Chapitre 25 - L'actualité de la planète

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Paul dormit d'un sommeil fabuleux la nuit entière et une partie du lendemain grâce aux puissants somnifères qu'il avait trouvés dans la pharmacie de la salle de bain de ses parents et qu'il avait avalés à double dose. Le pouvoir de ces petites pillules était extraordinaire !

Il n'avait d'ailleurs pas omis de glisser le reste du contenu de la boîte dans la poche de sa veste. Il apprécierait de les retrouver plus tard.

Son sommeil préfabriqué prit fin à l'heure où la luminosité s'évertue à oublier le jour. Entre chien et loup.

Ses parents l'autorisèrent à retourner chez lui dès qu'il eut promit de les appeler au moins une fois par jour.

Ceux-ci avaient été à la hauteur, ils n'avaient pas cherché à le faire parler. Ils l'avaient laissé tranquille. Il lui faudrait du temps pour accepter la perte d'Emilie. Le mode d'emploi du deuil n'est pas communiqué, chacun fait juste comme il peut. Ce qui signifie dépression pour certain, comportement passif et désespoir pour d'autres.

Paul, lui, n'avait envie de rien. Il voulait juste être seul. Seul avec son désespoir. Pour le regarder bien en face, ne faire qu'un avec lui.

Quand il poussa la porte de son appartement, il ne regarda rien de ce qui avait fait son quotidien heureux, tous les bibelots, les affaires d'Emilie qui traînaient par-ci par-là. Il se dirigea droit dans le salon, expulsa ses chaussures à l'autre bout de la pièce, ratatina son pantalon sur le sol et abandonna sa chemise sur un dossier de chaise un peu plus loin. Libéré de cette tenue qu'il ne voulait plus voir, il se dirigea vers le bar pour y récupérer toutes les bouteilles d'alcool que ses mains pouvaient porter. Rassit au centre du canapé, il se saisit de la télécommande et alluma le téléviseur, avec l'objectif de s'anesthésier d'alcool et d'images.

L'écran projeta, sur son visage blême, une lumière bleutée.

Le programme télévisé était à la hauteur de ses attentes.

C'est-à-dire établi pour un débile profond. Ça tombait bien, pour cette soirée, il avait un tracé encéphalographie proche du plat. C'était l'heure des émissions de télé réalité.

On se surprendrait justement à préférer que ce ne soit pas la réalité ! Quelle pénitence, quelle damnation pour le téléspectateur. Mais est-ce seulement la propension à l'argent facile offerte par notre société décadente qui peut mener des jeunes à accepter une séquestration sous le soleil des Caraïbes, dans de somptueuses maisons où d'indécentes caméras les épient de jour comme de nuit ?

Paul visionnait ces images qui défilaient à un rythme endiablé devant ses yeux sidérés. Entre les effets de cheveux trop longs, les tatouages trop exubérants, les poitrines trop généreuses, les jupes trop courtes et les t-shirt trop moulants, il n'y avait que l'embarras du choix. Un mauvais proxénète aurait pu y faire son marché !

Devant ces clichés de personnalités répulsives mais de paysages paradisiaques, Paul bascula la bouteille de Malibu et une grosse vague de noix de coco emplit sa bouche.

L'enfermement, même au paradis peut vite se muer en enfer. Les huis clos, fussent-ils de Sartre, sont toujours des lieux de perditions d'une manière ou d'une autre.

Qu'attendaient ces jeunes de cette expérience dégradante ? Est-ce qu'il fallait en passer par là pour que la machine show-biz fasse un choix qui ne pouvait être que par défaut ? Etait-ce la recherche de la célébrité à tout prix ? N'était-ce pas chèrement payé ? Lorsque les producteurs, lassés de ne plus voir leurs poches suffisamment déborder, décideront de changer de jouets, les pauvres poupées de chiffons abandonnées par leurs marionnettistes se brûleront aux lumières de la rampe trop vite éteintes. Ne leur restera alors, avec de la chance, que leurs yeux pour pleurer ou leur excès de manque d'envie de vivre pour mettre fin à leur existence devenue insipide.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant