleurs, Hiro se rendit compte que son supérieur observait la main de son second dans son reflet.
Il l'avait vu.
L'intéressé fit en sorte de cacher sa frustration, sa peine et sa colère.
Il en avait l'habitude, de toute façon.
En revanche, ce qui le mettait hors de lui, c'était qu'il savait que Ryuu avait conscience de tout ce qu'il s'était passé, lui aussi.
Et pourtant, il agissait comme si rien n'était arrivé.
Comme si, en réalité, ils ne s'étaient jamais connus.
De plus, Hiro ne devrait pas être là, à surveiller la pièce où se trouvait actuellement son supérieur. Il n'avait simplement pas eu le choix après que l'impératrice le lui ai demandé, afin d'être sûre que celui-ci soignait bien ses blessures.
Et à vrai dire, le jeune soldat tenait également à s'en assurer, puisqu'il s'inquiétait encore pour lui.
C'était absurde...
C'était un Hara.
Il n'avait pas besoin de s'inquiéter pour un homme tel que lui.
Ryuu ne s'était visiblement jamais soucié de lui non plus, alors pourquoi le ferait-il ?
Mais c'était plus fort que lui...
Au fond de lui, il savait qu'il espérait qu'en réalité, la nature du garçon qu'il avait connu vivait encore en cet homme qui était devenu un inconnu.
Il avait l'espoir que celui qu'il connaissait existait encore et n'avait pas totalement disparu pour laisser place à...
À...
À...
Peu importe.
Il avait simplement été stupide pour avoir pensé pouvoir être ami avec un Hara.
Avec Ryuu.
Hiro fut sorti de ses dures pensées par le bruit d'une porte qui s'ouvrit, juste à sa gauche.
Il vit l'impératrice rentrer discrètement avant de faire coulisser la porte pour la refermer. Le jeune soldat s'inclina immédiatement pour la saluer avec respect avant de se redresser.
Son supérieur, lui, ne s'était même pas retourné.
Ce n'était pas nouveau, chez lui. Il n'avait jamais accordé une marque de respect envers l'empereur et sa femme, tout comme ses parents avant lui.
C'était de famille visiblement.
La nouvelle venue, ayant les mains disposées gracieusement devant elle, ne prit pas directement la parole.
Elle prit d'abord le temps de l'observer faire, comme si elle voulait se rassurer.
D'ailleurs, c'était impressionnant de voir que l'aura la plus puissante, la plus pesante et la plus inquiétante n'émanait pas de l'impératrice, mais bien de Ryuu.
Malgré son rang inférieur, c'était lui qui était le plus menaçant.
Il avait beau ne pas être en armure, n'avoir aucune arme sur lui, il continuait d'être imposant, et d'une mauvaise manière.
Hiro jeta un léger coup d'œil aux murs à côté de la porte. Il pût discerner la forme de plusieurs soldats, attendant l'impératrice à l'extérieur.
Après un petit moment, celle-ci finit par prononcer des premières paroles :
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La nuit où je te tuerai
Roman pour AdolescentsLes parents ordonnent, les enfants obéissent. Imaginez avoir été élevé dans cette mentalité. Imaginez n'être né que pour servir les espoirs de vos parents. Imaginez avoir été entraîné, et ce depuis le début de votre vie, à initier un coup d'État, da...