~Thirty-four

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Devait-il lui dire qu'il s'intéressait au fait que les Mangemorts ne l'avaient pas tué, elle ? Lui expliquer ne pouvait arriver, il n'avait pas le droit et ne voulait pas qu'elle en sache trop, elle qui en savait déjà bien assez.

Avait-elle compris ? Elle n'était pas idiote, et loin de lui l'idée de la penser comme telle.

-"Je vois." Elle eut un sourire. "Tu m'aimes aussi, avoue-le."

Il resta coi un instant, fixant ses yeux.

Non, il retirait ce qu'il venait de penser.
Elle était réellement stupide de penser qu'il pouvait avoir des sentiments quelconques pour quelqu'un comme elle.

Il se leva, attrapant la feuille pour la remettre à la poubelle, puis désigna la porte d'entrée.

-"T'as assez profité de mes biens comme ça, sors." Il pointa la porte du doigt, tapant du pied contre le plancher.

Isabel fit la moue, attrapant ses affaires néanmoins sans un mot.

-"Viens chez moi, si tu veux que je te rembourse mon repas."

Elle leva les yeux vers les siens mais, n'entendant aucune réponse, ouvrit la porte et partit, le cœur léger.

                            *****

-"C'est elle."

La voix étouffée d'une femme fit tourner la tête de son compère, cachés dans les taillis près d'un parc fermé à une heure aussi tardive.

-"N'oublie pas le plan." Prévint l'homme et l'autre hocha la tête, sortant sa baguette de sa poche arrière.

Isabel sifflait, les mains dans les poches, le sourire léger aux lèvres, le cœur moins lourd désormais.

C'était amusant, les sentiments, l'alchimie qu'elle ressentait.

Sa poche vibra soudain, et elle en sortit son téléphone aux touches sales.
Le numéro de sa mère s'affichait.

Elle appuya sur la touche et posa son tout petit appareil contre son oreille.

-"Tu es devant chez moi ?" Elle continua de marcher dans la rue éclairée. "Avance vers le centre commercial, je suis dehors."

Elle raccrocha, eut un soupir, rangea son téléphone.

-"Elle a l'air d'aller mieux."

Elle fit la moue, se parlant seule, ressentant soudain le froid hérisser ses poils.

Elle finit par apercevoir sa mère, tournant au coin de la rue, habitant à deux pas d'ici. Elle leva le bras haut dans le ciel, lui fit un signe dans la rue déserte pour l'appeler.

-"Maintenant."

Draco marcha vite, l'écharpe de la jeune femme dans sa main, soupirant en se demandant s'il n'aurait pas mieux fait de la jeter à la poubelle.

Elle était là, légèrement plus loin, avec une dame plus âgée qui s'apprêtait à l'enlacer.

-"Hé !" Hurla-t-il sans daigner la nommer, levant l'écharpe comme un drapeau de paix.

Elle ne l'entendit pas, au loin, et il se mit à marcher plus vite.

La femme brandit sa baguette, se leva, le dos droit, et lança l'ultime sortilège, qui mettrait un terme définitif à leurs problèmes.

-"Mint."

La mère d'Isabel n'était pas aveugle. Et même si elle l'avait été, il eut été dit que jamais des yeux ne furent plus vifs que lorsqu'une mère en vint à protéger son petit, comme un instinct maternel qui prenait le dessus sur l'instinct de survie.

Car en réalité, elle ne survivait qu'en sa fille.

Elle attrapa son bras, la poussant soudain au loin. Il n'eut été question que d'un instant.

Une fraction de seconde, durant laquelle le monde entier vint se porter entre leurs deux regards, l'un dans un effroi palpable, l'autre dans une tendresse fade.

Et tandis que d'un simple coup sa mère s'effondra sur le sol, inerte, le silence se fit roi.

Personne ne parla, dans la rue.

-"Maman ?"

La voix penaude d'Isabel résonna, et soudain elle posa sa main sur celle qui bloquait sa vue.

-"Maman ?" Elle tapota sa main, y cherchant les rides reconnaissables, mais ne les trouva pas, frôlant des bagues ça et là. "Draco ?"

Il ne dit rien mais elle sut que c'était lui, à l'odeur de son parfum, à la taille de sa main, au silence de ses mots.

-"Maman." Elle retira de force la main du garçon, comme semblant comprendre ce qu'il se passait.

Ce n'était rien, les sentiments, l'alchimie qu'elle ressentait.

Rien à côté du vide d'une absence trop pesante.

Ou de la présence d'un vide absent.

Ses yeux s'abaissèrent, lourds de sens, et Draco remit sa main dans sa poche, détournant le regard, cherchant ceux qui avaient déjà disparus, emportés par la nuit.

Il l'entendit tomber à genoux, elle vit la silhouette de sa mère devenir flou.

Il semblait soudain que tout était éphémère. Était-ce réellement la fin, pour elle ?

Une goutte, s'écrasant contre la main froide d'une enfant trop vieille, d'une adulte trop jeune.

-"Maman ?"

Sa voix tremblante mourut dans sa gorge alors et tout revenait.

Absolument tout revenait, percutant son esprit comme percutant son cœur meurtri.

N'était-ce alors que le fruit de son existence, qui mettait à profit sa vengeance ? Il semblait vain désormais d'avoir le mince espoir que tout n'était que fruit du hasard.

Cela ne pouvait être vrai. Cela ne pouvait être réel.

Isabel ne prononça aucun autre mot. Juste le long et douloureux appel à Dieu, la plainte gémissante et pathétique d'un pauvre enfant perdue sur le chemin du retour, le gémissement piteux et désespéré d'un appel au secours.

Draco garda les yeux rivés sur tout sauf elle, fixant les lampes du dehors, les fenêtres ouvertes, le volets fermés, l'écharpe qu'il tenait en main, le poing serré sur ce pauvre bout de laine parce qu'il ne pouvait pas ne pas se blâmer de ce qui aurait du rester chez les sorciers. Leurs deux mondes n'étaient pas faits pour coaliser.

Et finalement, tandis qu'elle avait attrapé le corps sans vie pour l'enlacer, certaine que ça ramènerait l'âme en peine qui errait dans la nuit, Isabel ressentit à peine la chaleur de son écharpe, que le garçon enroulait autour de son cou, accroupit derrière elle, silencieux.

Non, ce n'était pas amusant, les sentiments.

Le cœur se balançait entre deux rives, bercé par le Nil de ses envies, la Tamise de ses ressentis.

Et, finalement, tombait dans le Styx de l'oubli, perdu à jamais sur un continent qui ne voulait plus de lui.


𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant