Chapitre 81

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Ma respiration se coupa lorsque je le vis s'effondrer.
Plus aucun bruit ne parvint à mes oreilles, seuls les battements affolés de mon cœur persistèrent, accompagnés d'un sifflement terriblement aiguë.
Je sentis mes mains se serrer, puis mon corps se mettre à bouger.
Sans même que je ne sois consciente de mes actes, et encore sous le choc, je dévalai les escaliers à une vitesse folle.
Que faisais-je ?..
Que lui arrivait-il ?..
N'était-ce pas pour le mieux s'il se retrouvait ainsi ?..
Je n'aurais pas à le tuer.
Non, je n'aurais pas à le faire.
Alors...
Expliquez-moi.
Expliquez-moi, pour quelle raison voulais-je aider une vie que j'allai ôter tôt ou tard ?
Expliquez-moi pourquoi j'étais autant touchée de le voir dans cet état.
Expliquez-moi pourquoi je m'en voulais tant.
Expliquez-moi pourquoi cela faisait si mal.
Expliquez-moi pourquoi.
Pourquoi.
Pourquoi je tenais tant à le voir sourire.
Pourquoi je tenais tant à le voir en vie.
Je m'effondrai alors à genoux dans la neige, à ses côtés, fébrile et l'esprit à la fois vide, mais à la fois empli d'inquiétudes et de peurs.

-Ryuu ?.. Ryuu ?.. Répétai-je d'une voix tremblante.

J'hésitai à le toucher, de peur d'aggraver la situation ou de lui faire mal.
Seulement, il ne me répondit pas.
À la place, je le vis essayer de se redresser, or ses bras étaient bien trop faibles.
Ils n'arrivaient plus à soutenir son propre poids.
De plus, je remarquai qu'il semblait se battre pour rester conscient, or ses paupières se fermaient davantage au fil des secondes.
Puis, finalement, la neige se trouvant en-dessous de lui commença à se teinter d'une couleur rouge.
Ce sang provenait de lui.
Que devais-je faire ?..
Que devais-je faire pour l'aider, au juste ?..
Je ne savais ce qui lui arrivait, et je n'avais aucune connaissance médicale.
Du moins, par pour un état si préoccupant.
Marcher semblait être bien trop compliqué pour lui.
Je ne pouvais le porter non plus.
Alors, par pitié, que devais-je faire ?!
Je sentis des larmes de détresse monter à mes yeux, mais je les retins de toutes mes forces.
Non, ce n'était pas le moment de me laisser aller !
J'étais bien plus forte que cela !
J'allais trouver !
Peut-être pouvais-je demander de l'aide ?
Je me tournai donc vers les quelques gardes postés au loin, surveillant l'entrée, emplie d'espoir.
Or, la réalité à laquelle je fus confrontée fut semblable à une violente gifle.
Tous reculèrent, nous lançant des regards méprisants et leur visage arborant des sourires moqueurs remplis de satisfaction.
À quoi avais-je bien pu penser ?..
Pourquoi n'avais-je pas encore réalisé la laideur de cet endroit et des personnes s'y trouvant ?
Pourquoi n'arrivais-je toujours pas à mesurer les choses telles qu'elles étaient ?..
Il s'agissait de Ryuu.
Personne ne lui viendrait en aider.
Personne ne se dévouerait pour lui.
Personne.
J'étais seule.
Dans cette situation, j'étais toute seule.
Seulement, je ne pouvais me laisser abattre pour autant.
Comme je l'avais dit, il s'agissait de Ryuu.
Et bien que l'opinion public voulait le contraire, bien que mon père voudrait également le contraire, je n'allais pas l'abandonner à son sort.
Bien sûr que non !..
Mon rôle d'épouse parfaite voudrait aussi que j'accompagne mon mari dans les moments de douleur, n'est-ce pas ?..
Ou me trouvais-je simplement des excuses pour lui venir en aide ?..
Cependant, je revins à la réalité en sentant quelque chose dans ma main.
Je baissai les yeux vers la neige, et découvris la paume gantée de Ryuu dans la mienne.
Était-ce une manière de me demander de l'aide, au défaut de ne pouvoir parler ?
Ou une façon de me rassurer ?
Le connaissant, ce pourrait être les deux.
Ce contact me permit de reprendre mon calme.
Il ne fallait pas que je panique, il fallait que je calme mes esprits pour être la plus lucide possible.
Le palais était bondé de personnes malintentionnées envers Ryuu et ne souhaitant que sa disparition.
De ce fait, il ne me restait qu'une seule chose à faire : l'éloigner avant que l'on ne le voit ainsi.
Je pris alors une décision difficile, mais nous n'avions d'autres choix.
Nous allions devoir marcher.
J'avais conscience que chaque pas lui serait probablement douloureux, et cela semblerait sûrement égoïste de ma part, mais j'étais sur le point de lui demander un ultime effort.
Un dernier, mais un grand effort.
Cependant, il fallait le relever avant.
Je glissai alors doucement mon bras devant son torse et aposai ma main sur son épaule, lâchant à contrecœur sa paume que j'aurais voulu garder.
Je parvins à le redresser, et je pus constater son visage affaibli.
Cette vue me brisa le cœur.
Jamais je ne l'avais vu dans un tel état, pas même lorsqu'il avait été en souffrance lors du duel contre ses parents.
Cette fois, il montrait sa réelle douleur.
Ses yeux étaient vides, balançant entre l'état de conscience et d'inconscience. Sa respiration était haletante, s'affaiblissant au fur et à mesure, tandis que de la vapeur légère s'échappait de son souffle.
J'eus alors le réflexe de relever ses cheveux qui cachaient son front et gênaient ses yeux. Je pus ainsi sentir la chaleur intense qui émanait de sa peau.
Au défaut de pouvoir serrer mes poings, au risque de le blesser, je contractai ma mâchoire.
Il avait une fièvre bien trop importante.
Et ça, je ne pouvais dire que je ne l'avais pas su.
Au contraire, je le savais depuis bien longtemps.
Or, j'avais fait comme tous les autres.
J'avais consciemment choisi d'ignorer cela, ne voulant pas être confrontée à la réalité de son état.
Alors, j'étais en partie responsable de tout cela.
Cependant, ce n'était pas le moment pour se lamenter.
Si je ne m'étais assez préoccupée de lui auparavant, alors j'allais tout faire pour l'aider maintenant.
Je pris alors une poignet de neige afin de l'appliquer contre le front de Ryuu, dans l'espoir de le rafraîchir un peu.
Celui-ci ferma les yeux, visiblement soulagé par ce contact frais.
Il sembla articuler un très faible merci, or il fut presque imperceptible tant il manquait de force.
Comment allait-il marcher avec une telle fièvre ?..
Comment avait-il fait jusque-là pour se tenir normalement ?..
Enfin, nous n'avions pas le choix.

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant