Chapitre 63 - On n'a pas le temps

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La nuit n'avait pas tout à fait laissé sa place au jour, que Rohini et Saranyù étaient déjà en bas du loft de Fanny.

Les détails de l’organisation devaient être planifiés, réglés avant le départ de Paul.

Le temps pressait, elles ne pouvaient plus attendre.

Fanny, qui se suffisait de quelques heures de sommeil par nuit, consultait les nouveaux messages arrivés sur son téléphone. L’inconfort d’avoir à réquisitionner tous ces gens lui causait de plus en plus de peine ; d’avoir à les approcher, elle se sentait concernée par leurs problèmes, leurs soucis, elle voyait le côté sympathique de leur rencontre et regrettait d’avoir à procéder. Ne s’approcher de ces personnes que dans le but de les éliminer devenait pour elle une source de mal être rédhibitoire.

Elle entendit la sonnerie du monte charge. Quelqu’un voulait entrer.

Lorsqu’elle comprit qui était en bas, elle déverrouilla l’élévateur.

— Bonjour les filles ! Vous êtes bien matinales ! Qu’est-ce qui vous amène ici de si bonne heure ? Vous voulez un café ?

Rohini embrassa Dhûmornâ et se dirigea sans plus tergiverser vers la cuisine à la recherche d’une tasse.

— Bonjour Dhûmornâ, on vient parler de notre petite mise au point, dit simplement Saranyù.

— Vous savez que Paul dort encore, il est dans la chambre à côté… Ce n’est, à mon avis, pas le meilleur moment.

— C’est pas grave, d’abord il dort, ensuite, il n’est pas obligé de comprendre de quoi on parle, si on ne lui explique pas… s’enflamma Rohini, soufflant sur sa tasse de café, qui lui brûlait les mains.

— Certes, mais je trouve cela un peu dérangeant quand même.

Fanny affichait une moue presque boudeuse qui ne réussit pourtant pas à détourner les intentions affirmées de ses sœurs.

— On n'a pas le temps Dhûmornâ ! Il faut se répartir le travail aujourd'hui.

Il fut convenu que les deux sœurs Rohini se chargeraient des collègues de Paul, à son agence. Restait à trouver les méthodes les plus adaptées. Et puis il fallait convaincre Fanny, pour qu’elle se charge de faire disparaître les parents de Paul.

Après ça, le garçon serait tellement abattu et affaibli que les trois filles pourraient le manipuler comme elles voudraient et s’assureraient que leur couverture ne soit pas dévoilée au monde.

Quant Paul apparut de derrière les hautes plantes vertes, il fût surpris de voir que les intrigantes avaient de nouveau envahi le logement de Fanny, sans prévenir. Vêtu seulement d’un t-shirt et d’un caleçon, il s’apprêtait à partir se changer quand les deux amies lui firent signe de se joindre à elles. Un malaise instantané accapara l’ambiance matinale. Ebloui par la rampe de lumières au-dessus du bar, il dut protéger ses yeux de sa main. Les deux femmes décontractées étaient attablées face à Fanny. Impossible de se soustraire aux ordres, il fallait jouer le jeu et faire comme si de rien n’était, ne plus penser à ses hypothèses de la veille.

— Ha, euh, bonjour Sarah…, Roseline… Je ne savais pas que vous étiez là, je passe un vêtement et j’arrive.

Il reparut un instant plus tard habillé d’un jean et du même t-shirt.

Il s’approcha tour à tour de Roseline et de Sarah pour embrasser la joue creuse de chacune des filles.
Conscientes de la gêne créée, elles firent durer le plaisir. Elles avaient compris que Paul ne les appréciait pas. Alors, elles le saisirent par les épaules pour le saluer et ne consentirent à le lâcher que lorsque, après l’avoir bien regardé dans les yeux, il prit le temps de répondre à leur « comment ça va ce matin ? ».

Paul enrageait que ces deux pimbèches perturbent sa matinée avec cette Fanny qui soufflait le chaud, lui apportant la sérénité dont il avait besoin, et le froid, en maintenant cette soudaine complicité avec ces deux filles encore plus suspectes qu’elle.

Il céda finalement à son irrésistible envie de s’enfuir, en prétextant un rendez-vous oublié et refusa le café que Fanny lui tendait déjà.

Les filles purent se répartir les rôles en toute tranquillité.

Rohini avait carte blanche pour procéder auprès d’Amandine. La seule contrainte était de se débarrasser du "problème" avant le retour de Paul, des Etats-Unis.

Saranyù, elle, s’envolerait pour New-York et procéderait sur le sol Américain. C’était plus compliqué et plus dangereux, mais elle avait assez de savoir faire pour se débrouiller toute seule. Son objectif était que Marc ne remette jamais les pieds en France.

Fanny se retrouvait finalement avec le rôle le plus compliqué. Elle devait approcher les parents de Paul. Mais elle était, quoi qu’elles en disent, la mieux placée pour y arriver.

Leurs répartitions terminées, Rohini et Saranyù rentrèrent dans leur demeure, où Saranyù s'affairait déjà à la validation de son Esta et au bouclage de deux grosses valises tandis que Rohini prenait rendez-vous...

— Audi, véhicules neufs, Amandine à votre service !

Une jeune femme à la voix très suave et d’une gentillesse infinie, proposa un rendez-vous, pour le début de semaine, à Rohini, en précisant bien que le vendeur habituel serait en déplacement. Elle ajouta, qu'elle pourrait bien sûr le remplacer et se tenait à son entière disposition. Rohini s’engouffra dans la faille. De plus, elle n’était pas fille à attendre.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant