Chapitre de transition

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    Assise sur l'un des nombreux bancs près du Louvre, les bras écartés, la tête en arrière, Yris profitait des rayons de soleil. Le printemps amenait de la gaieté à Paris. Elle ouvrit les yeux. Ce qui lui réchauffait vraiment le cœur se trouvait devant elle, assis dans l'herbe en train de dessiner.

    Il avait débarqué dans sa vie sans prévenir. Elle avait longuement hésité. Certains amis à elle le lui avait clairement déconseillé. Quant à son père, il avait menacé de la renier. Finalement elle s'était lancée. Aujourd'hui, elle n'avait aucun regret. Elle avait perdu des amis dont Maude. Sa relation avec d'autres s'était renforcée, notamment avec Matthieu, Claire et Julia. Concernant son père, elle s'en fichait royalement de son approbation. Il n'était jamais là. Ses retours chez sa mère tous les six mois n'avaient pas changé. Etrangement, grâce au choix de sa fille, Marianne était la plus heureuse. Il lui sourit. Elle lui répondit avec l'un de ses plus beaux sourires. Ceux qu'elle lui réservait depuis quatre ans. Le genre de sourire si sincère qu'il lui donnait les larmes aux yeux. En fait peut-être pas, c'était elle la femme la plus heureuse.

   Pour lui, elle avait mis sa carrière de côté, elle avait cessé de penser de manière égoïste. Elle lui donnait tout, son temps, son amour, son argent et même sa vie. Pour lui, elle n'avait pas de limites. Une seule chose lui importait et lui suffisait pleinement, lui. Plus tard, elle aurait le temps de penser à elle. Et puis, il le méritait amplement, il la comblait de bonheur. De plus, lorsqu'elle était sortie d'un coma de plusieurs semaines, la mémoire remplies de parts d'ombres, si elle n'avait pas perdu la tête, c'était grâce à lui. Pour lui. L'amour de sa vie.

    Une pensée s'immisça dans son esprit. Elle s'insulta intérieurement. Cette pensée venait parfois gâcher ces moments. Celle-ci mettait en lumière qu'elle était heureuse, oui, mais elle n'était pas au summum du bonheur. En effet, cette pensée avait le don de lui compresser la cage thoracique et de provoquer l'envie de pleurer. Sans raison. Enfin plutôt sans raison explicable. Elle avait une sorte d'impression. Celui d'un vide. Et que ce vide, personne n'arriverait à le combler. Même pas lui. Comme s'il lui manquait une partie d'elle-même. Qui avait existé auparavant et qui avait disparu. La brisant intérieurement. Cependant, depuis qu'elle avait retrouvé pleinement la mémoire, aussi loin qu'elle cherchait, elle ne trouvait pas qui était cette personne. Depuis Jules, elle n'avait plus aimé. Jusqu'à aujourd'hui. Ca n'était certainement pas Jules. Une fois, après avoir lu un livre, cette sensation de manque l'avait tellement submergée qu'elle avait questionné sa mère. Ce dernier racontait que lorsqu'un enfant était le seul survivant à une grossesse gémellaire, que son jumeau lui manquait. Il était morose et n'arrivait jamais à combler ce manque. Marianne lui avait expliqué qu'elle n'avait pas de jumelle ou jumeau décédé. La raison n'était donc pas là. Heureusement, il avait réussi à coller certains des morceaux brisés. Même s'il en restait quelques uns.

     Justement, il se rendit compte qu'un voile de tristesse habituel passa dans les yeux d'Yris. Donc, il lui lança un regard inquiet. Cela permit à la jeune femme de revenir au présent. Avec lui. Pour ne pas l'inquiéter, elle sourit et se leva du banc. Elle s'assit près de lui. Elle toucha sa planche de dessin.

- Qu'est-ce que tu dessines mon chéri ?

     Il tourna la planche afin qu'elle regarde la feuille. Il semblait très fier de lui. Elle se fit la réflexion qu'il était incroyablement beau. Il avait les cheveux auburn, la peau pourtant hâlée et les yeux noirs. Après l'avoir détaillé quelques secondes, elle se concentra sur le dessin. Son talent l'étonnerait toujours. Elle en fut émue. D'un côté, il lui en fallait peu lorsqu'il s'agissait de lui.

- Je t'ai dessiné Maman.

Elle lui ébouriffa les cheveux et pinça les lèvres pour ne pas pleurer. Depuis sa naissance, elle était devenue très sensible.

- C'est magnifique Lestan.

    Lestan. Lorsqu'elle parlait de ses futurs enfants, comme toutes les filles, elle n'avait jamais pensé à ce prénom. Sans savoir pourquoi lorsqu'elle l'avait eu dans les bras la première fois, elle avait eu un pressentiment. Le prénom de son fils devait commencer par un « L ». Désormais, elle ne regrettait pas de l'avoir appelé ainsi. Ce prénom lui allait parfaitement bien. Du haut de ces quatre ans, il avait un charisme incroyable, il était un meneur et surtout, il avait cette petite étincelle de malice dans le regard qu'elle aimait tant.


Diablement Vôtre. Tome I et II.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant