Chapitre 52 - Le sabot de Fanny

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La rudesse de ces mots, elle n'y croyait pas. Surtout la violence avec laquelle il les avait prononcés. Elle restait figée, sans bouger.



Quand elle comprit ce que voulait Eugène, elle sentit ses jambes faiblir et dû s'appuyer sur le bord du lit pour ne pas défaillir.



Eugène, trop occupé par sa propre envie ne se soucia à aucun moment du malaise de sa jeune femme. Il était heureux et ne cachait pas sa joie. Il devenait même grivois, vicieux, impudique et salace. Il se débarrassa de son costume de mariage mais prit soin de bien déposer la veste sur le dossier de la chaise. Son complet-veston, il le garderait pour le jour de sa mort si son tour de taille ne variait pas trop.



La vue de l'homme, dans son tricot de peau blanc cassé, un peu jaunit autour du cou et près des aisselles et son caleçon long déformé aux genoux et dont l'entre jambe était gonflé par un désir sale, figea Fanny. Elle ne pouvait plus bouger, sans doute croyait-elle cauchemarder. Elle allait se réveiller.



Les doigts rugueux d'Eugène défirent les petits boutons qui fermaient le dos de la robe de Fanny. Il avait payé cher l'emballage, maintenant il allait profiter de son cadeau.



Fanny ne cilla pas, ne broncha pas, ne prononça aucun mot. Elle le laissa lui enlever sa robe qui glissa jusqu'au sol dans le crissement du taffetas luisant. Il contourna sa poupée figée puis descendit son jupon jusqu'aux chevilles.

Lorsqu'elle sentit le frais de la chambre parcourir son corps, elle n'osa pas baisser les yeux sur sa nudité et préféra fermer les paupières.

Les deux mains d'Eugène, durcies par le manche des outils de la ferme, s'approchèrent du caraco immaculé et d'un geste brusque et ferme en écarta les deux pans sans en défaire les agrafes. Le petit bout de chiffon se coupa en deux sous la poigne féroce et libéra deux petits seins blancs et fermes. Ainsi dénudée, Eugène se complut à dévisager sa femme de haut en bas.

Les yeux toujours clos pour ne pas voir son reflet dans les pupilles de l'ingrat, Fanny attendait la fin de cette obscénité dont elle était la proie.

Eugène, un sourire machiavélique sur le visage, releva la tête vers sa femme lui saisit les cheveux soigneusement relevés en chignon et lui ordonna d'ouvrir les yeux.

Quand il vit qu'elle clignait ses yeux, aussi fort que possible pour ne pas le voir, il lâcha sa nuque et serra son menton entre son pouce et son index. Elle le provoquait, il appuya encore plus fort son étreinte. La douleur fît naître trop de larmes sous les paupières closes.

- Ouvre les yeux et regarde moi, lui aboya-t-il de si près que l'odeur pestilentielle de son haleine lui souleva le cœur. Cette voix si forte, agressive, ordonnait. L'injonction ne laissait pas de place à une possible tergiversation. Elle était sa chose, sa propriété, elle devait lui obéir et le servir.

Elle ouvrit ses yeux qui libérèrent le flot de larmes qui se terraient sous ses paupières. Les voir rouler jusqu'à son cou stimula encore la méchanceté d'Eugène.

La voir pleurer activait son plaisir.

Il parcourut de ses mains brutales tout le corps de Fanny et chaque fois qu'il s'attardait sur une zone un peu plus charnelle il souriait et la regardait droit dans les yeux pour capter ses réactions. Plus elles signifiaient le dégoût, plus il prenait plaisir à la dévisager.

L'épouse soumise restait impassible. Alors la cruauté d'Eugène décupla. Il arracha le tissu qui lui restait sur les épaules et la poussa sur le lit, sans même ouvrir les draps.

Entièrement nue, il la regarda comme un jouet qu'un enfant trop gâté se prépare à détruire. Il allait pouvoir lui faire subir toutes les affres qu'il souhaitait, c'était son droit, elle était à lui.


Impudique et obscène, il la toucha, la senti, la lécha, fortifié par la gêne qu'il sentait envahir la jeune épousée.

Enfin, il lui écarta les jambes et ainsi offerte, comme morte, il profita outrageusement des atouts de la jeune femme. Son corps superbe, ferme, mince, neuf, subissait la violence d'un être dénué de respect, d'amour et de tact.

Fanny avait reçu l'ordre de garder les yeux ouverts.

Elle les maintint alors grand ouverts et fixes, accrochés au blanc sale du plafond pendant tout le temps que dura son supplice. Elle ne sourcilla pas.

Lorsque enfin, épuisé et repus, son mari abandonna le corps meurtrit, elle n'eut pas beaucoup à attendre pour que le sommeil emporte son assaillant.

Dès qu'elle entendit ses premiers ronflements de porc saccager le silence de la nuit par leur rythmique régulière et écœurante, elle sortit doucement du lit, enfila ses chaussons de feutre pour ne pas réveiller le monstre endormi et ouvrit la porte qui menait à la cuisine. Des braises rougeoyaient encore dans la cheminée, assez pour qu'elle trouve facilement ses sabots de bois et s'en saisisse avant de sortir de la maison.

Cette nuit là, Fanny avait une alliée. La pâle lumière de la lune guida ses pas jusqu'à la falaise. Puis l'astre de nuit auréolé d'étoiles scintillantes accompagna la chute de Fanny dans le vide. Quelques instants plus tard, cinquante mètres plus bas, le corps sans vie d'une pauvresse gisait sur les rochers.

Pas un seul nuage ne vint masquer la dépouille de la jeune femme. Toute la nuit, la lune veilla le corps fracassé de Fanny.



Au petit matin, le père Chériot, celui que tout le village connaissait sous le nom de «vieux fou», découvrit le drame alors qu'il relevait ses collets. Il abandonna ses prises ainsi que les quelques champignons qu'il avait ramassés sur place et courut tant bien que mal jusqu'au village pour annoncer sa trouvaille.

Au centre du bourg, le jeune marié avait déjà alerté que sa toute jeune épouse avait disparue et tout le village s'apprêtait à participer aux recherches. L'annonce du père Chériot arriva à point nommé et tous se mirent en route pour la falaise des Trois Loups, Eugène en tête du cortège. Le père Chériot, retardataire à l'arrière du groupe, claudiquait un peu.

Une fois arrivés à l'endroit indiqué par le vieux fou, ils ne trouvèrent sur place que le lièvre dont le cou était enserré par un fil de fer et quelques girolles éparpillées, mais pas de Fanny.

Des regards accusateurs se tournèrent vers le vieux Chériot, considérant l'idiot déjà trop saoul pour indiquer le bon emplacement, ou peut être coupable de l'innommable.

Alors, le fou présumé ramassa son lièvre et s'enfuit la peur au ventre mais plus effrayé par une possible intervention du diable que par les villageois qui pourraient se faire justice. Il savait qu'il ne s'était pas trompé et que cette disparition était surnaturelle.

Eugène Chamant ne comprenait pas, ni pourquoi, ni comment sa femme avait pu venir se jeter dans le vide à cet endroit et cherchait un indice qui lui confirmerait que les dire du vieux Chériot étaient fondés, que c'était bien sa Fanny qui avait sauté du haut de la falaise.

Il comprit rapidement quand un villageois cria qu'il venait de trouver un sabot de bois.

Il s'agissait bien du sabot de Fanny.

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Ha ! Ha ! Toujours là alors ! c'est que l'histoire de Paul a su t'accrocher. Merci de me laisser un petit commentaire... Ton sentiment, ou ce que tu détestes peut être...
ça mange pas de pain et à moi ça me fera un immense plaisir....

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant