Chapitre 3 : Condoléances

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Tous les présents de la salle tournèrent la tête vers la voix. Le quinquagénaire et le geek ébouriffé, Paul le mal habillé, mais ce ne fut que la femme du bout de la salle qui répondit :

- Oui, c'est moi... Ces mots disant, elle se leva avec beaucoup de peine et se redressa sur ses jambes gonflées. Les quelques pas qu'elle fit pour s'approcher de la porte montrèrent toute la peine qui pesait sur elle et sur sa difficulté se déplacer.

Le médecin attendit qu'elle soit à sa hauteur puis inclina la tête pour la regarder dans les yeux. Il lui parla d'une voix douce, où chacune des syllabes était articulée avec soin. Les mots étaient simples. Paul écoutait la conversation. Il regretta très vite ce que ses oreilles entendirent. Mais un peu de malheur chez les autres avait peut être le pouvoir de lui ôter un peu du sien, en tout cas de l'adoucir.

Il regardait les mimiques de l'homme qui faisait aller sa main de haut en bas sur le bras de la femme alors que cette dernière venait de plaquer une main sur sa bouche comme si elle mouchait ses lèvres. Paul compris qu'elle dissimulait une grimace de douleur. Le médecin la saisit alors par les épaules pour l'aider à s'asseoir sur la première chaise près de la porte.

- Je suis désolé, rajouta-il à voix un peu plus haute. Toutes mes condoléances.

A ces mots, que toute la salle, silencieuse mais aux aguets, avait bien entendus, tous les yeux se dirigèrent alors vers la femme ébranlée par la triste nouvelle qui venait de lui être délivrée.



Que faire face à la détresse de celui qui reçoit ce genre d'information ? Comment soulager le désarroi qui va se loger dans sa tête pour y posséder l'esprit, le hanter jusqu'à l'obsession avant de s'y nicher dans un recoin plus calme, recoin qu'il ne quittera plus jamais.



Dès que le médecin eut franchi la porte en sens inverse, abandonnant Madame Mounard à sa nouvelle vie, la grosse femme du couloir, souriante, entra à ce moment dans la salle d'attente, elle jeta un coup d'œil rapide à la femme éplorée et vint s'asseoir sur la chaise tout à côté de Paul, son téléphone à la main.



Troublé par les gémissements de la veuve étourdie par la peine, Paul laissa tomber son regard sur ses pieds, puis sans relever la tête épia ses voisins masculins avant de lorgner sur l'écran du smartphone de la grosse dame près de lui.

Il put lire les deux petites lettres «Ok » qui s'affichaient en gros caractères sur l'écran lumineux avant qu'un doigt n'effleure la touche « envoyer ». Aussitôt fait, le petit appareil se mit, à nouveau, à sonner le glas, provocant un frisson général dans la petite pièce à l'ambiance déjà pesante.



Comment peut-on choisir une telle sonnerie de téléphone, pensa Paul. A d'autres moments, un sourire lui aurait barré la bouche, mais à cet instant précis, il n'avait pas le cœur à rire. L'attente faisait battre son cœur trop vite, dérèglait sa respiration et augmentait son stress.



De sa place, Paul voyait parfaitement l'écran de sa voisine. Il en profita pour occuper ses méninges. Alors qu'il surveillait les manipulations de sa voisine, celle-ci fit glisser son gros index boudiné en travers de l'appareil. L'écran alors déverrouillé laissa apparaître un message qui glaça l'échine de Paul.

Ses yeux baladeurs lurent :

« Réquisitionner Carmin Paul »



L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant