~Fifty-three

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J'aimerai que l'on recommence tout.

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Ses joues s'étaient réchauffées, au contact de la mort. Étrangement elle ne voyait pas sa vie défiler, devant ses yeux pâles. Peut-être était-ce parce qu'elle n'était pas terminé.

La silhouette leva son bras, son bout de bois : son arme.

Elle frôla le mur, avec sa main, se tourna pour vérifier qu'elle ne pouvait pas l'escalader.

S'arrêta, le fixa comme si elle tentait de reconnaître quelque chose, les yeux soudain grand ouverts.

-"Avada Kedavra !"

Le sort la frôla, elle sentit ses yeux libérer ses larmes trop longtemps refoulée. Elle se tourna, dos à la silhouette dans une tentative désespérée. Elle tapa une brique, à droite, puis une autre à gauche, tapa deux fois sur une toute en haut et une autre au niveau de son ventre.

Il comprit, lui aussi, ce qu'elle faisait. Lorsque les briques s'embriquèrent les unes dans les autres pour libérer un passage, il comprit.

Elle sentit une bouffée d'air frais. Ses jambes s'avancèrent, elle se remit à courir, l'espoir remplissant ses poumons.

Elle bouscula un jeune homme avec un hibou, sentant la silhouette la suivre.

-"Draco !" Hurla-t-elle de toutes ses forces, sentant son coeur la lâcher.

Elle ne souhaitait pas l'appeler. Mais les cris de détresse ne se contrôlaient pas, et elle sentit sa gorge se serrer.

Il n'était pas dans la rue alambiquée.

-"Isabel ?"

Elle se tourna, les joues trempées, le cœur battant dans ses tempes.

Elle regarda le garçon qui la fixait, sans comprendre.

-"Blaise." Souffla-t-elle.

Le garçon regarda d'où elle était venu, vit la silhouette les fixer, la baguette en main. Sentit sa mâchoire se contracter, s'approcha de la jeune femme tremblante, se mit devant elle.

Puis la silhouette se fondit dans la masse, s'avoua vaincu, disparut.

Pansy regarda son ami, depuis son banc, semblant comprendre.

-"Il est parti." dit le garçon en se retournant vers Isabel.

Elle le regardait, l'air hagard, sans réellement comprendre, le pouls encore battant, la vision altérée.

-"Qu'est-ce que qu'il se passe ?"

Une autre voix s'approcha, alertée. Harry fronça les sourcils, regarda le mur qui se recomposait, disparaissait, puis la chose tremblante qui n'osait les fixer.

-"C'est elle." Blaise la désigna du menton. "La moldue."

-"Que fait-elle dans le chemin de traverse ?"

Ginny s'approcha, ayant terminé d'acheter ses fournitures scolaires avec Harry.

Aucun ne répondit parce que la seule personne le pouvant se murait dans le silence le plus absolu, n'étant même pas pleinement consciente d'être encore là, entouré de monstres.

Mais peut-être, alors, était-ce elle, le monstre.

-"Un Mangemort la suivait." Pansy s'approcha, une bouteille d'eau en main, la tendit à Isabel qui la fixa, l'air de se demander ce qu'elle avait mit dedans.

Harry ne dit rien, fixa la moldue qui tremblait comme un chiot abandonné.

-"Je vais la ramener chez elle. Ginny, va voir Hermione au ministère, explique-lui qu'il faut renforcer la sécurité dans la rue d'Isabel."

Ginny hocha la tête, s'apprêta à partir.

-"Pourquoi faire ?" les regards se tournèrent vers Pansy qui levait un sourcil. "Qu'est-ce que ça changerait, qu'ils tuent une moldue ? Elle n'a aucune information utile à nous apporter, de toute façon."

C'était logique, dans un sens, de penser comme ça. Tout comme les moldus ne se souciaient guère des autres espèces, les sorciers ne devaient protéger qu'eux-mêmes comme ils l'avaient toujours faits. Parce que, si l'inverse devait se produire, les moldus laisseraient le sorcier, le monstre, à son pauvre sort. C'était, et ça avait toujours été ainsi.

-"Parce qu'on est différent d'eux." répondit le garçon.

Et sans savoir s'il parlait des moldus ou des mangemorts, Pansy le vit s'approcher d'Isabel comme s'il s'approchait d'un animal apeuré, l'entourer de ses fins bras, et disparaitre dans un écran de fumée.

Blaise la regarda, fixer l'endroit vide, comme si toute sa vie ne se résumait qu'autour des simples mots que l'Élu avait prononcés.

Il attrapa la bouteille d'eau, en but un peu.

-"Allons-y, Cissy." Blaise attrapa sa taille, attendit qu'elle le remarque, qu'elle ne fasse quelque chose.

-"Ils sont vraiment tous fous." finit-elle par murmurer, le visage enlaidit par une grimace de dégoût.

Dégoût envers elle-même ou dégoût envers cette femme qu'elle n'aimait guère, elle finit par suivre Blaise dans les rues étroites.

                                                                                *****

-"C'est chez toi."

Harry leva les yeux vers l'immeuble sale. Isabel, semblant revenir à la raison, recula soudain, comme effrayée de se tenir trop près de lui.

Il détailla les traits de son visage, les tremblements de ses lèvres, la pâleur de ses joues, la noirceur de ses cernes. Il eut pitié de la chose qu'elle était, jeune nourrisson dans un monde bien trop dangereux pour elle.

-"Je vais aller prévenir Draco, si ça te rassure." Dit-il d'une douce voix.

C'était la chose la plus étrange qu'il lui ai été donné de dire. Draco qui rassurait une moldue.

Son visage s'agrandit.

-"Non." Souffla-t-elle aussitôt. "Ne lui dites rien."

Il pencha la tête, en comprit pas. Elle déglutit, se massa le bras, détourna le regard.

-"Vous aussi, vous l'avez, la marque ?" murmura-t-elle, n'osant le crier.

Il comprit. Il baissa le regard, des souvenirs remontant.

-"C'est la marque des mangemorts." dit-il d'une voix plus calme. "Celui qui t'a attaqué en était un."

-"Celui qui a tué Théo aussi."

Elle se perdait dans ses propres souvenirs. La marque noire, luisante sous le clair de lune. Ce n'était pas un serpent, qui s'était enroulé autour du poignet de l'assaillant, cette nuit-là. C'était le tatouage d'un serpent.

-"Draco a la même." Elle déglutit, sentant son cœur se serrer. "Draco a la même marque."

-"Draco a fait des choix qu'il regrette." Harry s'approcha d'un pas mais elle recula. "La marque est indélébile. Il ne pourra jamais l'enlever. Mais, avec le temps, il finira par l'oublier. Il n'est pas comme eux, tu sais, Draco. Il ne tuera jamais personne."

-"Qu'est-ce qui me le garantie ?" Elle leva enfin les yeux, embués de larmes, à demi-sourire. "Toi aussi, tu en es un. De sorcier. Comment est-ce que je peux faire confiance à des gens qui ne sont pas comme nous ?"

-"Tu ne peux pas." Répondit Harry. "Et pourtant, si tu ne voulais pas me faire confiance, tu ne serais pas là, à me parler."

Elle se mordit la lèvre inférieure, se tut.

-"Rentre bien." Il ne dit rien de plus car il avait oublié son prénom.

Alors, Isabel fit le code de son immeuble, le cachant de sa vue, puis entra, referma juste derrière elle. Et le regarda disparaitre depuis sa cage d'escaliers, les yeux dans le vague, le cœur desséché.


𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant