-"Maman."
La voix morne d'Isabel ne laissait paraître que l'amertume qu'elle avait en la voyant ainsi débarquer dans son appartement.
-"Tu t'es encore disputée avec papa ?"
Elle croisa les bras sous sa poitrine, fixant la grosse valise que sa mère posait sur son parquet verni.
-"Ce n'est pas pour longtemps, Mint." Elle eut un sourire faiblard. "Ton père n'est pas en tort, tu sais."
Isabel fronça les sourcils.
-"Je ne comprends pas."
-"Mes médicaments coûtent chers, tu sais. Il ne veut juste pas que l'on finisse à la rue par ma faute."
Sa fille ne dit rien durant un instant, semblant ne pas comprendre, puis soupira.
-"Tu veux que je t'en paie une partie, c'est ça ?"
Les yeux de sa mère se mirent à pétiller et elle hocha vivement la tête.
-"Tu pourrais le faire, pour moi ?" Osa-t-elle murmurer en attrapant ses mains chaudes dans les siennes, fripées.
Isabel détourna le regard, la mâchoire contractée. Avait-elle le droit de refuser ? Avait-elle seulement le courage de le faire ?
-"Bien sûr, maman."
Sa mère esquissa un sourire et alla s'asseoir sur le canapé, sortant plusieurs choses de son sac à main. Isabel laissa sa robe glisser sur le plancher et s'affala sur une chaise qu'elle fit crisser pour la poser face au canapé.
-"Regarde ce que je t'ai apporté, pour te remercier de m'accueillir."
Elle posa sur la table basse des cookies fait maison et quelques cartes postales de France.
-"Merci-" Isabel eut un tic qu'elle cacha sous un sourire. "maman."
-"Avec plaisir, j'ai tout de suite pensé à t'en garder quand tante Margaret me les a donné." Elle lui fit un clin d'oeil en désignant les cookies.
La délicate attention de sa mère laissa Isabel indifférente et elle regarda avec dédain les cookies préparés par sa tante qui ne lui étaient, au début, pas destinés.
-"Bien, je vais aller travailler." Elle prit ses affaires en se levant, évitant délibérément le regard de sa mère. "Je ferais des heures supplémentaires pour tes médicaments, alors ne m'attend pas pour le dîner, maman."
-"Merci Mint." Elle eut un grand sourire que sa fille ne vit pas puisqu'elle mit ses chaussures en vitesse et claqua sa porte derrière elle.
Le silence revint, et sa mère eut un soupir en rangeant ses cookies dans sa boîte, un par un.
*****
-"Tu ne rentres pas ?"
Venant de finir avec un client, Isabel se tourna vers son collègue.
-"Docteur Cohen." Elle esquissa un sourire. "Je fais quelques heures supplémentaires."
Le médecin hocha la tête et se racla la gorge.
-"Moi également, je remplace un ami qui était occupé ce soir."
Elle sourit de nouveau et se rassit à son bureau pour terminer de trier ses documents à la lueur des lampes au plafond.
Elle releva les yeux lorsqu'un homme entra dans la salle d'hôpital, et son expérience l'alerta immédiatement de son état d'ébriété. Elle se leva, époussetant sa robe, et l'appela d'une main.
-"Bonsoir, que puis-je faire pour vous ?"
L'homme releva - enfin - les yeux vers elle et tenta de reprendre contenance en s'accoudant sur son bureau.
-"Salut toi." Il retint un hoquet avec sa main. "Je voudrai un peu d'alcool fort."
Elle sentit ses muscles se tendre mais garda bonne figure.
-"Pour quel genre de blessure, monsieur ?"
Il sembla réfléchir, la tête en l'air.
-"Du quatre-vingt dix degrés pour nettoyer les blessures profondes." Il fit un clin d'oeil en montrant son coeur et elle tiqua.
-"Je suis navrée, l'alcool proposé n'est pas consommable."
Il leva les mains en l'air, outré.
-"Je suis pas là pour boire votre alcool, Mam'zelle." Il hocha vivement la tête comme pour confirmer ses propres dires. "C'est pour me soigner."
-"De toute façon, il vous faut une ordonnance." Mentit la jeune femme.
Saoul qu'il était, il fronça les sourcils, ne remettant pas en cause son autorité.
-"Mince, j'ai du l'oublier chez moi." Murmura-t-il en hurlant.
Le médecin sortit de son cabinet, curieux de ce boucan qu'il faisait.
-"Vous avez ma parole, alors." Il tendit son bras pour qu'elle serre sa main mais son collègue lui barra la route de son corps, le fixant de sa hauteur.
-"Monsieur." Il posa ses mains sur ses épaules en souriant tout en le faisant reculer. "Je suis navré mais je dois vous demander de partir."
-"Comment ?" L'homme refoula un autre hoquet. "Mais j'ai besoin d'-"
-"Me forcez-vous à appeler la sécurité ?"
L'homme se tut et sembla évaluer la situation.
-"Très bien. Bonne soirée monsieur."
Le médecin le lâcha et ce dernier fit demi-tour, chancelant et jurant dans sa barbe.
Le médecin se tourna vers Isabel qui sourit.
-"Il n'était pas bien méchant, docteur, j'aurai pu m'en occuper." Dit la jeune femme et il rit.
-"Offre-moi un verre pour compenser, alors."
Elle ne dit rien durant un moment.
-"Je te promet de te négocier une promotion." Il haussa les épaules comme pour la tenter.
Elle se mordit la lèvre inférieure, fixant ses yeux.
-"Très bien." Finit-elle par soupirer. "Je terminerai tout ça demain matin."
Elle rangea ses affaires en vitesse et vida son bureau avant d'enlever son badge pour le ranger dans son sac.
-"Et je t'en prie." Il lui fit un clin d'oeil. "Appelle-moi Théo."
Elle leva les yeux vers les siens.
-"Appelez-moi Isabel." Elle sourit. "Théo."
Il hocha la tête et ouvrit la porte pour sortir de leur bâtiment, la tenant pendant qu'elle passait.
Puis, alors qu'elle marchait plus vite que lui, il la regarda s'éloigner lentement, passant dans l'autre bâtiment de sa gestuelle légère.
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𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]
FanficLa guerre, destructrice, laisse derrière elle un goût amer de vengeance inachevée. Et si pour certains la victoire se fête, d'autres préfèrent se terrer pour ne pas montrer l'humiliation que la défaite leur avait causé. Un petit bar, entre Élise et...