~Eighty-five

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Je ne t'attendrai plus. Alors ne vient pas.

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Elle semblait être enfermée dans un étang noirâtre de vie morte.
Ils se poussaient, se bousculaient, les amas de chair se marchaient dessus en quête de merci qu'ils ne trouvaient pas.

Les hurlements s'intensifiaient, ils brûlaient dans les flammes de l'enfer de la Terre.

Isabel s'était relevée, aidée par son cousin mais ça ne servait à rien : les étages inférieurs avaient été saccagés par l'avion qui les avait percuté. Autrement dit, ils ne pouvaient pas descendre.

Ils s'étaient rassemblés, comme de stupides animaux devant l'appel de la vie, près des trous éclatés menant aux étages inférieurs. Oui, certains avaient l'espoir que de sauter au travers des quatre étages brûlés jusqu'à ceux du dessous les sauverait.

Les personnes du dessous partaient, ne tentaient même pas de les aider, c'était chacun pour soi chez les humains et ça l'avait toujours été.

-"Ils amènent une échelle !" S'écria l'un d'entre eux et effectivement, des étoiles descendus du ciel ramenèrent une échelle qu'ils posèrent sur les bords brulés des étages qui s'étaient écrasés sur eux-mêmes. L'échelle n'arrivait même pas à la moitié du chemin mais ça suffisait.

On commença à faire descendre les femmes en premier, on les attrapa par les mains et on la fit descendre petit à petit jusqu'à ce que ses pieds ne frôlent l'échelle qu'ils tenaient d'en bas.

Et dès lors que la première personne redescendit en vie, ils se ruèrent dessus, se tirèrent, se poussèrent.

Ca avait toujours été le vice de l'homme et ça le serait toujours.

-"Laissez passer les femmes !" Hurla un homme mais sa voix se perdit dans le flot de violence. Certains se firent pousser, se rapèrent contre les bords tranchante des sols des étages qu'ils traversaient.

Isabel qui ne s'aventurait même pas vers le trou se faisait pousser, violenter comme si le propre de l'homme était d'être voué à subsister au dépend de ses semblables.

Son cousin l'attrapa, tenta de la ramener à lui, elle pouvait apercevoir dans ses yeux la Mort qui préparait son combat.

Mais elle n'avait pas peur. Elle attendait celui qui viendrait, jusqu'au bout elle espérait.

Il était loin, si loin et pourtant elle semblait l'entendre, sentir sa respiration sur sa nuque.

-"Viens." Isabel tira son cousin, l'attira vers les vitres où elle s'était accroupie pour admirer la vie s'éteindre autour d'eux. "Attendons que la masse se calme."

-"Il faut sortir."

-"Il faut sortir en vie. Ca ne sert à rien de se faire écraser maintenant."

Son cousin s'assit, près d'elle, admira les flammes, leur tour jumelle s'éteindre, s'effriter comme du papier mâché.

Avait-ce été en vain ? Ils construisaient, batissaient, développaient mais tout finissait par mourir, dépérir, sans qu'eux ne puisse rien faire d'autre que regarder, impuissant, la nature leur rappeler qu'ils n'étaient rien de plus que des grains de sable dans l'océan de l'espace qu'ils tentaient d'atteindre.

Ils étaient dans les étoiles. Lui, elle, eux, ensemble dans le ciel si clair, si sombre pourtant, comme si le soleil caché derrière la fumée noirâtre s'affaiblissait de voir ses tendres enfants périrent sous les flammes ardentes qu'il n'arrivait pas à laisser mourir.

-"Mon enfant !" Hurla une femme que l'on forçait à descendre, la plupart des gens étant déjà descendu. "Mon enfant !"

Isabel se tourna vers la femme qui criait, se débattait jusqu'à ce qu'on la donne à ceux déjà de l'autre côté de la rive.

Elle se leva, s'approcha du trou par lequel son cousin aidait la dernière personne à descendre.

-"Où est-il, votre enfant ?" Demanda Isabel à la femme qui hurlait dans les bras d'une autre.

-"Il est dans mon bureau, il jouait avec ses poupées pendant que j'allais imprimer des documents." Murmura-t-elle en un souffle. "Près de la porte de secours."

-"Allons-y, Mint." Son cousin la regarda. "Nous n'avons pas le temps. Descends."

Il avait raison. Le bâtiment allait tomber d'une seconde à l'autre, ils avaient l'impression d'être là depuis des secondes alors que ça faisait plusieurs dizaines de minutes que tout avait commencé.

Mais Isabel recula d'un pas, fixa son cousin qui lui tendait sa main.

-"J'arrive." Promit-elle et elle se mit à courir en sens inverse, de toutes ses forces vers les bureaux, entendant le grondement de la tour d'à côté qui finissait de mourir, tombait comme un château de cartes, si risible.

*****

-"Maman !"

Isabel se mit à hurler, taper, pleurer de toutes ses forces pour que quelqu'un vienne la chercher.

-"Maman !" Hurla-t-elle de nouveau.

Était-elle seule ? Ils étaient tous partis, l'avaient tous laissés.

On lui ouvrit la porte - elle courut dans le salon de l'aéroport, chercha de ses petits yeux ses parents, n'importe qui qu'elle pourrait reconnaître, qu'elle pourrait appeler.

Mais il n'y avait personne, personne d'autres que tous ces inconnus qui se baladaient comme si elle n'existait pas.

Elle tapa contre une autre porte menant à un autre salon, un passant lui ouvrit - mais là encore, il n'y avait personne.

L'avait-on abandonné ?

Son coeur se contractait, rétractait, elle avait du mal à respirer dans son petit corps tremblant.

Elle était si petite dans l'entièreté du monde.

-"Mint."

Un souffle, soudain. Les couleurs reprenaient vie, son coeur battait plus vite. Elle se tourna vers Colin, courut l'enlacer tandis que ses parents arrivaient en courant.

-"Je t'ai déjà dit de ne pas t'éloigner." Hurla sa mère en attrapant son bras pour ne pas la lâcher.

-"Il y avait des jeux." Murmura la petite en baissant la tête.

Son père ébouriffa ses cheveux ébène.

-"On est là, maintenant." Fit son frère en s'approchant. "Ne pars plus."

Oui, elle ne partirait plus. Elle ne serait plus celle qui partirait.

*****

-"Maman !"

Le petit se mit à hurler, taper, pleurer de toutes ses forces pour que quelqu'un vienne le chercher.

-"Maman !" Hurla-t-il.

-"Je suis là."

Isabel ouvrit la porte à la volée, s'accroupit pour le regarder dans les yeux.

-"Allons voir ta maman." Dit-elle et elle attrapa son bras, ne le lâcha pas.

Le petit la suivit, n'aurait sans doute pas dû mais c'était la seule chose qu'il pouvait faire.

Et elle se mit à courir en sens inverse, le bâtiment d'à côté explosant en un millions de morceaux fumants.

𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant