Chapitre 12 - Le dîner

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Dans la salle de bain, droit devant le miroir, Paul se préparait pour son dîner avec Fanny. Son reflet lui renvoyait un visage triste, qui manquait de confiance. L’appel qu’il avait passé un peu plus tôt à l'hôpital pour avoir des nouvelles d’Emilie ne lui avait rapporté que des nouvelles peu engageantes. "Etat stationnaire, aucune amélioration », avait répondu l’infirmière.

En d'autres circonstances, ce dîner l'aurait distrait, lui aurait changé les idées. Mais il aurait fallu qu'il sache Emilie en forme, même claudiquant avec une patte folle et des cannes anglaises !

Il aurait pu courtiser Fanny jusqu'à obtenir ce qu'il voulait –les informations et seulement les informations– puisqu'il l'aurait ensuite laissée tomber. Mais il aurait pu mettre en pratique toutes les techniques qu'il connaissait et dont il avait abusées par le passé.

A une époque pas si lointaine, il trouvait cela gratifiant de jouer avec les filles.

C'est vrai que Paul était un bel homme, grand, élancé, toujours souriant, les cheveux juste un peu trop long, peigné dans le style coiffé-décoiffé. Il portait une barbe naissante soigneusement maintenue dans un état de barbe-de-trois-jours. Il avait un style très dégaine, vêtu le plus souvent d'un jean un peu usé, d'un t-shirt blanc col V et d'une paire de mocassin qu'il portait sans chaussette, hiver comme été. Cela lui seyait parfaitement ajoutant encore de la valeur de sa silhouette. Son corps était musclé, mais fin, mais surtout il dégageait de tout son être un charisme extraordinaire.

Il aurait pu s'amuser avec Fanny, mais, il n'aimait pas enfoncer les personnes mal dans leur peau. Son terrain de chasse favori était les belles demoiselles trop sûres d'elles. Avant sa rencontre avec Emilie, il s'en était donné à cœur joie avec toutes ces pimbêches qui toisaient les garçons qu’elles considéraient comme des « pauvres mecs, des garçons ordinaires»...

Ce qu'il avait pu en abandonner après les avoir charmées. Puis les abandonner à leur triste sort, après avoir profité outrageusement de leur personne ou de leurs finances. Il était malhonnête et l'assumait. C'était son crédo, abandonner les péronnelles à leur peine et leur frustration.

Fanny, ses bras de bûcheron, ses replis sur le ventre, ses fesses larges comme un arrière de paquebot et ses cuisses ne pouvant se croiser sans se toucher quand elle marchait, ne faisait pas partie de ces habituels jouets. Mais dans le cas présent, il devait faire une exception. Il devait l'amener à lui dévoiler l'énigme dont il était l'objet.

Devant sa difficulté à se mettre en situation, il écrasa entre ses mains une noisette de gel qu’il répartit ensuite dans ses cheveux et rajouta deux ou trois giclées supplémentaires de parfum pour hypnotiser sa cible, c'était exagéré et il le savait. Mais il devait combler les lacunes de son assurance en berne, par un paraître infaillible. Il fallait bien adapter sa technique de drague.

Il contempla son reflet, de face, de profil, plaquant chaque fois sur son visage une mimique de star. Il était charmant. Cela faisait très longtemps qu'il ne s'était pas comporté de la sorte. Son regard sombre assorti à ses cheveux noirs, il était vraiment beau, Apollon sans le ridicule bodybuildage.

C'est ainsi qu'il quitta l'appartement, après avoir enfilé sa veste dont il tâta la poche intérieure pour vérifier la présence de son portable. Il ne voulait pas se séparer de l'appareil qui le maintenait en relation avec l'hôpital.

Fin prêt dans sa panoplie de séducteur, Paul sortit de chez lui, il partait en mission.

Fanny était à l'heure au rendez-vous. Mais elle vaquait déjà à des occupations étranges. Avec les pompiers, elle portait secours à un jeune en scooter qui avait croisé une voiture trop pressée. Sans casque la rencontre avait été douloureuse pour le conducteur du deux-roues.

Paul regarda la scène qui se déroulait juste devant La Table du Chef, restaurant où ils s'étaient donné rendez-vous. Son invitée tenait la main du blessé pendant que les pompiers poussaient le brancard dans le camion.

Quel sixième sens lui fit lever la tête ? Mystère. Mais dès qu'elle aperçut Paul, Fanny se délesta tout simplement de la main de l'accidenté et se dirigea vers lui. Elle fit juste un signe de la main, sans se retourner, aux pompiers qui la remerciaient pour sa gentille attention et sa capacité à avoir apaisé l'adolescent.

Paul était subjugué, étonné, interloqué même et ne comprenait pas cette compassion...

C'était l'heure d'entrer en scène. Il lui adressa son plus tendre sourire, qu'elle lui rendit au centuple. Ils pénétrèrent dans le restaurant, tel un vieux couple. Paul avait la situation bien en main. Il en était sûr.

Une fois conduits à leur table, elle s'excusa de devoir envoyer un message urgent à une amie.

Un large sourire plaqué au visage, ses doigts tapotaient les touches du clavier... Elle répondait un « ok » au message « Réquisitionner Bartuel Alexandre » puis elle pressa la touche «envoyer».

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant