Chapitre 60 - L'appareil affichait quatre heures trente deux

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Tous les repères de Paul étaient noyés dans l’obscurité totale de la chambre, ses yeux perdus cherchaient une source de lumière, si infime soit-elle pour enfin se situer. Elle lui fût donnée par le radio réveil. L’appareil affichait quatre heures trente deux.

Les chiffres écrits en bleu ne lui étaient pas familiers. Petit à petit il se remémorait la soirée passée. Il risqua une main sous la couette afin de vérifier qu’un corps était bien étendu à ses côtés. Ses doigts rencontrèrent, à hauteur de sa hanche, de la chair moelleuse sous un tissu soyeux.

Oui, il n'était pas seul dans ce lit. Fanny était bien à ses côtés.

Il se dégagea de sous les draps de la manière la plus délicate possible pour ne pas faire de courant d’air et ne pas réveiller la dormeuse allongée près de lui.

A tâtons, il fit promener d’abord ses mains sur le contour du lit pour se diriger sans buter et sans se cogner dans cet environnement qu’il ne connaissait pas assez. Il trouva la coiffeuse sur sa gauche et ses mains continuèrent encore sur le fond du lit. Les bras tendus devant lui, comme un somnambule, il avança jusqu’à la porte de la chambre. La poignée tomba naturellement sous ses doigts, il sortit sans faire de bruit et referma derrière lui, avant d’allumer la lumière du couloir et rejoindre le salon.

Paul était chez Fanny, avec Fanny. Que pouvait-il faire maintenant ?

Il était un peu perdu. Et ne savait plus trop ce qu’il voulait vraiment.

Tout se mélangeait dans sa tête. Il avait passé une excellente soirée. La présence de Fanny à ses côtés était comme un rayon de soleil au milieu d’un mois de novembre détrempé par la pluie fine et froide et la disparition d’Emilie.

Que devait-il chercher ? Et qu'allait-il faire de ses découvertes ? A quoi tout cela servirait-il maintenant ?

Quel était son avenir ? Se remémorer sans cesse un passé qui n’apportait que sa dose de chagrin ou bien se tourner vers l’avenir qui, au moins pour l'instant, était plus doux ?

Il se dirigea jusqu’au bar où il remplit le fond d’un verre de son ami le plus indéfectible, deux centimètres d’un whisky tourbé à la belle couleur ambrée. Il en contemplait les lueurs dorées lorsque la porte de la chambre s’ouvrit pour laisser paraître Fanny dans une nuisette couleur saumon.

Paul n’avait pas prévu de partager ce moment de doute et encore moins avec elle.

L’air suspect, comme s'il venait d'être pris la main dans le sac, il regarda la jeune femme trainer les pieds jusqu’à lui.

— Que t’arrive-t-il ? demanda Fanny inquiète de le trouver debout dans la cuisine au milieu de la nuit.

— Je n’arrivais pas à dormir et j’ai eu envie de boire un verre. Je t’ai réveillé en me levant ? Excuses-moi, si c’est le cas, s’inquiéta Paul.

— Pas du tout. J’ai pour habitude de très peu dormir. A quatre heures du matin, ma nuit est souvent déjà terminée. Qu’est ce que tu bois ?

— Lagavulin, … Ton bar est bien achalandé !

Fanny prit le verre des mains de Paul et avala une gorgée du liquide mordoré sans le quitter des yeux.
Un sourire naquit sur le visage de Paul, il fixait les yeux de Fanny, qui n’arrivait plus à cacher son sourire. Il lui saisit le bout des doigts et entraîna la jeune femme dans la chambre. Les mains de Paul avaient déjà parcouru toute la surface recouverte par la lingerie de soie alors qu’ils n’avaient pas encore atteint le lit.

Fanny eut juste le temps de se faufiler sous les draps que son déshabillé foula le sol. Paul éteignit la lumière.

Ni lui, ni elle n’avait envie de dormir.


* * *
*


Le lendemain matin, chez Rohini et Saranyù, l’odeur du café fraîchement préparé embaumait la cuisine de l'hôtel particulier. Les deux soumises faisaient le point sur leur soirée passée au loft. Elles disposaient maintenant d’informations profitables sur le fameux Paul pour décider de l'avenir.

— Je pense que ça va être assez facile de l’isoler ce Paul, qu’en penses-tu Rohini ?

— Il a effectivement l’air plutôt docile, mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort.

— On pourrait se partager le travail, comme ça l’affaire pourrait être menée en quelques jours.

— Oui, mais n'oublies pas qu'on doit d’abord en parler avec Dhûmornâ. Voir comment elle envisage les choses.

— Ah oui, c’est vrai. Bon on l’appellera juste avant déjeuner ?

Fanny et Paul profitaient d’un moment hors du temps. Le bar de leur cuisine dominait les toits en dents de scie des usines de la zone industrielle. Ils prenaient leur petit déjeuner et la synchronisation de leurs gestes parlait pour eux. Ils étaient en symbiose. Leurs regards attendris s’unissaient par-dessus leur tasse. Plus rien ne comptait dans ce moment privilégié où ils n’étaient qu’un homme et une femme.

Cette soirée avait donné un regain de vitalité à Paul qui se sentait revivre. Et ça, il le devait à Fanny…

Il décida de suivre son instinct et profita de cette embellie pour retourner au boulot.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant