~Sixty

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Ce n'était pas toi, la faute, l'erreur. C'était moi.
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-"Bonjour, que puis-je faire pour vous ?"

Isabel eut un sourire et discuta avec les nouveaux arrivants, de jeunes parents avec leur nouveau-né malade. Ils étaient tout jeunots, pleins de vie et pleins de questions auxquelles elle n'avait pas toutes les réponses.

Elle reçu un appel de son père, durant sa pause du midi, et sortit dans les jardins pour lui répondre.

-"Je passe te voir dans la journée." Dit-il entre les grésillements. "Est-ce-que tu veux que je passe au marché t'acheter des choses ?"

-"J'ai déjà tout. Tu comptes rester la nuit ?" Elle leva un sourcil, s'apprêta à répéter en pensant qu'il ne l'avait pas entendu.

-"Non, je passerai la nuit chez un ami."

C'était toujours ainsi. Si sa mère adorait passer chez elle, son père n'aimait pas, restait à l'écart. Voulait lui laisser son espace personnel comme de peur qu'y entrer l'empêcherait d'en ressortir.

-"Très bien." Finit-elle par dire. "Je t'attendrai, alors."

Il raccrocha sans prendre la peine de parler outre mesure, et elle resta collée au téléphone à écouter le bruit perçant signalant la fin de la discussion. Puis finalement elle le rangea dans sa poche, et retourna travailler.

                            *****

Isabel éclata de rire, debout près de l'hôpital, sa main sur l'épaule d'une collègue qui racontait ses mésaventures avec ses animaux de compagnie. Elle essuya une larme naissante aux coins des yeux, sentit sa gorge s'assécher tandis qu'elle ne pouvait s'empêcher de rire encore et encore sans arriver à respirer, se tenant à elle pour ne pas tomber.

Draco, adossé de l'autre côté de la rue, face à elles, posa sa tête sur le mur qui le tenait, sa vision ne se rétrécissant qu'à l'extrémité du corps qui l'intéressait et qui semblait trembler d'éclats.

Ses yeux s'apaisèrent, ses paupières se détendirent, s'affaissèrent presque, ses épaules s'abaissèrent, il ne sentait même plus l'envie de s'asseoir sur une chaise après avoir fait le tour de Londres dans une cacophonie étouffante de rendez-vous professionnels.
Il se surprenait à ne pas traverser pour aller la chercher, mais à rester debout, au loin, rien que pour avoir le plaisir de l'admirer.

Il se rendit compte de sa puérilité enfantine, il fronça les sourcils, reprit ses esprits, traversa sans se préoccuper des voitures et attrapa son bras pour le retirer de l'épaule de l'autre femme.

-"Je t'attend depuis plusieurs minutes." Dit-il de sa voix irritée. "Tu penses avoir le temps de rire ?"

Isabel se racla la gorge, se reprit, salua son amie qui partit et se concentra bien vite sur le garçon. Elle pencha la tête, ne parla pas durant de longues minutes durant lesquelles il attendit.

-"Qu'est-ce que tu fais ?" Il leva un sourcil, ne comprenant pas.

-"Qu'est-ce-que tu fais ?" Demanda-t-elle alors. "Pourquoi est-ce-que tu m'attendais ?"

Il ne dit rien, fixa ses yeux. Oui, c'était vrai, c'était une bonne question.

Pourquoi l'avait-il attendu, au juste ?

-"Je te l'ai dit." Il toussa dans son bras. "Les Mangemorts te ciblent, je te suis pour réussir à les attraper."

-"Oui, c'est vrai que tu es tellement discret avec tes tenues sobres qu'ils ne verront jamais que tu me suis comme un toutou." Elle eut un sourire cynique. "Continue, c'est bien. Je te donnerai une friandise."

Il contracta la mâchoire et elle vit ses pupilles se rétracter.

-"Je vais sérieusement finir par-" il se mordit la lèvre pour ne pas s'énerver et eut un léger sourire, avant d'attraper sa mâchoire et de l'avancer vers lui.

-"Tu penses m'intimider ?" Elle claqua sa langue contre ses dents avec un léger sourire.

Il la lâcha alors et appuya négligemment sur ses clavicules cachées sous ses vêtements. Elle eut une grimace, le poussa pour le dégager et posa sa main sur sa peau comme pour se protéger.

Il haussa les épaules, victorieux.

-"Ne te moque pas." Prévint-elle. "C'est de ta faute si j'ai mal."

-"Ta peau est trop fragile, c'est ton côté moldu." Il fit mine d'être dégouté. "C'est de ta faute si tu as des bleus."

Elle le toisa de haut en bas, leva haut la tête comme pour se pavaner et descendit les marches de l'hôpital pour traverser, rentrant chez elle.

Il l'attrapa par la taille et la tira en arrière avant qu'une voiture ne les klaxonne.

-"T'es vraiment-" il se retint de l'insulter et eut un soupir en attendant le feu vert.

Elle ne dit rien, baissa légèrement les yeux vers sa main sur sa taille, sentit son bras contre ses omoplates, son épaule contre sa nuque.

Lorsque le feu passa au vert, il avança, laissa glisser sa main dans son dos pour la lâcher mais elle attrapa son bras pour le garder. Il baissa les yeux vers elle, l'air dédaigneux et elle haussa les épaules, ne dit rien de plus. Il la laissa faire, continua de tracer sa route, mine de rien.

-"Mon père vient à la maison, cet après-midi." Dit-elle soudain tandis qu'ils longeaient une rue.

-"Ravi de le savoir." Ironisa le garçon.

Elle lui donna un coup de pied et il retira son bras pour lui taper le crâne.

Finalement, tandis qu'ils arrivaient devant son immeuble, elle s'arrêta, lui fit face.

Ils ne parlèrent pas, durant de très longues minutes.

-"Je n'ai pas peur de toi." Dit-elle finalement.

Il resta tut, détailla ses veines visibles dans son cou qui se gonflaient dès qu'elle avalait sa salive, ses cils recourbés qu'elle avait cessé de s'arracher depuis quelques temps.

-"Tu devrais." Répondit-il soudain. "Tu devrais avoir peur des gens comme moi."

-"J'ai peur des gens comme toi." Assura Isabel. "J'ai peur des sorciers. Mais je n'ai pas peur de toi."

-"Tu devrais." Répéta le garçon.

Elle voulut dire autre chose. Voulut demander s'il regrettait ce qu'il s'était passé, la nuit juste avant. Voulu lui demander pourquoi il n'était pas resté, la matinée se levant. Pourquoi l'avait-il déposé sur son lit et était partie durant la nuit.

Mais elle ne le fit pas.

-"J'y vais." Elle se racla la gorge. "Mon père ne dort pas, cette nuit. J'espère que tu veilleras sur mon appartement."

-"Je demanderai à d'autres de le faire." Elle leva les yeux vers lui, ne comprit pas. "Je serais occupé, ce soir."

-"Je vois."

Elle ne sut pas quoi dire, fit demi-tour, monta dans son immeuble, dans sa cage d'escaliers.

Lui la regarda partir, ses cheveux volant sur le vent hivernal.

Voulu lui dire qu'il regrettait tout, qu'il regrettait que ce soit une moldue, qu'il soit un sorcier. Voulut lui dire qu'il regrettait d'avoir aimé, d'avoir ressenti tout son être se tordre dans son âme tandis qu'ils s'étaient aimés le temps d'un soir.

Parce qu'au lever du soleil, elle restait une moldue, et il restait un Mangemort au bras tatoué.

Mais il ne le fit pas.

𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant