Chapitre 26 - Qu'est ce que c'est que ce boucan ?

58 11 2
                                    

DING DONG, DING DONG

Qu’est-ce que c’est que ce boucan ?

DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG, Paul ouvrit un œil. Face à lui, la télévision s'affolait sur des gyrophares de pompiers et d'ambulances. Sa tête allait exploser. Sa bouche exhalait des vapeurs nocives qui envenimaient les maux lancinants de son crâne. Paul avait le mal de tête proportionnel à sa cuite. La langue épaisse et pâteuse, il tenait, bien serrée contre lui, une bouteille de JB où il restait à peine un centimètre de liquide brun dans le fond.

DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG

Il faut que ce bruit cesse, cette sonnerie insupportable. Il se saisit de la télécommande pour déjà cacher ces images qui repassaient en boucle depuis un temps interminable lui semblait-il ? Hier soir ? Depuis combien de temps était-il là vautré dans ce canapé ?

DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG

La porte ! C’était la sonnette de la porte d’entrée. Qui pouvait bien venir chez lui à cette heure-là ? Et d’abord quelle heure était-il ?

Le carillon lui offrit une seconde de répit. Juste le temps de se passer la main dans les cheveux pour se gratter le crâne et finir de s’ébouriffer. Il réussit à s’extraire du canapé au prix d’un effort surhumain et traîna des pieds en direction de la porte d’entrée. Juste avant d’appuyer sur la poignée, il baissa les yeux sur ses jambes nues et l’unique chaussette qui habillait ses pieds. Où étaient ses vêtements ? Il ne pouvait pas ouvrir la porte dans cette tenue.

DING DONG, DING DONG

La première chose qui lui tomba sous la main dans la salle de bain fût le peignoir d’Emilie. Comme il enfilait le vêtement vert pâle, l’odeur du parfum de son amoureuse, imprégné dans l’éponge, lui monta aux narines et une vague de souvenirs l’enveloppa. La mémoire olfactive est la plus tenace, l’arôme déclencha un rideau vitreux sur ses pupilles. Il saisit le col entre ses mains pour y enfouir son nez plus profondément. L’étoffe était encore imbibée de cette fragrance qu’il aimait tant. Des larmes lui montèrent immédiatement aux yeux.

DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG, DING DONG,

— Ouiiiiiii, j’arrive, vociféra-t-il à travers la porte.

— …

Vêtu du kimono trop court duquel dépassaient ses jambes poilues d’homme, sa main s’abattit avec force sur la poignée de la porte pour montrer au visiteur le dérangement qu’il créait et faire cesser le carillon au plus vite.

Fanny, souriante, les cheveux tirés en arrière juste retenus par un crayon planté dans son chignon décoiffé, le dévisagea de la tête aux pieds et resta bouche bée à la vue de sa tenue vestimentaire.

L’œil vitreux de Paul regardait cette grosse femme sans comprendre. Bien sûr elle avait une tête qui lui disait quelque chose, mais il n'arrivait pas à remettre ses idées en place tant la présence de ses vapeurs éthyliques étaient prégnantes, et puis, là, ça cognait dur derrière son front. Alors qu’est-ce qu’elle voulait celle-là ? Lui, il voulait rester seul, boire et boire encore.

— Bonjour Paul, entonna Fanny sans tenir compte de sa mauvaise tête et de son accoutrement ridicule.

— C’est ça oui, bonjour, répondit Paul glacé.

— Bon, je vois que ta soirée a dû être intense, je vais te faire un café, après ça ira mieux.

— Attends un peu, att… att… attend. Attendez !

Mais les paroles de Paul restèrent sans effet.

Fanny s’était faufilée et ne s'occupait pas de ses dires, elle s'afférait déjà en cuisine à la préparation d'un petit expresso bien serré.

Bougon, il suivit la femme qui faisait comme chez elle. Estomaqué, il regarda un instant, ébaubi, cette grosse femme qui s'activait derrière le bar, et l’ignorait presque.

— Je voudrais bien savoir ce que vous faites là ? entreprit Paul, qui n'était pas d'humeur.

Un sourire jovial égaya le visage de la jeune femme et sans même lever un œil dans sa direction, elle le remercia de la vouvoyer ainsi, puis lui glissa dans les mains la tasse de café tout juste passé.

Lorsque leurs mains se frôlèrent, des flashs foudroyèrent l'esprit de Paul. Il se voyait caressant le corps dénudé de cette femme. Il secoua sa tête de droite à gauche comme pour décrocher ces images de sa mémoire et ouvrit ses yeux aussi grands que s'il avait voulu les éjecter de leurs orbites.

Le lendemain d'une cuite, c'est le jour où l'on regrette d'avoir ingurgité autant de quantité. A ce souvenir, une grimace méprisante déforma sa bouche. N'importe quoi !

Mais Fanny ignora l’expression de répugnance que Paul présentait et lui posa un baiser sur le haut de la joue, juste au-dessus de sa barbe hérissée. Paul n'en revenait pas. Elle faisait comme si elle ne l'avait pas entendu.

— Vous pouvez me dire ce que vous faites chez moi ? reprit Paul d'une voix forte qui ne masquait pas son énervement et surtout qui résonnait dans sa tête et martyrisait ses tympans.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant