Chapitre 64 - La grosse pomme

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Les roulettes de leurs valises ronronnaient derrière leurs pas. Marc et Paul déambulaient dans les couloirs de l'aéroport Charles de Gaulle. Il était 6h30 et leur avion ne décollait que dans deux heures. Leur vol devait atterrir à l'aéroport JFK de New-York à 10h25, heure locale. L’horaire était parfait, avec le délai de route, ils pourraient se rendre au salon pour le début d'après midi.

L’enregistrement passé, il leur restait encore du temps pour se détendre autour d'un café avant de passer les huit prochaines heures coincés sur un fauteuil trop étroit, car ils voyageaient en classe économique et pas en première ! Les prochains 5800 kilomètres seraient sans doute longs.

Un peu plus tard, alors que les deux amis planaient dans un ciel bleu azur à plus de douze mille pieds d'altitude, et que les rayons du soleil paraient la carlingue de millions de diamants, Rohini, ponctuelle à son rendez-vous, se présenta dans le hall d’accueil de la concession Audi véhicules neufs de luxe.

— Madame Charmi je présume ? Bonjour madame, je suis Amandine. C’est moi que vous avez eu au téléphone ! Comment puis-je vous aider ? dit elle tout en tendant une main amicale en direction de sa cliente.

Rohini trouvait Amandine très agréable. Elle était sous le charme de cette fille prévenante, polie, souriante. Il lui était difficile de lui trouver un défaut, si infime soit-il. Pour un peu, elle aurait presque regretté d’avoir à faire ce pourquoi elle était venue.

Mais la décision était prise. Elle devait maintenant faire sa part du travail pour sauver leurs couvertures.

Elle en profita tout de même pour essayer les plus belles voitures présentes, dont le coupé GT R8. Amandine l’accompagna dans son essai. Au feu rouge, Rohini partit dans une quinte de toux aux sonorités caverneuses qui inquiéta Amandine, mais par respect pour sa cliente, elle ne fit aucun commentaire.

De retour au bureau, elle prépara les papiers nécessaires à la vente… La motorisation et la carrosserie de la GT associées au savoir faire d’Amandine avaient su conquérir Rohini et délier les cordons de son compte en banque. Chacune des deux filles avait un domaine de prédilection dont l’autre était l’obligée de la première.

Côte à côte dans le petit bureau, Amandine et Rohini se plièrent aux joies de la paperasse. Conditions sine qua non avant de pouvoir se glisser dans le baquet étroit de la puissante GT et de devenir la seule dominatrice de la bête. L’engin méritait qu’un virtuose s’installe derrière le volant pour orchestrer les cinq cent cinquante chevaux qui dormaient sous le capot.

A plusieurs reprises, Rohini étouffa sa toux rauque, jusqu’à ce qu’Amandine ne put s’interdire de dire :

— Oh là là, vous avez l’air de tenir un sacré rhume. J’espère que vous n’avez pas attrapé ça ici !

— Ça fait quelques jours que je tousse, répondit Rohini, la tête un peu penchée, comme pour se laisser plaindre. Je ne me suis pas assez habillée et j’ai pris froid. Mais ce n’est pas grave, j'irai mieux d'ici quelques jours.

Amandine, émue, sourit à sa bonne humeur.

Puis, elle promit de la prévenir très vite dès que les informations de livraison du bolide lui parviendraient.
Avant de se séparer, les deux filles se serrèrent une main vigoureuse et Rohini pour exprimer sa satisfaction à Amandine, couvrit de sa main gauche leurs mains enlacées, son plus joli sourire épinglé sur son visage, juste avant d’étouffer une nouvelle quinte de toux.


Le soir même, Amandine ferma les portes de la concession de luxe. Mal en point, elle fila droit chez elle. Le rhume de cette Roseline Charmi avait, croyait-elle, élu domicile dans sa poitrine et ses tempes étaient douloureuses de fièvre.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant