Chapitre 10 - Je me souviens bien de vous

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Il était presque sur elle lorsqu’il se ravisa. S’il l’attaquait ainsi de but en blanc, il n’allait pas obtenir de réponse. Tout ce qu’il risquait c’était de l’effrayer.

Il la suivit d’abord des yeux alors qu’elle se dirigeait, sans se presser, en direction de la sortie, l’écran collé au visage et ses doigts qui pianotaient sur les touches. Il l’observa encore, la vit s’asseoir sur le banc juste devant l’entrée et se concentrer sur son téléphone. Il espionna de loin encore quelques minutes puis la rejoignit. C’est sans lui demander l'autorisation qu’il s'assit à côté d’elle.
Quand Fanny remarqua que quelqu’un s’était installé sur son banc, elle tourna la tête. Dès qu’elle reconnu Paul, son visage s'éclaircit et un sourire remplaça sa moue boudeuse.
— Bonjour, lança-t-elle gaiement.
— Bonjour, répondit Paul.
Mais sa voix à lui n'était pas aussi enchantée. L’imbroglio de circonstances, dans lesquelles il se débattait, ne prêtaient pas à sourire et devoir régler ce problème avec cette grosse femme le conduisait au bord de la crise de nerfs.
Fanny, dont les doigts ne cessaient de jouer avec le clavier, feignait maintenant d’ignorer le nouvel arrivant.
Lui, désarçonné par les propos du médecin était énervé par cette grosse fille qui se promenait avec son nom dans son portable et qui ne voulait pas le reconnaître, il se retrouvait désarmé. Comment engager la conversation ? Ses yeux balayèrent l’horizon à la recherche d’une entrée en matière. Après quelques hésitations, il se lança :
— Excusez-moi, mais vous souvenez-vous de moi ? Hier ? On s’est vu dans la salle d'attente des Urgences ? Et un peu plus tard dans l’entrée de la MACHPAAR à côté ?
Fanny abandonna son écran pour tourner des yeux ravis vers lui. Elle paraissait contente qu’il s’adresse à elle. Elle s'épanouissait à son contact comme une fleur qui déploierait ses pétales pour offrir aux abeilles venues la butiner la possibilité d’engranger le maximum de pollen et se délecter de son nectar. Elle entrouvrit la bouche comme si elle s’apprêtait à répondre à ses questions, mais n’en fit rien. Elle passa sa langue sur ses lèvres, sourit et retourna à son clavier.
Elle profitait de la situation où cet homme, qui flattait son œil, s'intéressait à elle.
— Oui, je me souviens bien de vous, finit-elle par lâcher sans lever les yeux. Vous étiez assis à côté de la porte d'entrée lorsque ce médecin est venu avertir madame Mounard que son mari était décédé…
Elle avait énoncé sa phrase tout de go sans relever la tête de son clavier.
La bonne nouvelle était qu'elle ne fuyait pas les questions. Pouvait-elle maintenant lui apporter des réponses, c’était là une autre affaire. Elle avait aussi une bonne mémoire et une connaissance étonnante quant au nom de famille de la femme de la salle d'attente, sans compter l’identité du défunt… 
Elle avait parlé du couple comme s'il avait été question de gens de son entourage. Même Paul n’avait pas retenu le nom. Encore une bizarrerie. Il abandonna ce détail, bien qu’insolite, et continua son approche.
— Je ne voudrais pas vous paraître inquisiteur, mais hier, euh, notez que c'était par hasard hein, mais mes yeux se sont posés sur votre téléphone portable et j'ai cru y lire mon nom.
Paul était dans ses petits souliers. Il appréhendait que d’être trop direct avec cette femme, elle ne l’envoie balader sans répondre à ses questions.
Effectivement, la jeune femme semblait ne pas prêter attention à la question, beaucoup plus concernée par son téléphone. Cependant, quelques traits de son visage trahissaient sa culpabilité.
Elle releva un œil sur Paul comme pour vérifier s’il attendait bien la réponse. Aussitôt que son regard croisa celui de Paul, elle retourna à son écran et chercha une échappatoire en toussotant dans sa main pour conserver de son allant. Sur le moment, Paul identifia la recherche d’une contenance. Le geste était révélateur d’une quête d’assurance. Il continua à noter ces petites manières qui traduisaient un léger malaise.
— Votre nom ? Mais je ne sais même pas comment vous vous appelez ! raya-t-elle, sûre d’elle.
Sa tonalité sonnait faux. Ses mimiques, ses micros expressions, l’orientation de ses yeux, tout en elle trahissait son malaise et dénonçait sa culpabilité. Paul comprit qu’elle mentait. S'il voulait obtenir la vérité de cette fille, il allait devoir jouer intelligemment pour la manipuler et arriver à ses fins.
— Je m'appelle Paul Carmin. Ça vous dit quelque chose ?


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