Draco s'assit péniblement sur une chaise haute près du comptoir du chaudron baveur.
Il regarda la lettre dans sa poche, qu'il n'avait pas ouverte depuis qu'il l'avait trouvé dans son appartement.
Il avait déménagé, était revenu vivre chez ses parents. Avait aidé à la capture des derniers Mangemorts, avait retrouvé sa vie d'avant.
Il eut un soupir, la sortit de sa poche, la regarda longuement, l'écriture d'Isabel encore claire sur le papier jaunie.
Devait-il la lire ? Il sentit sa gorge s'assécher, hésita, la main tremblante devant le bout de papier.
Puis, d'un souffle, il l'ouvrit.
"Cher Draco,
Je t'écrit cette lettre parce que je sais que je n'aurai pas la force de tout te dire de vive voix.
Tu sais pourquoi le mot âme-soeur n'a pas d'antonyme ? Parce que deux âmes ne peuvent se haïr éternellement. Comment avait-je fait pour ne pas me rendre compte que les nuits les plus noirs semblaient, à tes côtés, remplies d'étoiles ? J'aimerai que l'on recommence tout, tu sais. Rien n'a jamais été l'histoire d'une coïncidence, entre nous. L'amour n'avait pas de sens sans toi, la vie n'avait pas de sens sans nous. Tes yeux m'apportaient une étouffante sensation de chaleur, et je ne savais pas si c'était parce que tu risquais de me bruler les ailes ou si c'était parce que tu réchauffais mon cœur froid dans les nuits les plus sombres. Nous deux, seuls face au reste du monde, ma main sur ta nuque, la tienne sur ma peau nue, rien que l'instant court d'une vie, le long moment d'un temps. Oui, il y avait des moments où je ne ressentais rien d'autre que toi, et le nous que tu me faisais aimer. S'il n'y avait eut que nous alors oui, j'aurai pu vivre avec toi à jamais. Mais tu sais, au fond je savais que nos mondes ne pouvaient se croiser sans s'enliser. Et pourtant, crois-moi, j'ai essayé.
Tu te souviens de nos débuts ? Si tu m'avais expliqué dès le début tout ce que tu me cachais, je t'aurai aidé. Je t'ai toujours aidé. Et nous voilà désormais : deux âmes errantes.
Je pense qu'il ne m'est jamais arrivé de me sentir bas au point de ne plus voir que la lumière qui se bat pour vivre dans mon regard froid. J'ai cru, jusqu'au bout, ce que je savait. Mais désormais je ne sais plus. Je t'avais dit, que j'avais une raison de rester et des milliers de partir. C'est lorsque ma lumière s'est retrouvée petit à petit coincée dans tes ténèbres que ma raison de rester n'était plus suffisante pour m'empêcher de partir. Comme on dit, le vrai tombeau des morts est le coeur des vivants. Je ne peux plus servir de tombeau, Draco. Le deuil, je ne peux l'endurer.
J'ai tout fait pour toi. Et j'aurais fait plus encore, crois-moi, parce qu'il n'y avait rien d'autre que toi dans mes pensées, et rien d'autre que toi dans mes cauchemars. Et j'ai lutté de toutes mes forces contre ce désespoir qui me gagnait, parce que je ne voulais pas me dire que tout avait été en vain, mais il était plus fort que tout : plus fort que toi, même. Lorsque j'ai tout perdu : lorsqu'ils sont tous partis, j'étais brisée, salie, damnée, et pourtant je n'en voulais qu'à moi-même pour m'avoir laissé t'aimer. Et ce fut à ce moment que je m'éteignis, sèche dans la nuit froide d'un hiver assoupi. Nous n'avons rien à nous reprocher, et notre mérite était de rester debout malgré tout ce qui aurait pu nous faire tomber. Tu sais, l'amour ne blesse pas, ce sont les personnes qui ne savent pas aimer qui font du mal. Peut-être faut-il croire que l'on s'aimait mal. Tu m'as brûlé, à jamais, tu as marqué ma peau avec un désir que je ne pourrai jamais assouvir. Alors le seul moyen pour moi de vivre, c'est de te laisser me faire partir. "Aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit." C'est ce que tu m'avais dit. Et, comme deux hirondelles aux ailes coupés, j'ai du sacrifier les miennes pour te voir voler. C'est drôle tu sais, je me dis souvent que tu es assez fort pour me retenir et assez intelligent pour me laisser filer. Mais désormais il faut rester intelligent, car c'est la seule façon de vivre. Il faut croire que pour toujours est fait pour les souvenirs, pas pour les hommes. Tu as pansé mes blessures, mais il suffisait d'une seule éraflure pour que tout ne s'effrite. Je ne t'attendrai plus. Alors ne vient pas. Cette fois-ci Draco, ne me cherche pas, car je ne veux plus jamais être seule dans ce fossé, ressentir ce vide pesant que tu ne pourras jamais comprendre. Je t'ai dit que je préférerais toujours ma vie bleue, mais parfois ce qu'on préfère n'est pas ce qu'on doit choisir pour survivre. Penses-tu que les choses auraient pu être différentes ? Je pense que non. Je pense que rien n'aurait pu faire changer la fin de notre histoire. Notre piano était déjà désaccordé, bien avant que l'on commence à y jouer.
Je t'aimerai quoi qu'il en soit. Que mon âme s'en souvienne ou non, mon coeur, lui, saura.
Je t'aime, Draco.
Non, aimer n'est pas assez fort. Au contraire, ce serait insultant de te dire que je t'aime, parce que je ne pouvais pas ne pas t'aimer.
Tu étais autrefois celui que je n'arrivais pas à atteindre. Et désormais que je t'ai atteint, je me dois de te laisser partir.
Les moldus comme moi s'attachent vite, je te l'ai dit.
Je t'ai dans la peau, Draco Malfoy.
Je t'ai dans le coeur.
Isabel Hélène Leigh."Il ne dit rien, relut la lettre, encore et encore, la retira subitement tandis qu'une larme s'écrasa sur le bois du comptoir.
Il ne pouvait pas se laisser abîmer la seule chose qui lui restait d'elle.
C'était quelque chose qu'il n'arrivait pas à comprendre, vraiment, les sentiments. Parce qu'elle avait beau être loin de lui et sans aucun souvenir de tout ce qu'il avait pu advenir entre leurs deux corps et leurs deux coeurs, il n'en restait pas moins qu'elle était la seule qui restait et demeurait, à jamais, sous sa peau.
Il se racla la gorge, la replia soigneusement, la rangea dans sa poche, tenta d'apaiser son coeur qui s'effritait qui, lentement, s'effondrait.
-"Qu'est-ce que je vous sers ?" Demanda le barman en jouant avec le balai qui dansait sur le plancher.
Draco ne répondit pas, déglutit.
-"Un diabolo menthe." Souffla-t-il et l'homme hocha la tête avant de commencer à le préparer.
Non, il n'allait pas la chercher.
Il devait, désormais et à jamais, la laisser dans le passé.
Isabel Leigh ne devait plus résonner en lui.
Car s'en était fini.
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𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]
FanficLa guerre, destructrice, laisse derrière elle un goût amer de vengeance inachevée. Et si pour certains la victoire se fête, d'autres préfèrent se terrer pour ne pas montrer l'humiliation que la défaite leur avait causé. Un petit bar, entre Élise et...