Chapitre 76 - Deuxième Rassemblement

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Normalement, ce Rassemblement n'aurait dû avoir lieu que dans une dizaine de jours et les trois filles, si elles ignoraient les raisons de cette anticipation, n'en étaient pas moins inquiètes. Yama était souverain dans ses décisions et elles, cachaient de coupables secrets.

Elles avaient réquisitionné sans en avoir reçu l'ordre. Ce rendez-vous était inhabituel et cette attente interminable, sur le trottoir, affolait les esprits.

Dhûmornâ, près de Saranyù et de Rohini, attendait les trois coups portés sur la petite cloche, qui les autoriseraient à pénétrer dans le Temple. Autant en finir le plus vite possible.

Enroulées dans leur châle aux couleurs de nuit et de soleil, les trois filles se dirigèrent, comme toutes les adhérentes, dans la grande salle qui chaque fois les accueillait. Elles s'installèrent de part et d'autre de la grande table. Le rituel immuable recommençait. La statue les dominait de toute sa hauteur et, chaque fois, elle paraissait plus grande et plus impressionnante que la fois précédente.

A la fin du temps de méditation, Yama vint remplacer le visage bleu nuit de l'icône, affublé de sa coiffe pointue et de la pèlerine aux couleurs d'or et de désolation.

Il ne parlait pas. Télépathe, il se contentait de dévisager chacune des postulantes et seule l'expression de ses yeux variait au rythme de ses transmissions.

Un tintement plus aigu que les autres, mit fin à ce monologue intra cérébral.

Puis vint la chorégraphie des procédurières. Une à une les apôtres se prêtèrent à la routine de venir s'agenouiller devant Yama pour lui offrir la face interne de leurs mains, en signe de soumission. Ainsi, le crâne de l'extrémité du bâton que tenait leur maître, pouvait ou non, révéler leur dévouement. Toutes les dévotes, qui s'étaient assujetties au joug du seigneur des ténèbres, avaient eu l'opportunité de se relever après qu'il eut prononcé le mot tant attendu « Yamunà ».

Le Temple était déjà presque vide lorsque Fanny présenta à son tour ses paumes à Yama.

Il resta silencieux un long moment. Un moment qui dura beaucoup trop longtemps. Un temps qui bloqua la respiration de Fanny. Elle avait peur. Il était inconcevable de cacher des agissements impropres à Yama, et elle le savait. Il allait donc tout découvrir. L'intérieur de sa poitrine battait la chamade comme si son cœur voulait s'enfuir de son corps.

Si elle avait été humaine, celui-ci aurait accéléré son sang au point que l'accumulation dans ses tempes aurait certainement entraîné une syncope. Il n'en était pas moins que ses sensations étaient identiques. L'appréhension faisait bourdonner ses oreilles et elle ne pouvait calmer les spasmes qui secouaient ses mains.

Yama fixait Fanny qui maintenait ses bras tendus vers ce crâne, qui pesait entre ses doigts agités, comme les feuilles mortes abandonnées au vent, lorsqu'octobre les malmène. Elle semblait déjà plier sous le poids du jugement de son maître, bien qu'il n'ait pas encore rendu son verdict.

Consciente que ce silence n'était pas de bon augure, peut être même qu'il signifiait la révélation de sa prise au piège, elle osa jeter un coup d'œil rapide derrière elle. Elle n'eut que le temps d'apercevoir Rohini et Saranyù qui sortaient, à la hâte, par une petite porte dérobée.

Surprise autant que tourmentée, elle n'osa pas dire un mot. Son esprit vagabondait à toute allure. Pourquoi partaient-elles sans passer par le « crâne révélateur » ? Il ne pouvait y avoir qu'une seule explication possible, c'était que Rohini et Saranyù la lâchaient, peut-être même l'avaient-elles simplement dénoncée. Et maintenant, elles n'avaient plus le courage de faire face, elles s'enfuyaient. Peut être même qu'elles avaient négocié leur liberté, en échange de la révélation.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant