Chapitre 59 - Fanny avait une "vie"

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Rohini comme Saranyù prirent leur temps pour enlacer Paul et déposer sur ses joues un baiser qui outre la trace de rouge à lèvres carmin laissait également un souvenir strident dans ses oreilles. Enserré par ces bras maléfiques, Paul ne mouftait pas.



Qu'est ce qui lui arrivait enfin ? Combien de fois s'était-il dit et répété qu'il devait découvrir les secrets d'une Fanny qui avait trop souvent croisé son chemin durant ces derniers jours.

Il fallut qu'il soit embrassé par des membres ennemis pour que sa logique, endormie le temps de la soirée, refasse surface.



Lorsque les filles empruntèrent le monte charge, Paul ne se proposa pas pour les accompagner jusqu'à leur taxi. Elles n'avaient qu'à se débrouiller. Leur apparence devait suffire à faire fuir le moindre assaillant.


Fanny fit quelques signes de sourcils qui semblaient dire « raccompagne-les », mais Paul s'empara simplement de ses lèvres. La douce étreinte de sa bouche tiède bascula Fanny dans un monde ouaté et étouffa sa demande d'accompagnement de ses hôtes.

Depuis le matin Paul pensait à Fanny et à sa nouvelle allure. Alors la curiosité qu'il avait su contenir jusque là commençait maintenant à s'élimer.



Quant à Fanny, elle venait de passer une soirée réussie en tout point. Elle s'était amusée comme jamais, Paul, auprès d'elle, se comportait comme son petit ami et elle avait pu démontrer à ses affidées qu'il était possible à une fille -comme elle- d'avoir des sentiments avec un humain et inversement.

D'ailleurs en y pensant, elle n'en revenait pas à quel point il avait été facile de s'attirer ses sentiments. Il semblait ne plus penser à sa défunte petite amie.



Fanny vivait. Pour la première fois depuis sa «mort», elle avait une vie.

Elle regrettait quand même que cette "vie" ne soit qu'une apparence, que son corps ne soit qu'un paraître. Que jamais elle pourrait vivre comme une mortelle et donner la vie. Son apparence humaine ne suffisait pas à faire d'elle une vraie femme.



Elle se tourna vers Paul et lui dit :

- Tu restes dormir avec moi ce soir ? ajoutant un sourire ravageur à sa question.

L'homme près d'elle s'empressa d'accepter.



Les deux amants se dirigèrent vers la porte derrière le bureau.

Fanny fit faire à Paul la visite du propriétaire. Il fit mine de découvrir l'appartement pour la première fois.


Enfin elle ouvrit la porte qui donnait sur la chambre.

- La salle de bain est en face de toi, indiqua-t-elle.



Paul parcourut des yeux la chambre aux tons clairs. Un bouquet de fleurs roses avait remplacé les arums blancs et égayait ainsi la chambre au décor neutre.



Paul sourit à Fanny et partit s'enfermer dans la salle de bain.



Il tourna les robinets de la douche et se débarrassa de ses vêtements machinalement en attendant que l'eau arrive à température.



Les yeux fermés et les deux mains posées à plat sur le carrelage de la douche, comme s'il voulait en pousser les murs, il savourait la chaleur de l'eau qui ruisselait sur sa tête et ses épaules. Si le gel douche dont il s'était enduit le corps n'avait pas le pouvoir de nettoyer le souvenir des bras des deux amies de Fanny, au moins la chaleur de l'eau le réconfortait.

Il réfléchissait à l'incongruité des deux filles que Fanny lui avait présentées comme étant ses amies. Il ne pouvait s'empêcher de penser à elles comme à des êtres maléfiques. Sans doute leur maigreur qui les rendaient suspectes et lui faisaient penser aux représentations que notre société moderne nous renvoie de la mort : une belle femme maigre vêtue de noir.

Ces filles là n'étaient pas franchement habillées de manière sobre ça c'était plutôt le signe de Fanny, mais avec quelques kilos en plus. Et heureusement, elles n'avaient pas de faux ! Ses divagations s'estompèrent avec un doux parfum de rose ancienne qui vint flirter avec ses narines. Il se retourna d'un geste brusque mais il était seul dans la salle de bain. Ses pensées folles lui tournaient la tête. Qu'est ce qui lui arrivait de penser que ces femmes pouvaient être des envoyées de la Mort ?

Le parfum séduisant provenait du gel douche de la propriétaire des lieux. Décidément, chez elle, tout avait la même effluve.

Soudain, il coupa l'eau. Depuis combien de temps le pommeau déversait-il sur lui cette pluie apaisante ?



Il s'extirpa du brouillard et quitta la petite pièce humide et chaude pour se faufiler sous les draps pendant que Fanny prenait sa place. Ses deux mains croisées sous sa tête, il regardait le placard face à lui. Pour en avoir déjà visité le contenu, il savait les vêtements qui y étaient suspendus. Pourtant il aurait été curieux de voir si sa teneur en était différente. Toujours des affaires sombres comme pourrait porter une envoyée de la Mort, où des vêtements sensuels et de couleur gaies comme le lui avait signalé Fanny. Ses pensées superficielles et insensées eurent raison de sa fatigue.



Lorsque Fanny réapparut dans la chambre, elle s'allongea à côté d'un Paul qui errait déjà dans les bras de Morphée.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant