~Forty-eight

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Non, je pense qu'il ne m'est jamais arrivé de me sentir bas au point de ne plus voir que la lumière qui se bat pour vivre dans mon regard froid.
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Matthieu s'effondra, sur le sol.
Le silence revint comme si tous leurs cris n'avaient été que vains. Ils se regardèrent, dans leur tout dernier instant, cherchant dans le regard des autres le Pardon qu'ils n'avaient jamais reçus.

-"Qui êtes-vous ?"

C'était ridicule, de tenter de garder contenance alors que ses pieds frôlaient le cadavre froid de son détestable ancien ami de promo.

Même sa voix tremblait, presque autant que ses mains.

-"Tu n'as pas besoin de le savoir, Isabel." Elle fit la moue. "Tu as juste besoin de mourir."

Elle ne faisait guère attention aux autres, cela se voyait. Aussi ils prirent leurs jambes à leur cou, comme ils étaient censés le faire. Ils fuîrent, coururent pour leur vie hors du restaurant vide, et Isabel resta face à la femme qui pointait son bout de bois sur elle.

Trop de souvenirs remontaient.

Lui, elle, eux, rien.

Elle avait un dessin, sur le bras, visible sous sa chemise transparente. C'était étrange, elle était certaine de l'avoir déjà vu quelque part, ce tatouage.

-"J'appelle la police." Barbara chercha son téléphone parmi les morceaux de chaise éparpillés que l'inconnue avait cassées.

-"Laisse." La voix sérieuse et calme d'Isabel la fit s'arrêter. "Ça ne sert à rien."

Ce n'était pas la police qui allait les aider.
En réalité, ce n'était personne, bien qu'elle espérait que ce soit quelqu'un qui ne risquait pas d'arriver.

Quelqu'un qui, soudainement, arriva.

Il brisa la porte, entra sans préavis, la veste repassée.

-"Sors d'ici, Tani."

Draco leva les yeux, l'air exaspéré, vers la femme qui eut un sourire.

-"Draco." Souffla-t-elle. "Je ne pensais pas que tu viendrais réellement pour elle."

-"Il ne vient pas pour elle." Henri arriva à son tour. "Je viens pour elles, et lui m'accompagne."

Isabel ne comprenait pas, ne semblait pas vouloir comprendre, persistait à ne pas comprendre.

Henri alla chercher Barbara qui tremblait, près d'Isabel, et Draco s'approcha d'elle, la poussa sur le côté.

-"Sortons, ne reste pas plantée là comme une idiote."

Il la regarda de haut comme si c'était une enfant qui ne voulait pas quitter l'anniversaire de son ami.

-"Ne penses pas t'en sortir comme la dernière fois." L'inconnue - qui n'était, elle, pas partie- avança d'un pas. "Pars, Draco. Il te suffit de me la laisser."

-"Il te suffit de la fermer, Tani, juste une fois." Il leva son index pour lui montrer.

-"Sors-la." Elle désigna sa poche. "Qu'est-ce que tu attends ? Que je te tue ?"

-"Tu ne le feras pas."

-"Tu as peur." Argua-t-elle. "Qu'elle sache." Elle désigna Isabel qui décidément se trouvait bien idiote.

Était-ce une blague ?

Non, ce n'en était pas une. Matthew ne bougeait pas, sur le sol, comme le grand oublié de la Mort.

-"Appelons la police." Suggéra Barbara en tirant la manche d'Henri mais il ne lui répondit pas. "Partons vite."

Tani se tourna vers elle, agacée.

-"Fait-la taire." Elle la désigna. "Ou Je le ferais."

Henri mis son bras devant la rouquine qui continuait de demander d'appeler la police.

Quelque chose sortit du bout de bois, soudain. Isabel n'entendit pas bien les mots, cru les avoir mal compris mais les reconnut. Les mêmes mots qu'elle avait entendu, des semaines auparavant, dans une ruelle mal éclairée dans une nuit automnale.

Henri se mit devant Barbara.
Draco sortit quelque chose de sa poche, le pointa, murmura, son bras levé devant Isabel qui le regarda faire.

Sa lumière pâle détruisit celle de Tani en un millions de confettis verts.

Il continua : un autre rayon de lumière qui la fit vadlinguer jusque dans les cuisines, et un autre qui la manqua, puis encore et encore jusqu'à ce que finalement elle lève la tête vers le ciel et ne disparaisse en un écran de fumée noire.

Draco resta ainsi, le bras levé, les yeux rivés face à lui comme si elle risquait de réapparaître.

Henri posa sa main sur la tempe de Barbara, lui fit quelque chose, l'endormit.

Isabel le vit depuis sa vision panoramique, fixait quelque chose, tout autre chose.

Draco tourna légèrement la tête vers elle, enfin, pour vérifier qu'elle était toujours entière. Leurs regards se croisèrent.

Il sembla qu'une éternité passa, lui face à elle, elle face à lui.

-"Tu es l'un des leurs." Murmura-t-elle les yeux grands ouverts.

Il regarda son bras, sa marque luisant sous les lumières accrochés au plafond, puis se tourna de nouveau vers elle, se rendant compte que lui cacher les yeux lui était complètement sorti de la tête.

Il s'avança d'un pas. Elle en recula d'un.

-"Isa-" commença-t-il en levant un bras pour l'attraper mais il se tut, la regarda attraper un couteau posé sur la table, le pointer vers lui.

Il ne dit rien, la laissa faire, ses deux mains tremblants sur l'arme au bout rond.

-"Tu es comme eux." Elle ne semblait pas comprendre comment un tel monstre avait pu se cacher d'elle si longtemps.

-"Laisse-moi effacer ta mémoire, ce sera mieux pour tout le monde." Il eut un soupir, s'avança d'un pas mais elle recula de nouveau, les yeux commençant à la brûler.

-"Ne m'approche pas." Elle recula encore un peu, tremblante, désespérée.

Trahie.

Il était de la même espèce, de la même immondice que ceux qui les avaient tués, Théo, sa mère, le couple d'adolescent. Matthew.

En quoi était-il différent ? Il manipulait la lumière, avait des pouvoirs surnaturels.

Il pouvait la tuer.

La pensée qu'il avait en sa possession un pouvoir capable de les tuer, elle, Henri et Barbara la faisait trembler de terreur.

Était-il ici pour la tuer ? Il n'avait qu'à murmurer. Il n'avait qu'à la fixer pour qu'elle brûle au soleil comme une allumette attendant son étincelle.

-"Isabel." Dit-il d'une voix exaspérée.

Elle laissa échapper un sanglot effrayé. Il s'arrêta, semblant se rendre compte de ce qu'il se passait.

Ses yeux s'agrandirent sous l'effet de la surprise.

Elle tremblait de peur à cause de lui.

-"Reste là." Elle recula encore. "Laisse-nous partir. Je t'en prie, Draco, laisse-nous partir."

Henri s'avança, ne voulut pas faire de vagues, fixa Draco qui sembla comprendre.

-"Allons-y Isa."

Il l'attrapa par le bras, Barbara sur ses épaules, sortit du restaurant.

Isabel ne quitta pas Draco du regard, suivit son ami, le couteau dans ses mains. Et lorsqu'ils furent loin, Draco la regarda fondre en larmes sur le trottoir, évacuant son trop plein d'émotions sur le square.

Draco Malfoy était un monstre.

𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant