Chapitre 60

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Décembre

La neige avait recouvert le sol et les arbres, maintenant dénués de feuilles. Le froid avait saisi le Japon depuis maintenant presque deux mois, et la nuit tombait bien plus vite qu'auparavant.
À présent, nos kimonos de servante étaient bien plus chauds, même si le vent nous mordillait les doigts lorsque nous étions dehors.
Entre-temps, certaines choses avaient avancées.
J'avais revu l'homme de Tokyo plusieurs fois après notre dernière rencontre, celui-ci en ayant surtout profité pour faire ma connaissance. J'avais évidemment tenté de lui arracher des informations, or il était resté assez réservé.
Par exemple, je ne connaissais toujours pas son prénom, et cela me démangeait.
Peut-être ne me faisait-il pas encore confiance ? Or j'avais deviné que nos multiples rencontres avaient eu pour but de vérifier ma fiabilité.
Et j'estimais avoir parue fiable tel qu'il le voulait.
À présent, je n'attendais plus que sa décision, concernant mon entrée dans le groupe d'opposition.
Dans un certain sens, nous pouvions dire que j'avais avancé dans ma mission, mais cela prenait bien trop temps.
Je comprenais qu'ils aient des doutes, mais je ne pouvais attendre davantage.
Ormis cela, ma récolte d'informations n'avait pas avancé. À vrai dire, tous semblaient de plus en plus stressés et anxieux maintenant que nous étions en décembre.
De ce fait, Miwa, Yoko et Chinatsu s'étaient montrées très distantes avec moi, sans même m'en donner la réelle raison.
De nombreux banquets et de fêtes avaient eu lieu, auxquels je n'avais pas pu participer en tant qu'invitée ou en tant que servante, du simple fait de la présence de Ryuu à ces événements.
Et évidemment, depuis la dernière fois où je l'avais aperçu à Tokyo, je n'avais pas revu mon mari.
Pas même une seule fois.
Pas même de loin.
Cette dure absence m'avait paru longue, très longue, en plus d'être douloureuse.
J'avais désespérément essayé de relativiser sur son état de santé, en vain.
J'avais pensé à lui chaque jour passant, prenant soin des fleurs que je lui avait cueilli.
Malheureusement, seule une avait survécu jusque-là.
J'avais fait de mon mieux afin de les garder en vie, mais j'étais impuissante face aux lois de la nature.
La maison que je partageais avec mon mari m'avait paru vide, et je m'étais quelques fois surprise avec les larmes aux yeux.
Bien sûr, je m'étais retenue de pleurer.
Je refusais de m'abaissais à cela.
Je portais l'honneur de ma famille sur mes épaules, il fallait que je reste digne.
Or, après tant d'attente, après tant de jours passées seule, après tant d'inquiétudes, après tant de pensées à son sujet, nous y étions enfin.
J'allais le revoir.
Ce soir aurait lieu un énième banquet, pourtant cette fois, la gouvernante m'avait autorisé à aider à la mise en place de celui-ci, en plus de pouvoir y être présente en tant que servante.
Mon cœur avait bondi de joie dès lors qu'elle m'avait annoncé cela, et je n'avais eu que Ryuu en tête depuis.
À présent, je n'avais qu'une hâte : le revoir.
Nous étions donc en train de marcher dans les couloirs du palais avec Miwa, nous dirigeant dans la grande salle dans laquelle se préparait actuellement l'événement.
Plus nous nous rapprochions, plus l'attente me semblait interminable.
Je n'en pouvais plus.
Au plus grand regret de mon père, je mourrais d'envie de le voir.
Je pouvais sentir les battements de mon cœur accélérer, tandis qu'un sentiment précis ne faisait que me traverser.
De l'excitation ? Oui, mais pas seulement.
Du bonheur ? Oui, mais il y avait autre chose.
De la culpabilité ? Non, pas aujourd'hui.
Je ne savais pas, et mon intuition m'hurlait de ne pas creuser la question.

-Ume, avant que l'on n'arrive, il faut que je te fasse part d'une règle. Coupa Miwa tout en marchant.

-Dites-moi ?

Je savais déjà ce qu'elle allait m'annoncer.
Je n'étais pas bête, et je l'avais deviné dès qu'elle m'avait dit que je pourrais participer à ce banquet.
Évidemment qu'il y aurait une règle !
Évidemment...

-L'empereur a donné l'ordre, il y a déjà plusieurs mois, que le général et toi ne soyez pas en contact. Et cela s'applique encore aujourd'hui.

Cette révélation expliquait davantage pourquoi je n'avais pas vu Ryuu depuis la sortie à Tokyo.
Et savoir cela m'enrageait.
Comment l'empereur avait-il pu donner un tel ordre, alors que c'était lui qui avait exigé notre mariage ?
Je ne comprenais pas, mais je n'avais pas le choix que de m'y plier.

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant