Chapitre 38

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J'attendais nerveusement dans la cour.
La nuit était tombée depuis plus d'une heure maintenant et ni mes  parents, ni Ryuu n'étaient arrivés.
J'espérais voir mon mari fouler le sol en premier mais malheureusement, je ne percevais aucun bruit et aucune silhouette à l'horizon.
Mes parents devraient être déjà arrivés, ils avaient sûrement du retard, mais cela m'arrangeait. Cela laissait plus de temps à mon époux pour arriver.
Entre-temps, je m'étais vêtue du plus beau kimono que je possédais et j'avais désespérément essayé de coiffer mes cheveux. Malheureusement, mes mains tremblantes m'avaient empêché de les attacher correctement, alors je n'avais eu d'autres choix que de les laisser détacher.
Cela ne plairait sûrement pas à mon père, car il ne trouverait pas cette coupe distinguée, mais je n'avais pu faire autrement.
Au moins, Ryuu ne disait jamais rien pour mes cheveux...
Avec lui, j'avais la liberté de me coiffer et de m'habiller comme je le désirais.
Mais soit, ce n'était pas le sujet.
Je ne savais pas quoi dire à mon père, afin d'expliquer mon incompétence.
Pourquoi étais-je aussi lente ?
Pourquoi n'étais-je pas efficace ?
Était-ce de ma faute ?
Oui, évidemment.
Mais la tâche n'était vraiment pas aisée. Ryuu était très discret et personne n'osait réellement parler de lui, de peur d'être puni.
Pourquoi n'avais-je toujours pas contacté les ennemis de l'empereur ?
Ils étaient introuvables, et cela me semblait plutôt normal. Et puis, je ne pouvais poser de questions à leur sujet sans paraître suspecte. Il faudra que je les cherche de moi-même plus tard.
Mais est-ce que mon père accepterait toutes ces excuses ?
Non, bien sûr que non.
Il n'en avait que faire.
Il ne tenait qu'à son rêve, qu'à ses projets et à ses désirs.
J'avais beau chercher quoi dire, cela ne servirait à rien. Je devrais subir sa fureur.
Je n'en avais pas le choix.
Mais je le méritais.
Je n'étais pas capable d'accomplir efficacement la mission que l'on m'avait donné.
La confiance que l'on m'avait confié allait être dissipée.
Je regardai autour de moi. Il n'y avait plus personne dehors à présent, il ne restait que les gardes de nuit.
Ils seraient témoins de l'arrivée de mes parents.
Je considérais cela comme une mauvaise chose, car je ne savais pas si mes parents allaient jouer le jeu comme moi. Si ils n'aimaient pas quelqu'un, ils le montreraient.
J'étais la seule à participer dans ce jeu de rôle.
Tout reposait sur moi, et cela me créait un poids immense sur les épaules.
Mon angoisse ne faisait qu'augmenter. Je ressentais une boule se former dans mon estomac tandis que mon cœur ne faisait que palpiter de plus en plus.
J'avais terriblement peur.
J'étais terrifiée.
Je ne voulais pas qu'ils arrivent...
Je voulais seulement revoir Ryuu...
Non, qu'est-ce que je racontais ?
Il était la source de mes malheurs !
Mais j'avais l'impression que sa présence me réconforterait, si il était là.
Que l'air serait plus léger.
Que je supporterais mieux ce dur moment.
Que cette angoisse qui me rongeait serait moins lourde.
Rien qu'un sourire de sa part m'enlèverait beaucoup de mes fardeaux.
Je baissai le regard vers ma bague de fiançailles et la touchai du bout des doigts.
J'avais quelque chose qui provenait de lui.
Un bijoux.
Un bijoux que j'étais la seule à avoir.
Un bijoux qui signifiait un statut que moi seule portait.
Sa femme.
Je repensai alors à hier soir.
Je revoyais le haut de ses joues se teinter de rouge. Je voyais son regard, emplie de gêne, finir par se poser sur moi. Puis la distance nous séparant s'étant subitement faite plus petite...
À cet instant, je m'étais sentie plus légère.
J'avais oublié tous mes problèmes.
Tout ce qui me tracassait s'était envolé.
Je me surprise en train de sourire, et j'eus subitement honte.
Il était mon ennemi.
Je devrais être malheureuse en sa compagnie, et pourtant...
Mon père n'en serait qu'encore plus déçu si il venait à apprendre cela. Et il aurait raison.
Je n'étais qu'un échec, à ses yeux.
Je relevai la tête en entendant un bruit de sabots sur le sol, suivit de roues.
Je me figeai en voyant une calèche arriver.
Non...
Ce n'était pas possible...
Pourquoi devaient-ils arriver avant Ryuu ?..
Comment allais-je justifier son absence ? Comment mon père réagirait-il ?
Mon rythme cardiaque accéléra de nouveau et je sentis des frissons me parcourirent.
Des frissons de peur.
J'avais du mal à contrôler ma respiration qui s'était accélérée, elle aussi.
Qu'allais-je bien pouvoir leur dire, face à tous mes échecs ?..
Je n'avais rien fait !
Je n'avais rien accompli !
Je n'étais pas à leur hauteur.
Je ne méritais pas d'être des leurs...
Je sentis des larmes envahir mes yeux, mais je les retins de s'échapper de toutes mes forces. Je ne voulais pas paraître encore plus pitoyable que je ne l'étais déjà.
Mais alors que la calèche pénétra dans l'enceinte de la cour, je vis un autre cheval s'immiscer rapidement dans l'enceinte.
Et je ne pus me retenir de sourire en reconnaissant Fūjin, transportant Ryuu sur son dos.
Il était là !
Il était là !..
Il était là...
Et il eut pour effet de me rendre plus légère. Je me sentais mieux, maintenant que je savais qu'il serait présent.
Il avait réussi à se libérer pour être à mes côtés, à l'arrivée de mes parents.
Et je lui en étais infiniment reconnaissante...
Je n'aurais aucun reproche concernant son absence, je lui en remerciais...
Le cheval de mon mari se dirigea en galopant vers les écuries, suivit par les gardes de nuit qui lui couraient après. Ryuu sauta de sa monture et les soldats réussirent à rattraper l'animal.
Mon époux réussit à retirer sa lourde armure en quelques secondes et il jeta le tout dans du foin. Il retira ensuite ses deux katanas et les lança à un garde qui se dirigeait vers lui.
Le soldat failli les faire tomber, mais les rattrapa de justesse.
Ryuu marcha rapidement vers moi, tandis que je ne pouvais m'empêcher de lui sourire. Celui-ci me le rendit.
Merci...
Juste à temps...merci...
Nous ne nous étions pas vus depuis hier soir, et je devais avouer que ça me faisait plaisir de le voir.
Il m'aidait tellement...et il n'en avait même pas conscience...
Je n'arrivai pas à détacher mon regard de mon mari, tant ma reconnaissance était immense. Celui-ci faisait déjà face à la calèche qui allait bientôt s'arrêter. Mais alors que je l'observai, je vis une feuille dans ses cheveux. Je la lui retirai, ce qui lui fit tourner la tête vers moi.
Nous ne nous échangions aucun mot, seulement des regards et des sourires.
Mais cet instant fut rapidement coupé par la calèche qui s'arrêta et les soldats qui accoururent pour ouvrir les portes. Nous fîmes alors face aux nouveaux arrivant.
Bien sûr, j'avais toujours peur, mais ce n'était pas comme avant.
Quelque chose avait changé.
Quelqu'un m'avait aidé.
Les portes s'ouvrirent et dès que mon père posa un pied à terre, je m'inclinai immédiatement. Ryuu eut la bonté de faire de même, ce qui me fit plaisir.
Lui, qui s'inclinait uniquement devant ses parents, acceptait de faire de même avec les miens sans même que je ne lui dise quoi que ce soit.
Il n'était pas si immature et inconscient que je ne le pensais.
Au contraire, peut-être n'avait-il rien de tout cela.
Malheureusement, je n'avais pu lui dire les manières de faire avec ma famille. Il faudrait donc que je sois très prudente envers les actes et les paroles de mon mari.
Je ferai en sorte que cette rencontre ne soit pas encore plus désastreuse qu'elle n'était déjà vouée à l'être.
J'entendis le bruit de sandales contre le sol se rapprocher de nous.
Je reconnus trois façons de marcher très distinctes, et je pus les reconnaître entre mille.
Mon père.
Ma mère.
Et ma sœur, Yuna.
Mon cœur se réchauffa à l'idée que j'allais pouvoir revoir ma petite sœur après tout ce temps.
Elle m'avait tant manqué.
Nous finîmes par nous redresser et fîmes face à ma famille.
Mon paternel se trouvait entre ma mère et ma cadette.
Son regard était terriblement froid, son visage était toujours aussi dur et glacial. De plus, il regardait Ryuu terriblement mal.
Il ne faisait aucun effort pour dissimuler sa haine.
Ma mère, elle, semblait parfaitement neutre. Elle aussi, n'avait rien de différent depuis le jour du mariage, et elle observait également mon mari.
Quant à Yuna, j'avais l'impression qu'elle avait grandi.
Celle-ci ne pouvait s'empêcher de sourire en voyant mon époux. Des étoiles brillaient dans ses yeux, comme à son habitude.
Ça me faisait tellement plaisir de la revoir...
Après de longues secondes de silence qui semblèrent une éternité, mon père articula enfin quelques mots :

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant