Chapitre 50

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Je déambulais dans les rues presque désertes de la ville, essuyant mes joues humides, malgré quelques larmes qui s'échappaient encore de mes yeux.
Je ne comprenais pas d'où venait cette soudaine tristesse, mais je me sentais affreusement coupable.
J'accordais des choses à un inconnu que je n'accordais pas à mon mari.
Mon père répondrait que c'était ce qu'il fallait que je fasse, que Ryuu était mon ennemi et rien d'autre.
Mais pour moi qui ne le voyais plus comme tel, c'était très dur.
J'avais l'impression d'être l'une des personnes les plus cruelles de ce monde, étant donné toutes les choses que Ryuu avait faites pour moi.
Or, j'avais conscience que je devais mettre ma morale de côté, ainsi que mes principes.
Je prévoyais un meurtre, alors que pouvais-je bien dire pour me défendre ?
Être infidèle n'était pas de trop.
Enfin..."infidèle", c'était un terme utilisé pour les vrais couples.
Nous n'en étions pas un.
Je n'avais pas le cœur à retourner au palais maintenant, même si la peur d'être reconnue me dévorait le ventre. À vrai dire, je ne tenais pas à voir Ryuu, même de loin.
L'apercevoir ferait encore plus ressortir ma culpabilité et je m'effrondrerais sûrement.
Après avoir marché un petit moment, je décidai de prendre une décision par chagrin.
J'avais l'impression de ne plus avoir le contrôle de mon propre corps, que je cherchais des solutions à mes problèmes alors qu'en réalité...
Il n'y en avait pas.
Je me mis alors à me diriger vers le stand de riz de Masato, même si celui-ci était fermé à cette heure-ci. Pour être honnête, j'avais connaissance d'où l'homme habitait, et je cherchais du réconfort.
Pour une fois, je souhaitais le véritable soutien d'un allié.
J'en avais besoin.
Ne serait-ce qu'une seule fois...
J'avais besoin d'extérioriser toutes ces craintes qui me rongeaient depuis le jour de mon mariage, mes douleurs qui me consummaient au fur et à mesure que je progressais vers mon but final, mes envies qui divergeaient de celles de mon père...
Et quoi de mieux que de me confier à celui qui s'inquiétait réellement pour moi depuis le départ ?
Qui de mieux que Masato ?
J'avais conscience qu'il dormait et que je le dérangerais peut-être, mais je sentais que cette envie s'imposait bien plus que je ne l'aurais cru.
Je ne pouvais pas en parler à Yoko.
À Miwa.
À Chinatsu.
Ni même à Ryuu.
Je n'avais plus personne.
J'étais seule et isolée.
Tant bien que mal, je réussis à me rendre jusque devant sa porte. Je réunis toutes mes forces restantes pour lever la main et toquer.
J'avais l'impression que mes jambes allaient bientôt céder sous mon poids, comme si le dégoût de cette danse avait puisé toute mon énergie.
Heureusement, je n'attendis pas très longtemps avant de voir l'homme que j'attendais en yukata bleu m'ouvrir.
Celui-ci se figea en me voyant.
Nous nous regardâmes quelques secondes et je vis son regard passer de la surprise à l'inquiétude.
Celui-ci s'écarta de l'entrée.

-Oh Ume...entre vite. Dit-il d'une voix avenante.

Je m'exécutai et une fois à l'intérieur et la porte fermée, je me sentis, pour la première fois depuis mon mariage, en sécurité.
La vraie sécurité.
Comme si j'étais de retour chez moi.
D'être à ma place.
Que je ne risquais plus rien.
Que je pouvais être qui je voulais.
Je restai silencieuse, debout dans la petite pièce qui servait de salon et de salle à manger, tandis que mon allié alla allumer une lampe à huile.
Celui-ci se tourna ensuite vers moi.
Son regard me fit savoir qu'il avait déjà compris ce qui m'avait amené.
Et au lieu de voir de la haine et de la déception comme mon père, je ne vis que de la peine et de la compassion dans les traits de Masato.

-Il est préférable que tu t'asseois. Dit-il en me désignant un coussin autour de la table.

J'hochai la tête, incapable de dire quoique ce soit.
Je n'avais plus le contrôle sur quoique ce soit.
Je m'exécutai et m'installai, le regard perdu dans le vide de mes pensées qui se bousculaient en même temps dans mes esprits.
L'homme s'installa en face de moi tandis que j'otais enfin ce chapeau qui ne m'inspirait plus rien de bon. Je posai ensuite mes mains devant moi et me rendis compte que celles-ci tremblaient terriblement.
Sûrement à cause de toutes ces émotions que je gardais en moi.
Ma frustration.
Ma colère.
Ma peine.
Ma tristesse.
Ma peur.
C'était trop.

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant