~Sixty-five

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Nous deux, seuls face au reste du monde, ma main sur ta nuque, la tienne sur ma peau nue, rien que l'instant court d'une vie, le long moment d'un temps.

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Isabel attrapa sa main, le força à avancer.

-"Je n'ai pas envie." maugréa le garçon en essayant de reculer.

Elle roula des yeux.

-"A mon tour de te montrer quelque chose."

Il leva les yeux vers l'immense parc qui se tenait devant eux et eut un ricanement.

-"Tu comptes me faire monter là-dedans ?" Il roula des yeux. "Les sorciers ont des choses bien plus effrayantes, crois-moi."

Elle haussa les épaules, demanda deux tickets.

-"Les parcs d'attraction peuvent te surprendre."

Il hocha la tête négativement, prêt à lui prouver le contraire.

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Elle éclata de rire tandis qu'il ne voulait pas lâcher sa main, à peine sortis de la maison de l'horreur.

-"Je ne savais pas que tu avais peur des chauves."

 Elle rit de nouveau en repensant à la frayeur qu'avait eut le jeune homme en voyant d'autres touristes qu'ils avaient rattrapés durant le périple.

-"Ferme-là, tu ne peux pas comprendre." Il détourna le regard et elle fixa leurs mains entrelacés avant de soupirer, n'étant pas habitué à cette chaleur étrangère.

-"Tu veux aller manger un bout ?" Elle désigna les camions qui distribuaient des repas sur le pouce et Draco grimaça.

-"Je ne m'abaisserai pas à manger ces poubelles." Il lâcha sa main et commença à partir vers la sortie mais elle attrapa sa veste par deux doigts et lui fit un beau sourire.

Finalement, Draco eut l'air d'apprécier la nourriture, assis sur un banc près de la fontaine.  Isabel se régalait, avec tout ce qu'elle avait commandé, et en donna un peu à Draco qui refusa au début, mais finit par avaler ce qu'elle venait de lui enfourner dans la bouche.

Le silence était léger, plaisant. Il la regardait s'empiffrer du coin de l'œil, ses yeux pétillants choisissant quoi manger en premier, quoi boire en dernier comme un petit enfant qui n'avait pas vu le jour depuis longtemps.

-"C'est bien, que tu te sois trouvé du travail."

Il fronça les sourcils parce que ce qu'elle avait dit ressemblait plus à "c'est ien we u e choi rouwé su kradail", puis finit éventuellement par saisir la phrase et s'empêcha de soupirer.

-"Oui, je suppose." répondit-il en levant les yeux vers la lune, au loin.

Elle s'arrêta de manger, les doigts tout sales, leva les yeux vers son visage baigné par les rayons.

-"Non ?" demanda-t-elle.

Elle termina d'avaler et il lui tendit une serviette sans daigner la toiser.

-"Tu pars souvent, ces derniers temps."

-"Pour ne pas voir ton sale visage." répondit-il du même ton et elle roula des yeux.

-"Emmène-moi, la prochaine fois." Elle eut un sourire. "Si on te propose d'aller visiter Paris, par exemple."

Il y eut un silence, lourd, bruyant.

-"Pourquoi je t'emmènerai ?" Il leva un sourcil, baissa finalement la tête vers elle. "Je n'ai pas envie d'un pot-de-colle moldu."

Elle fronça les sourcils, plissa le nez. Jeta tous ses papiers et emballages dans une poubelle et attrapa sa main pour le forcer à se lever.

-"Dépêche, je ne plaisante pas." Elle le tira avec force et il se laissa faire, visiblement épuisé.

Elle prit deux billets pour la Grande Roue, le fit monter dans un compartiment tout de glace. Il s'assit, peu serein, et elle fit de même en face.

La Grande Roue se mit en marche, leur petite boite monta.

Draco regarda par-dessus les vitres, les grands immeubles de plus en plus visibles, les lumières des ponts, des maisons, le noir de la rivière, la grand Big Ben, 

Il se sentit plus à l'aise, se permit de mettre ses mains derrière le dossier de la banquette, de croiser les jambes, cognant ses genoux à ceux d'Isabel.

Leur ascension s'arrêta au point culminant, resta en suspens.

-"C'est ici." dit alors Isabel et il ne se tourna pas, admira la sublime vue d'un Londres surplombé.

Elle se tut un instant, regarda elle aussi avec tant de nostalgie qu'il finit éventuellement par tourner la tête vers la sienne.

-"C'est ici, le seul endroit que je n'ai jamais vu de ma vie." Elle admira chaque toit, chaque ruelle qu'elle pouvait voir dans le noir de la nuit, puis leva le bras, désigna au loin. "La maison de mes parents est là-bas, en banlieue. Le seul trajet que je n'ai jamais fait, c'est de chez eux à ici, Londres."

Il aperçut ses cils s'abaisser tandis que son regard s'approchait de la vitre, et que finalement elle ne regarde que les imperfections de celle-ci, à quelques centimètres de son visage.

-"Alors, si tu as la chance de partir." Elle se racla la gorge et se tourna vers lui avant de sourire. "Ramène-moi des souvenirs. Pas que tu achètes, juste des souvenirs. Des événements, des moments." Elle plissa le nez. "Raconte-les moi pour que je les vive aussi."

Il ne dit rien de plus, ne parla pas. Se racla la gorge, détourna le regard.

Et, en échange, elle ne discuta pas de la cicatrice qu'il avait sur son bras.

                                                       *****

-"Je veux que tu fasses très attention." Harry insista sur le dernier mot et Draco roula des yeux, avachi dans son bureau. "Hermione ne l'a pas reconnu, mais il semble être à la tête de leur organisation."

-"Elle n'a pas vu son visage ?" Demanda Draco en se relevant très légèrement. "Même pas un peu ?"

Harry soupira.

-"Non, il n'a pas enlevé son masque. La seule chose que l'on sait, c'est que c'est un homme, car elle a entendu sa voix."

Draco s'empêcha de grimacer.

-"Elle l'a reconnu ?"

-"Non, à cause du bruit alentour, elle a seulement entendu son timbre."

Draco hocha la tête, attendit, rassuré.

-"C'est ta mission, Draco." répéta Harry. "Retrouve cet homme."

Draco se leva, sentit sa mâchoire se tendre, son cœur se serrer, si tant est qu'il en avait toujours un, caché au fond de son corps.

-"Fais-moi confiance, Potter." Draco se racla la gorge. "Je le trouverai."

Et Harry ne pouvait être plus confiant qu'à ce moment, ironiquement.

𝕯𝖎𝖆𝖇𝖔𝖑𝖔 𝖒𝖊𝖓𝖙𝖍𝖊 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant