Chapitre 27 - Elle se volatilisa hors de sa vue

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— Qu'est-ce qui se passe ? On dirait que tu ne me reconnais pas ? Qu'as-tu fait hier ? Je ne t'ai pas vu de la journée ?

Il n'en croyait pas ses oreilles ! Ce qu'il avait fait hier ? Elle était complètement barge cette fille. Hier ? Il enterrait sa future femme, il reléguait aux abîmes la moitié de son cœur, il se résignait à ne jamais connaître ses futurs enfants, hier était le premier jour de sa nouvelle vie de mort-vivant…

— Ecoutez, pardonnez moi, mais là, mes souvenirs s'embrouillent, je suis désolé, ne le prenez pas mal, mais, en fait, je ne sais pas pourquoi vous êtes là.

Paul essayait tant bien que mal de trouver des explications à sa présence.

Fanny releva un instant son nez de l'écran de son téléphone, s'étonna, sourit, lui demanda d'attendre et repris sa lecture.

Cette vision remit Paul sur les rails.

Le téléphone portable de la fille, les urgences, son propre nom dans les messages, le restaurant, la liste de noms précédés de « Réquisitionner » tous ces gens célèbres décédés, et ces noms d'inconnus, le bar, le whisky, les whiskys, son appartement, et Fanny dans ses bras…

Une vague de chaleur monta à ses oreilles, il essuya ses mains moites sur le peignoir, le temps s'arrêtait. Il porta une main à son front et le frotta pour remettre en place des visions qui s’éparpillaient. Il allait bien finir par se réveiller, que tout redevienne normal.

Ses yeux azimutés parcouraient la silhouette de cette femme, ses mains se souvenaient des plis doux et chauds qu'elles avaient caressés, sa bouche avait goûté ces lèvres délicieuses et tendres et il avait aimé ça, ses oreilles avaient perçu ses étranges murmures et surtout ses narines percevaient la traînée parfumée qu’elle laissait derrière elle et qui le bouleversait.

Affligé, il fixait Fanny sans trop savoir s'il était écœuré ou consterné. Qu'avait-il fait ? Il s'était tapé une grosse le jour du décès d'Emilie… On l'avait forcé ? Elle était où la caméra cachée ?

D'accord, il voulait savoir pourquoi son nom était apparu à un moment donné dans le portable de cette femme, mais de la à finir au lit avec elle… Etait-ce un excès de tristesse mêlée aux nombreux verres remplis de triples whiskies qui avait eu raison de sa lucidité au point de ramener cette fille chez lui ?

Toutes ces questions restaient sans réponse.

Par contre, lui restait en mémoire qu’il ne devait pas éjecter cette femme de sa vie s'il voulait enfin découvrir ce qu'elle cachait. Mais comment la sortir de son intimité sans la braquer ?

Fanny appuya sur la touche "envoyer", toujours le même petit message très court, très bref mais néanmoins très clair "Ok".

Elle rangea son appareil et s'approcha de Paul.

— Ça y est ! Ton café t'as fait du bien ? Elle parlait comme si elle n'avait pas remarqué le comportement étrange de Paul.

Il en profita pour s'excuser de son comportement. Un peu perdu, il ne voulait pas gâcher ses chances de comprendre ce qui se passait, mais il ne voulait pas non plus que cette femme s’installe comme elle semblait être prête à le faire à la place d’Emilie. La place d’Emilie était vide, et il comptait bien la conserver comme ça.

— Oui, oui, ça m'a fait du bien. Pardon pour tout à l'heure. J'ai eu une journée compliquée hier et je crois que j'ai exagéré avec l'alcool, dit-il, sans entrer davantage dans les explications.

Fanny, son ineffable sourire plaqué sur le visage, demanda ce qu'il voulait faire aujourd'hui.

Son cerveau tournait à trois mille à l'heure. Il fallait qu'il se débarrasse de cette femme dans l'immédiat mais sans lui donner l'impression de la dégager. Il était trop mal en point pour mener son enquête sur cette fille.

— Fanny, aujourd'hui, je ne peux pas passer la journée avec toi. J'en suis vraiment désolé. Si tu veux on se voit après demain. Là, j'ai un travail à terminer et je suis très en retard, persuada Paul.

Toujours souriante, et sans lui en tenir rigueur, elle ajouta :

— Ne t'inquiètes pas, fais ce que tu as à faire, je vais trouver le temps long, mais je vais me débrouiller. Je te retrouve ici après demain ou bien tu préfères que l'on se retrouve à l'hôpital ?

Toutes les difficultés des jours passés étaient liées à l’hôpital. Alors ce mot jeta un froid dans le dos de Paul qui se figea.

— Hum, euh oui, oui, à l'hôpital ce sera très bien, sur le banc devant l'entrée… articula-t-il.

Il fallait à tout prix empêcher cette femme de revenir hanter son cocon vide.

Fanny s'approcha de Paul jusqu'à ce que sa poitrine touche son torse. Elle glissa alors une main sous le peignoir d'Emilie et caressa sa peau fiévreuse. Puis elle écrasa sa bouche sur les lèvres de Paul juste avant de disparaître. La surprise provoquée par l’entreprenante amante figea Paul dans une telle stupéfaction qu’il fût dans l'impossibilité de la repousser,

Elle se volatilisa hors de sa vue, sans qu'il ait besoin de la raccompagner.

Ahuri, Paul s'appuya sur la paillasse de la cuisine, les yeux clos, souffla tout l'air contenu dans ses poumons, essayant de retrouver le peu d'esprit qu'il lui restait. Il secoua la tête et attrapa un siège, ses jambes flageolaient et menaçaient de ne plus le tenir.

Qu’allait-il faire ?

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant