-"Laisse-moi au moins t'expliquer."
Draco eut un soupir et la poussa de nouveau contre un immeuble, tentant de la dégager de son chemin.
-"Attends."
Isabel eut un soupir, gardant ses papiers sous sa veste, essayant de suivre la cadence de celui qui essayait de la semer.
-"Je suis occupé, je n'ai pas le temps d'écouter tes idioties." Il tourna légèrement la tête en continuant de marcher. "Va en parler à quelqu'un qui se préoccupe de toi et de tes folies."
-"Personne ne se préoccupe de mes folies." objecta Isabel en courant pour le rattraper.
-"Dommage."
Elle devait partir. Il avait rendez-vous avec Angelina et ne la voulait pas dans les parages, elle le gênait et cette stupide moldue ne devait pas voir une sorcière en mission, il avait peur que cette dernière ait sa baguette en main et que la moldue n'arrive à assembler les pièces du puzzle.
-"Va voir Henri." Il eut un soupir et s'arrêta, à une rue de son point de rencontre. "Ou ton amie rousse, peu importe. Ou ton ami médecin, ou un autre moldu dans ton genre."
Il pinça les lèvres lorsque le visage de la jeune femme s'assombrit.
Oui, il avait oublié ce léger détail. Ça n'aurait pas du importer, ça ne l'intéressait en rien de se souvenir de ça, mais ça comptait pour elle, et il ne voulait pas blesser inutilement, même si elle était stupide et le méritait quelque peu.
-"Il est mort, mon ami médecin." dit-elle alors et il détourna le regard, fixant sa montre. "Je sais que tu t'en fiches, mais fait preuve de décence."
Il eut un soupir.
-"Pars, retourne chez toi. Je ne suis pas ta nounou, ne viens pas me voir dès que tu veux parler à quelqu'un. Ça ne m'intéresse pas, de te connaitre."
Mais ça l'intéressait, elle. Qu'il la connaisse. Qu'il la comprenne.
Elle avait l'impression -bien qu'elle lui paraissait en cet instant bien futile- qu'il était le seul à pouvoir comprendre ce qu'elle racontait et les idioties qu'elle déblatérait sur une possible cause de décès de toutes ses personnes.
Voyant qu'elle ne disait plus rien, il continua dans la ruelle, et eut le plaisir de constater qu'elle avait cessé de le suivre, un miracle depuis qu'il avait quitté le bar quelques dizaines de minutes plus tôt.
Elle serra ses papiers, sous sa veste. Oui, après tout, c'était ainsi. Le garçon n'avait que faire d'elle, c'était logique, leur seul point commun était le bar à l'angle de Pigma et Elyse, avec Henri.
Non, ils avaient autre chose. Ils avaient un autre point commun.
Elle releva la tête, se mit à avancer, bien décidée à lui en parler, elle qui avait décidé de taire le secret.
-"Ça t'intéressait, de me connaitre, il y a quelques semaines."
Sa voix résonna dans la ruelle mal éclairée, mais la silhouette devant elle ne se retourna pas, difforme.
Non, elle n'était pas difforme, grotesque. C'était simplement parce qu'il n'y avait pas qu'une seule silhouette.
Elle recula soudain d'un pas, lentement, les jambes flageolantes.
Il y en avait plusieurs.
Elle sentit soudain son crane tambouriner, fort, comme des battements de cœur effrénés, un avertissement divin qui la sommait de partir, vite, de courir.
-"Draco !" hurla-t-elle et il lui sembla que c'était la première fois qu'elle l'appelait soudain, une petite fille apeurée cherchant en vain la seule personne qu'elle connaissait.
Le dit Draco se retourna, détachant son regard des silhouettes aux masques de fer, et fixa la jeune femme, son regard terne et dénué de vie se posant sur ceux derrière lui.
Elle ne devait pas voir ça. La bataille qui allait suivre.
Pas parce qu'il ne voulait pas lui faire peur -il s'en fichait royalement.
Simplement parce qu'il n'avait pas le droit d'user de magie devant des moldus, et le faire risquerait de rompre toute chance de sortir de son Askaban.
Il fit demi-tour, ses grands pas contre le gravier, et l'attrapa par les épaules, collant son dos tremblants contre sa veste noire, sa main lâchant son bras pour cacher ses yeux vides, son auriculaire frôlant son nez, son pouce touchant la racine de ses cheveux. Elle avait un tout petit visage, il l'avait déjà remarqué la première fois, sa main effaçait presque entièrement sa tête s'il écartait quelque peu les doigts.
Là, cachée de tous et tous cachés d'elle, il pouvait commencer.
Il sortit la baguette de sa poche, la leva vers les intrus qui avaient sagement attendus, comme désireux d'une scène qui venait de se passer.
Il n'eut pas besoin d'user de magie.
Tous s'envolèrent, fumée noirâtre dans les airs aux parfums de mélasse.
Draco les regarda disparaitre dans le coucher de soleil, les yeux levées vers le ciel.
C'est alors qu'il le sentit -il ne l'avait pas remarqué auparavant.
Le parfum salé des larmes qui trempait sa main chaude.
Il la retira, dégouté, et ses yeux rencontrèrent sans le désirer ceux d'Isabel, dont les papiers étaient tombés sur le gravier.
Oui, c'était idiot, les traumatismes. C'était idiot, les souvenirs.
La mémoire sélective. A quoi cela lui servait-il, les traumatismes, si elle n'arrivait même pas à se souvenir du traumatisme en question ? Comme une ombre qui ne savait pas de qui elle faisait ombre, un arbre qui ne savait pas ce qu'il laissait pousser sur ses branches fleuries, un pont qui ne savait pas ce qu'il reliait, un monstre qui ne savait pas qui il effrayait.
Une partie d'elle-même qui refusait de se montrer mais qui pourtant signalait sans cesse sa présence.
Draco eut un soupir, accroupi devant elle, fixant ses yeux qui n'avait pas ligné depuis des dizaines de minutes, comme fixant l'horizon lointain, cherchant ce qui ne pouvait être trouvé et naviguant sur des mers asséchées.
Il se releva, attrapa sa main froide, ses papiers ramassées dans sa grande poche de veste, et la tira hors de la ruelle, faisant demi-tour jusqu'au bar.
Oui, il devait de toute façon tout raconter à Henri.
Autant y déposer une moldue cassée en chemin, histoire d'avoir la conscience tranquille.
![](https://img.wattpad.com/cover/312653547-288-k533255.jpg)
VOUS LISEZ
𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]
FanfictionLa guerre, destructrice, laisse derrière elle un goût amer de vengeance inachevée. Et si pour certains la victoire se fête, d'autres préfèrent se terrer pour ne pas montrer l'humiliation que la défaite leur avait causé. Un petit bar, entre Élise et...