Le repas avait commencé depuis plus d'une heure maintenant et en effet, nous étions réellement seuls.
Dans cette grande salle, nous n'étions que six.
L'empereur.
L'impératrice.
Yukio.
Aïko.
Ryuu.
Et moi.
Pas un seul garde n'était présent, pas même aux alentours.
Ce qui faisait que peu importe ce qu'il se disait et ce qu'il se dirait autour de cette table ce soir, personne, autre que nous, ne le saurait.
Au début, j'aurais sûrement été perplexe de constater que l'empereur se laissait ainsi sans protection, mais maintenant que j'avais conscience de la confiance qu'il avait envers mon mari, la question ne me traversait plus l'esprit.
Nous étions seuls, et j'imaginais que nous ne risquions rien.
Ryuu était d'ailleurs à ma gauche, tandis que ses parents se trouvaient face à nous. Puis, l'empereur et sa femme étaient placés perpendiculairement à notre table, proches de mon mari et de sa mère.
Celle-ci avait beaucoup parlé depuis le début, mais pour être honnête je ne l'avais pas vraiment écouté.
Oui, elle était ma cible secondaire et être à son écoute était très important, mais-.
Il était à côté de moi.
Et sa présence, encore une fois, me perturbait et m'empêchait d'écouter.
De plus, je me battais pour ne pas repenser à hier.
Ce n'était pas arrivé.
Ce n'était pas arrivé.
Ce n'était pas.
Arrivé.
Pour ne pas y songer, je me concentrai sur autre chose.
Celui-ci n'avait toujours pas touché à son assiette depuis le début.
Et il ne semblait pas même écouter.
Je baissai alors les yeux vers ses mains qui reposaient sur ses cuisses.
Elles étaient toujours gantées, malgré le fait qu'il ne travaillait pas, ce qui m'inquièta horriblement.
Si il les portait en permanence, c'est qu'il y avait une raison.
Durant le repas, et encore maintenant, j'avais d'ailleurs remarqué l'impératrice lui lancer des regards, observant également son assiette de temps en temps.
Nous savions ce qu'il allait se passer.
Je relevai les yeux vers son visage et me mise alors à l'observer.
Il regardait dans le vide, semblant même s'ennuyer.
Il n'avait pas dit un seul mot depuis qu'il était arrivé, ayant été légèrement en retard.
Mon regard passa lentement de ses cheveux à ses yeux, puis de ses yeux à sa mâchoire, puis de sa mâchoire à ses lèvres.
Il m'absorbait.-Eh bien, Ume. Ne peux-tu pas attendre d'être seule avec mon fils pour le dévorer ainsi du regard ? Taquina gentiment Yukio.
Je tournai la tête vers mon beau-père, terriblement gênée.
Je me fis rage pour empêcher mes joues de virer au rouge, et me contentai de lui sourire.
Son humour n'était pas le mien, mais je ne pouvais le lui reprocher.
Il était le père de mon mari.
Or, en prenant la parole, celui-ci avait interrompu Aïko qui était, jusqu'à lors, en pleine discussion avec l'empereur. La jeune femme s'arrêta donc pour tourner la tête vers nous.
Puis naturellement, son regard se posa sur son fils.
Un léger silence s'ensuivit, durant lequel elle l'observa avant que sa mine ne finisse par se durcir.-Tu as perdu du poids, Ryuu. Remarqua-t-elle en arrêtant de le regarder.
Celui-ci leva les yeux vers elle pour la voir, tandis que cette affirmation me laissa sans voix.
Comment avait-elle pu le remarquer ? Le corps de Ryuu ne se voyait pas, et son visage n'avait pas changé.
De plus, mon cœur s'emballa, mais d'anxiété cette fois.
Ce n'était pas une bonne chose, mais si Ryuu ne mangeait plus, alors cela en était une conséquence certaine.
Je vis également l'impératrice poser ses baguettes, semblant avoir subitement perdu l'appétit.
Mon époux posa son bras sur la table avant de répondre :-Peut-être.
Lui-même en avait conscience, alors pourquoi continuait-il ainsi ?
Ce n'était pas sain, c'était dangereux !
Aïko releva subitement les yeux vers lui, et ils se fixèrent, chacun se foudroyant du regard.-Tu n'as pas touché à ton plat. Continua-t-elle.
-J'ai déjà mangé.
Yukio haussa un sourcil en souriant d'un air mesquin tandis que sa femme reprit ses baguettes afin de continuer son plat.
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La nuit où je te tuerai
Teen FictionLes parents ordonnent, les enfants obéissent. Imaginez avoir été élevé dans cette mentalité. Imaginez n'être né que pour servir les espoirs de vos parents. Imaginez avoir été entraîné, et ce depuis le début de votre vie, à initier un coup d'État, da...