-"Maman."
Isabel grimaça, dans son lit froid.
-"Maman."
Elle n'était pas une enfant. Elle n'était pas un nourrisson, ni une jeune fille en quête d'amour.
C'était juste une femme à qui on avait arraché son enfance, tard dans une nuit froide.
Elle ouvrit un oeil, tremblant, ne voulant s'avouer ce qu'elle venait de penser.
Il était tard, la nuit. Le soleil peinait à se lever, les coqs somnolaient encore dans leurs poulaillers.
Elle composa le numéro de Barbara mais personne ne décrocha.
Tapa celui de son père, attendant dans le silence du répondeur.
Laissa ses jambes lentement s'échouer sur le sol, le dos contre le mur de sa chambre, recroquevillée comme un animal blessé attendant d'être en sécurité pour se soigner.
Mais elle n'était ni en sécurité, ni soignée.
Alors elle posa son menton sur ses genoux, les bras enserrant ses jambes flageollantes, les doigts de pied écartés sur le plancher froid, le vernis écaillé.
Elle n'arrivait pas à dormir, désormais que les étoiles brillaient si forts comme pour annoncer l'arrivée de celle qu'on lui avait arraché.
*****
-"Je t'ai déjà dit de ne pas venir, Pansy."
Draco eut un soupir, se levant de son piano pour aller ouvrir la porte à demi.
Quelle ne fut pas sa surprise en ne voyant pas la brunette habituelle et son air renfrogné, mais bien la jeune moldue aux yeux noirs de cerne et aux bras encombrés.
Il la toisa, de haut en bas puis de bas en haut.
-"Je t'ai apporté des rochers à la coco." Murmura-t-elle avec un vain espoir.
Elle n'était pas partie, au final. Cet adieu d'autrefois n'avait été qu'un adieu d'un jour, elle revenait le voir comme s'il possédait tout ce qu'elle désirait. Un manque d'attention qu'elle pensait qu'il lui donnerait.
-"Retourne chez toi."
Il commença à refermer la porte mais elle y mit son pied pour la bloquer.
Il releva les yeux, froid.
-"Je ne dirai rien." Promit-elle. "Aucun bruit, aucun son. Laisse-moi juste me reposer un peu."
-"Tu as un lit, chez toi."
Le regard de la jeune femme se perdit dans le vague, un court instant.
Il ne comprenait pas, alors.
Qu'elle n'en avait pas, en réalité, même si elle en avait un.Il fixa ses yeux qui regardaient ailleurs, perdus dans les airs.
Attrapa sa boîte de gâteaux, ouvrit la porte d'un pied, se tourna pour retourner à la cuisine.
Entendit le claquement familier de sa porte, et les bruits de pas d'Isabel qui était entrée.
Elle déposa son écharpe dans un coin du porte-manteau et alla s'asseoir sur le canapé, sans un bruit, sur la pointe des pieds.
-"Je ne veux rien entendre." Il ne daigna pas la regarder, évaluant son talent en cuisine en grimaçant devant les rochers ressemblant à des roues de voiture écrasées.
Elle ne répondit pas, hocha la tête, se recroquevilla sur le canapé, prenant à peine plus de place que si elle avait été un oreiller, la tête entre les jambes, les cheveux cachant son visage, les bras tenant fermement l'un à l'autre pour ne pas sombrer.
Draco reposa la boîte et retourna sur le piano, soupirant, changeant de morceau.
Posa ses doigts fins sur les premières touches, prêt à entamer la partie.
Appuya sur la première note qui s'éleva dans l'air, doucereuse.
Il lui semblait que ses muscles se détendaient, soudain. Rien n'arrivait à le détourner des notes inscrites sur le papier. Rien ne pouvait, pas même les oisillons partant se coucher au-dehors, interrompre sa mécanique chanson.
C'était ce qu'il avait appris à faire depuis son enfance, ce qui lui était destiné. Les doigts sur les touches, une seule même entité qui vivait en harmonie avec le reste de son corps qui suivait le rythme. Il ne se sentait plein que lorsqu'il entendait les notes bercer ses oreilles brisées.
Et alors il jouait. Encore, encore et encore, jusqu'à ce que plus rien ne paraisse vain. Un morceau, encore un autre, plus vaillamment, plus rapidement, plus durement, comme s'il accrochait désespérément aux notes pour survivre.
Et lorsque le dernier papier tomba sur le sol et qu'aucun ne précédait celui-ci, il s'arrêta, respirant fort comme si son concert l'avait épuisé.
Il se racla la gorge, regarda au-dehors les premiers rayons du soleil, ne ressentant ni la fatigue ni la chaleur du mois d'avril.
Il posa son regard sur le canapé, ne voyant en dépasser qu'un bout de cheveux. Il se leva, attrapant ses morceaux, refermant son piano, alla chercher un rocher pour assouvir son appétit, se tourna sans grand intérêt vers son canapé vide.
Non, il y avait quelque chose, un tout petit rocher qui semblait respirer, contre l'accoudoir.
Il s'approcha, eut un soupir.
Attrapa la couverture sur un des fauteuils, tira les jambes de la jeune femme pour l'allonger, déposa la couverture sur ses membres tremblants, dégagea son visage de ses cheveux fins.
Il sentait son souffle sur sa main, régulier. Voyait les sillons des larmes salées qui avaient séchées sur ses joues rouges.
Il grinça des dents, ouvrit les fenêtres pour fermer les volets, éteignit sa bougie.
Et partit de l'appartement, ayant un rendez-vous.
Il ferma la porte à clef, descendit les marches des escaliers, attendit d'être dehors pour transplaner.
Il s'arrêta devant un magasin pour homme, regarda la devanture ouverte, entra.
-"Draco Malfoy."
Il se tourna vers l'homme aux longs cheveux de jais, portant une robe trop serré pour lui, aux yeux violets certainement changé la veille sur un coup de tête.
-"Marth Gilbert."
Sa voix s'enroula autour de son cou, silencieuse, malicieuse. Il s'avança, de sa démarche nonchalante, les mains dans les poches de son pantalon.
-"J'ai entendu dire que tu avais besoin de mon aide - encore." La voix aigu de l'homme résonna dans le magasin sombre. "Que me donnes-tu, en échange, cette fois ?"
-"Après la dernière fois, je pensais que tu me ferais un prix." Draco haussa un sourcil, négociateur.
-"Allons." L'homme fit la moue. "Ce serait mal me connaître."
Draco sortit quelque chose de sa poche, une bague sertie de diamants et saphirs.
Marthe la regarda, longuement, avant de l'attraper. Il croqua, vérifia.
-"Où l'as-tu trouvé ?" Il parut impressionné. "C'est une bague de femme. Celle de ta mère ? De ton ancienne fiancée ?"
Draco claqua sa langue contre son palais.
-"Commençons les affaires, veux-tu ?"
Il désigna une chaise où s'asseoir.
Et, au loin, la jeune Isabel endormie posa son visage sur sa main sans se rendre compte qu'un de ses doigts se sentait nu, privé de son habit de diamants.
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𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]
FanficLa guerre, destructrice, laisse derrière elle un goût amer de vengeance inachevée. Et si pour certains la victoire se fête, d'autres préfèrent se terrer pour ne pas montrer l'humiliation que la défaite leur avait causé. Un petit bar, entre Élise et...